Ambiorix Le retour du héros ambigu
Héros national » belge » depuis le xixe siècle, banni des manuels d’histoire actuels, le roi des Eburons fait son come-back à Tongres. Le mythe du valeureux résistant à l’envahisseur ne résiste toutefois pas à l’analyse.
Mort et enterré, le mythe Ambiorix ? Le roi des Eburons, sacré héros national belge dans la seconde moitié du xixe siècle en tant que symbole de la résistance farouche à l’envahisseur, n’a plus, aujourd’hui, les honneurs des manuels d’histoire. Mais il reste un produit touristique et commercial très valable. Les organisateurs de l’exposition consacrée à la culture celte, présentée jusqu’au 30 juin prochain au Musée gallo-romain de Tongres, » patrie » du héros, en sont bien conscients : ils n’ont pas manqué d’intituler l’événement Ambiorix : roi des Eburons.
Extrait du texte de présentation de l’expo : » Un petit matin d’hiver en l’an 54 avant J.-C., au c£ur du territoire des Eburons. Il y a de la tension dans l’air. Les légions romaines dirigées par Sabinus et Cotta ont abandonné leur camp d’hiver, fuyant un soulèvement de tribus gauloises et germaines alliées. Ambiorix, un des deux rois des Eburons, leur a promis le passage sécurité sur son territoire. Sa ruse a atteint son objectif. Les Romains sont tombés comme des rats dans le piège ! «
Quel as, cet Ambiorix ! Pour les besoin de la cause – faire connaître les trésors de la civilisation celte -, le musée limbourgeois ressuscite le vieux mythe belgicain. Un héros admirable, le grand chef gaulois ? Voire. Dans La Guerre des Gaules de César, texte certes peu objectif (c’est la version de l’ennemi) mais seule source disponible sur notre Vercingétorix à nous, il apparaît comme un champion du double langage, voire comme un traître à son » ami » César. Ses coups de main contre la toute- puissante armée romaine attirent, en outre, des représailles sanglantes contre son peuple.
Devant les émissaires romains envoyés par Sabinus, Ambiorix se justifie : il a été contraint d’attaquer le camp de la 14e légion sous la pression populaire. En clair, les tribus gauloises, lasses de nourrir les légions et de payer tribut, l’ont poussé à participer au projet de soulèvement contre l’occupation romaine. Le roi des Eburons rappelle aussi tout ce qu’il doit à César : grâce à l’intervention du conquérant de la Gaule, sa tribu, installée entre Campine et Ardennes, est exemptée, depuis 57, du tribut qu’elle payait à ses voisins Aduatuques. Toujours grâce à César, Ambiorix a obtenu la libération de son fils et de son neveu, otages chez ces mêmes Aduatuques.
Il promet à Sabinus qu’aucun mal ne sera fait à ses soldats s’ils quittent leurs positions. Le lieutenant de César se laisse convaincre, mais les combats reprennent. Lors de négociations, Sabinus et ses hommes acceptent d’être désarmés et sont illico massacrés. Plus de 6 000 légionnaires périssent dans l’embuscade. C’est la plus grande défaite romaine du Bellum Gallicum. Aidé par les Nerviens, Ambiorix assiège ensuite une autre garnison romaine de la vallée de la Meuse…
Statue non conforme
César ne pardonnera jamais la trahison de son » ami « . Au cours des années 53-51, il se fera un devoir d’exterminer les Eburons et de saccager leur territoire. Ambiorix, lui, disparaît dans la brume ardennaise sans laisser de trace et entre ainsi dans la légende. Depuis 1866, sa statue (photo) se dresse sur la Grand-Place de Tongres. Rien dans la représentation du chef gaulois, signée Jules Bertin, n’est conforme aux données archéologiques. Un casque ailé ? Les Gaulois n’en avaient pas. Une épée portée à gauche ? Elle devrait être à droite. Une peau d’ours sur l’épaule ? Les Celtes savaient tisser. Une hache en pierre ? Une injure au pays des métallurgistes !
O.R.
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