Afric’art !

L’Afrique est tendance. Pour preuve : le continent noir s’invite cet été dans de nombreux musées. Entre découvertes atypiques et rencontres exotiques, quelques pistes pour voyager sans (trop) se déplacer.

Pascale Marthine Tayou : Boomerang

L’art de Tayou ne peut être réduit à ses racines africaines. Il est de ces artistes nomades qui n’ont que faire des frontières psychologiques et géographiques. Il met de grandes questions géopolitiques à l’ordre du jour avec une légèreté imparable.  » Voilà les termes de Paul Dujardin, CEO de Bozar, pour évoquer l’univers magique de Pascale Marthine Tayou (Yaoundé, 1967).

L’exposition rassemble quelque 80 oeuvres récentes (2010-2015). Intitulée Boomerang, elle fait directement référence aux actes perpétrés par les hommes et dont les conséquences devront tôt ou tard être assumées. L’artiste belgo-camerounais exprime tous les paradoxes de notre société. Il communique par le biais d’assemblages d’objets et de matériaux contrastés, recourant notamment au dessin, à la performance, à la photographie, à la vidéo, à l’assemblage ou encore au graffiti. Son oeuvre reflète sa profonde conviction : l’artiste est investi d’une responsabilité qui passe par la dénonciation des problèmes. Adepte de la création in situ, il livre des installations hautes en couleur qui reflètent de façon ludique des thèmes tels que les inégalités sociales (Coton Tiges), l’impact écologique désastreux de la société de consommation (Octopus ou Oléoduc), les problèmes religieux (David Crossing the Moon), le postcolonialisme, l’identité multiculturelle… Le must-see de cet été !

Bozar (Palais des Beaux-Arts), à Bruxelles. Jusqu’au 20 septembre. www.bozar.be

Homme Blanc – Homme Noir. Impressions d’Afrique

Hommes blancs et hommes noirs se sont observés, découverts, admirés… Chacun livre son regard sur l’autre, sur ce qui le caractérise. Peintures, sculptures et photographies montrent que les arts africains et européens se sont fertilisés mutuellement, pour donner naissance à de nouvelles formes d’expression.

Cette exposition souligne l’influence réciproque et les liens multiformes qui se sont tissés entre les arts occidentaux et africains au fil des siècles. Un dialogue qui mêle fascination et rejet du côté occidental, admiration et dérision du côté africain. Dès la période médiévale, les Européens installent des comptoirs le long des côtes africaines, étapes bienvenues sur la route des Indes. Ces haltes portuaires favorisent les échanges (étoffes ou métaux européens se troquent contre de l’ivoire ou des objets gravés africains). Toutefois, ce n’est que dans la seconde moitié du XIXe siècle que l’Europe prend conscience des richesses de l’Afrique. Cet engouement touche tous les domaines mais l’art est particulièrement visé. Le parcours présente des oeuvres réalisées entre le XVIIe et le XXe siècle par des artistes africains – pour la plupart anonymes – et des artistes européens, souvent renommés.

Fondation Pierre Arnaud, à Lens (Suisse). Jusqu’au 25 octobre. www.fondationpierrearnaud.ch

Masques géants du Congo

Le Musée royal de l’Afrique centrale, à Tervueren, profite de son chantier de rénovation pour faire voyager ses collections. Escale estivale au musée BELvue, à Bruxelles. En vitrine, de sublimes masques du Congo.

Face aux collections africaines, on est fortement tenté d’imaginer que ces objets ont été sauvagement arrachés de leur terre par des colons sanguinaires. La réalité est bien plus nuancée… La première salle revient sur la notion de collecte : dès le début du XXe siècle, des liens unissent les jésuites à l’Afrique centrale. Des missionnaires envoyés sur place expédient des objets vers la Belgique. La raison est très simple : pour convertir, il faut comprendre et pour comprendre, il faut connaître. L’exportation de ces pièces se fait dans un climat pacifiste : une attitude de pillage aurait compromis l’objectif sur place. Afin d’accueillir les objets collectés, ces jésuites créent, à Heverlee, un musée. Naturellement, des relations se nouent également avec le musée de Tervueren. Des échanges d’objets, de documentation, de matériel favorisent les travaux ethnographiques menés ici. Quelques lettres reproduites insistent sur la qualité et le caractère réciproque de ces échanges (précisément orientés en fonction des lacunes observées).

La deuxième salle réunit des masques n-khanda. Le mukanda est une initiation masculine assez sévère partagée par les Yaka et les Suku. Les jeunes garçons étaient emmenés en brousse où ils subissaient la circoncision et recevaient tout un enseignement pour se préparer à la vie d’adulte. Au terme de cette période, on assistait à une mascarade : les jeunes hommes faisaient la tournée des villages en réalisant des danses masquées. De qualité variable, les masques présentés ont tous quelque chose de festif et de surprenant. Le sculpteur chargé de les réaliser faisait preuve de beaucoup d’originalité et d’une grande liberté. Les novices portaient ce masque le temps des prestations puis l’objet était détruit (l’usage suffisait à l’abîmer).

Climax du parcours, l’ensemble de kakuungu de la dernière salle. Ce masque – le plus important rituellement – est également lié au mukanda. Il était la propriété de l’isidika. Soit le spécialiste des charmes protecteurs de l’initiation. Il était censé protéger les jeunes pendant cette période de vulnérabilité. Ce masque – à la force surnaturelle qui ne pouvait jamais être totalement contrôlée – a une influence sur le sang : il peut provoquer ou arrêter une hémorragie. Ces kakuungu, volontairement terrifiants, présentent quelques constances : des joues rouges impressionnantes, des yeux très enfoncés, un menton blanc… Les masques de cette nature sont très rares. A peine une quarantaine sont recensés à travers le monde. Une exposition intense, inédite… et totalement gratuite.

Musée BELvue, à Bruxelles. Jusqu’au 8 novembre. www.belvue.be – www.africamuseum.be

Beauté Congo. 1926-2015

Théâtre d’une extraordinaire vitalité culturelle, le Congo est mis à l’honneur dans cette exposition qui retrace près d’un siècle de production artistique. Son point de départ ? La naissance de la peinture moderne congolaise dans les années 1920. Résultat ? Un assemblage audacieux d’oeuvres souvent figuratives traitant avec poésie des thèmes liés à la nature, à la vie quotidienne, aux fables locales et aux rêves. Les artistes laissent libre cours à leur imagination et créent, dans des styles propres d’une étonnante inventivité, des oeuvres lumineuses. Si la peinture est au coeur de l’exposition, la musique, la sculpture, la photographie et la bande dessinée ne sont pas écartées. Elles offrent au public l’opportunité de découvrir la diversité et la vivacité unique de cette scène artistique.

Fondation Cartier pour l’art contemporain, à Paris. Jusqu’au 15 novembre. www.fondation.cartier.com

Par Gwennaëlle Gribaumont

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