Aimer et comprendre les sculptures

Guy Gilsoul Journaliste

Comment regarder une sculpture afin de l’apprécier jusque dans ses audaces ? Mêlant l’art des anciens, des modernes et des contemporains, voici un guide essentiel.

En 1948, le peintre André Lhote, qui participa à l’aventure du cubisme dès 1912, publie un texte intitulé  » Les invariants plastiques « . En clair, une grammaire universelle de l’art de la peinture adressée aux artistes et à tous les amateurs. Ce sont en réalité des clés de lecture indépendantes du sujet qui explicitent les divers paramètres régissant, indépendamment des époques et des styles, toute composition. Herbert George, qui signe aujourd’hui ce guide d’observation chez Phaidon, est diplômé de sculpture de l’université de Pennsylvanie et, comme le peintre français, enseignant et passionné par les écrits d’artistes. Son texte ne cherche pas à révéler les diverses techniques mais plutôt à nous ouvrir différentes voies d’accès à l’univers visuel des sculptures à partir de six grands chapitres et 14 mots-clés. Méthodiquement, chacun d’eux est explicité à partir d’exemples qui révèlent la diversité des possibilités d’interprétation.

Explorant d’abord quelques-uns des différents rôles que peut jouer le matériau, Herbert George examine huit oeuvres très différentes. Il passe ainsi d’une pièce végétale éphémère d’Andy Goldsworthy aux poutrelles d’acier de Suvero et au tas de bonbons colorés proposé par Felix Gonzales Torres tout en révélant l’apport du marbre chez Le Bernin. Il prend même le temps de montrer combien l’utilisation de deux matières différentes, le bronze et le bois dans les deux versions du Torse de jeune homme de Brancusi, induit des significations distinctes. Les pages suivantes montrent l’importance du lieu qui accueille l’oeuvre ; allant, entre autres, de Maurizio Cattelan à Rodin et ses Bourgeois de Calais.

Le deuxième chapitre étudie les caractéristiques qui fondent l’identité d’une sculpture : la surface, le contour, la couleur, la texture ou encore, l’échelle. Ce sont des mots qui, au premier abord, paraissent simples. Ils soulèvent pourtant bien des questions que les artistes approfondissent en mettant davantage l’accent sur l’un ou l’autre de ces moyens. Dans cette partie, on observera plus de 40 oeuvres. Plus loin, l’auteur différencie la masse d’une oeuvre de son volume, il évoque la question du centre de gravité et débouche progressivement sur l’un des plus forts désirs du sculpteur : défier la matière en travaillant le thème du mouvement (réel ou illusoire) et de la lumière dématérialisante.

Enfin, sachant que ce que l’oeil capte n’est pas toujours ce que comprend le cerveau, Herbert George souligne l’importance de notre mémoire sur notre perception. De quelle expérience du réel (enfance, éducation, errance voyageuse) se chargent, au-delà de leur propre plasticité, Rabbit, le lapin de Jeff Koons, la Pietà Rondanini de Michel-Ange ou encore, l’abstraction de Henry Moore ?  » Dans cet ouvrage, conclut l’auteur, nous avons tenté d’aider le lecteur à accomplir la première étape, il lui revient de réaliser la dernière.  »

Leçon de sculpture, par Herbert George, Phaidon, 150 illustrations, 192 p.

Guy Gilsoul

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