Des milliers de pèlerins célébreront, ces prochains jours, l’anniversaire des apparitions de Beauraing. Parmi les fidèles, la voyante Gilberte Degeimbre, 84 ans, dernier témoin encore en vie des phénomènes » miraculeux « .
Discrète, recueillie, un peu perdue parmi les pèlerins, Gilberte Degeimbre, 84 ans, assiste au chapelet, récité tous les soirs à 18 h 30 dans le » Jardin des apparitions « . La voyante, dernier témoin encore en vie des phénomènes qui se sont produits à Beauraing au cours de l’hiver 1932, a les yeux tournés vers l’aubépine sous laquelle elle dit avoir vu, il y a septante-cinq ans, Marie, la mère de Jésus. Est-ce bien l’arbre qu’elle fixe ainsi ? » Vous savez, mon regard va bien au-delà « , confie-t-elle. Des cinq enfants du village témoins des » apparitions « , elle était la plus jeune, âgée de 9 ans. » Le 29 novembre 1932, vers 18 h 30, c’est Albert Voisin, 11 ans, qui nous a montré pour la première fois la Sainte Vierge. Lumineuse dans la nuit, elle se promenait, les mains jointes, au-dessus du pont du chemin de fer. Comme les autres enfants, j’ignorais tout des apparitions de Marie et je n’étais pas préparée à une telle rencontre. »
La » dame blanche » se serait manifestée une trentaine de fois, presque chaque soir, à la même heure, le plus souvent sous l’aubépine du jardin du pensionnat. Elle aurait demandé aux enfants d’être toujours sages, de prier beaucoup et de construire une chapelle. Les religieuses de l’école fréquentée par les quatre filles et le gamin leur interdisent de parler de leurs visions, mais, dès le début, pèlerins et curieux affluent sur les lieux, espérant des miracles. Ils sont près de 30 000 lors de la dernière » apparition « , le 3 janvier 1933. Selon les enfants, la Vierge se serait alors présentée comme la » reine des cieux » et Albert et Gilberte auraient reçu un message qu’ils n’ont jamais révélé.
» Une centaine de médecins sont présents ce jour-là, raconte Jacques Gilon, recteur du sanctuaire de Beauraing (1). Certains font subir aux jeunes voyants des interrogatoires individuels serrés et constatent l’état d’extase. Le culte de Notre-Dame de Beauraing est autorisé dix ans plus tard. En 1949, les autorités ecclésiastiques reconnaissent le caractère surnaturel des faits, malgré une polémique déclenchée par les propos d’un professeur de Louvain, qui concluait à un phénomène d’hystérie collective. » Le site des visions se dote alors d’une chapelle votive en pierre bleue, puis de bâtiments en béton, dont une église qui peut contenir jusqu’à 5 000 pèlerins. Le commerce des objets de piété n’y a toutefois pas la même ampleur qu’à Lourdes.
Les célébrations : une bonne » pub » pour le sanctuaire
Une certitude, le sanctuaire ne désemplira pas ces prochaines semaines : le 15 août, messe de l’Assomption retransmise en direct par l’Eurovision et, l’après-midi, hommage traditionnel des enfants à la Vierge ; le 18, veillée de prière et procession aux flambeaux ; le 19, sommet des célébrations du 75e anniversaire des » apparitions « , avec l’eucharistie présidée par le cardinal Danneels ; le 22 août, jour de la fête de la Vierge de Beauraing, grand rassemblement annuel des fidèles et bénédiction des malades…
» C’est l’occasion de mieux faire connaître le sanctuaire, se réjouit le recteur Gilon. Nous recevons entre 250 000 et 300 000 visiteurs par an, dont bon nombre de Français et de Néerlandais. Mais Beauraing reste moins attrayant que Banneux, le « petit Lourdes » belge, connu dans le monde entier, et situé près de la belle région des Fagnes. » Gilberte Degeimbre, elle, ne quittera plus Beauraing. Après un demi-siècle passé en Italie, où travaillait son mari, elle s’est réinstallée en Famenne il y a trois mois. Tout près des lieux qui ont bouleversé son enfance. l
(1) A l’occasion du 75e anniversaire des apparitions, Jacques Gilon publie, avec le bibliste Joël Rochette, Beauraing, la Vierge au c£ur d’or (éd. Nouvelle Cité).
Olivier Rogeau