Le Fomu, à Anvers, accueille l’exposition Mirror, parcourant l’oeuvre photographique de l’artiste et activiste chinois.
Tout un symbole : l’exposition événement que consacre pour l’heure, et jusqu’au 18 février prochain, le musée de la photo d’Anvers à Ai Weiwei s’ouvre sur un selfie pris par l’artiste et activiste chinois dans un ascenseur d’hôtel à Chengdu, en 2009, alors qu’il était emmené par la police au milieu de la nuit. Manière pour l’auteur du cliché de critiquer la répression des autorités de Pékin, mais aussi d’affirmer le pouvoir de l’individu à l’ère des médias sociaux, deux des lignes de force de son oeuvre.
» Ce sont les photos qui m’ont choisi, et non l’inverse, explique Weiwei au sujet de cette rétrospective. J’ai pris ces clichés inconsciemment pour ainsi dire, et n’en ai découvert le sens qu’ensuite. En les regardant après-coup, je découvre également qui je suis. » Et cette exposition, que l’on pourrait aussi présenter comme son journal, montre notamment comment sa vie se confond avec son oeuvre – démonstration encore avec le flux ininterrompu de selfies et autres instantanés dont il abreuve la Toile jour après jour (et qui couvrent ici un mur entier), sans qu’il faille y voir nécessairement un narcissisme éhonté, tant il est vrai que chez lui, le personnel est toujours politique. Postulat vérifié au gré d’un accrochage articulé en une quinzaine de modules, et courant des » études de perspective » entamées par l’artiste en 1995 à son engagement dans la crise des réfugiés – Weiwei étant lui-même exilé à Berlin depuis 2015, conséquence de ses démêlés à répétition avec les autorités chinoises.
L’intérêt, pour le coup, réside surtout dans la démarche : iconoclaste, dans les » études de perspective « , où Weiwei dresse un doigt d’honneur en direction de monuments, lieux culturels emblématiques et autres bastions du pouvoir, en une approche l’ayant conduit de la place Tiananmen, à Pékin, au musée Guggenheim de New York, en passant par le Reichstag de Berlin, et manière, selon lui, de dénoncer les abus et l’exploitation se cachant derrière les symboles de la fierté nationale. Cinglante, s’agissant des Fairytale Portraits réalisés en 2007 pour évoquer la difficulté des Chinois à pouvoir obtenir un visa, en une galerie répétant ad libitum l’espoir et la peur. Ironique quand, dans la série des Photographies de surveillance, il détourne, en 2012, les caméras entourant sa maison de Pékin en les ornant de lanternes. Virale quand, pour le 25e anniversaire de Tiananmen, en 2014, Weiwei poste une photo de lui tenant sa jambe comme une arme, inspirée par un ballet de Jiang Qing, la femme de Mao – interprétation bientôt reproduite par des milliers d’abonnés en un geste d’opposition à la violence, l’image vivant désormais sa propre vie sur Internet et faisant l’objet de l’impressionnante installation Leg Gun. Art et activisme sont ici indissociables, en effet. Et si Weiwei n’évite pas toujours le piège de l’autocomplaisance, son oeuvre se pose en acte de résistance souvent drôle et inspiré, comme en expression de son engagement dans le monde. Ainsi de son travail récent autour de la crise des réfugiés, objet du documentaire Human Flow et dont Relating to Refugees donne l’ampleur, écrasante…
Ai Weiwei – Mirror, au Fomu, à Anvers, jusqu’au 18 février 2018, www.fomu.be.