AFFLUX DE MIGRANTS : PROBLÈME OU AUBAINE ?

Nul ne peut plus l’ignorer : l’Europe est confrontée à un afflux massif de migrants et cela pose dans l’immédiat un énorme problème logistique. Le choc est tellement brutal qu’il entraîne des phénomènes de congestion et des coûts importants, notamment pour loger, nourrir et soigner ces personnes en détresse. En Allemagne, la destination favorite de ces nouveaux migrants, on se prépare à en accueillir 800 000 cette année, soit 0,5 % de la population résidente. Un demi-pourcent de la population, ce ne serait pas un problème si leur arrivée s’étalait dans le temps. Mais ils arrivent massivement et rapidement. On estime qu’en Allemagne, les dépenses publiques supplémentaires représenteront 0,3 – 0,4 % du PIB en 2015.

En Belgique, le coût sera moindre. Selon toute vraisemblance, nous accueillerons cette année entre 25 000 et 30 000 réfugiés syriens et irakiens. C’est moins qu’en 2000, année où nous avons reçu 40 000 réfugiés en provenance de la RDC et des Balkans.

Si, à court terme, l’arrivée de migrants entraîne un coût pour les finances publiques, est-ce encore le cas à moyen terme ? Beaucoup le croient, s’imaginant que la plupart de ces gens continuent à vivre d’allocations sociales. Une récente étude de l’OCDE, portant sur l’impact des immigrés sur les finances publiques dans 27 pays, montre pourtant que leur contribution nette est positive. Les immigrés rapportent plus au Trésor public qu’ils ne coûtent ! L’exception est l’Allemagne parce qu’elle compte beaucoup de pensionnés nés à l’étranger, la plupart étant venus de Turquie dans les années 1960.

En Belgique, une étude récente, menée par Andrea Rea (ULB) et Johan Wets (KUL), montre que, quatre ans après avoir obtenu le statut de réfugié, les demandeurs d’asile ont le même taux d’emploi que les natifs présentant les mêmes caractéristiques individuelles. L’apport économique à moyen terme des migrants dépend donc de la composition initiale du flux (âge, genre, niveau d’éducation) et de l’efficacité des politiques d’intégration. En ce qui concerne la composition initiale, on manque de statistiques, mais on sait que le nombre moyen d’années de scolarité en Syrie et en Irak est plus élevé que dans les pays qui avaient alimenté les précédentes vagues d’asile. Quant aux politiques d’intégration, les experts préconisent d’accorder rapidement le droit au travail aux demandeurs d’asile et d’organiser des formations linguistiques et professionnelles (1). Même les faucons budgétaires devraient reconnaître que ces dépenses de formation sont utiles car, en permettant à ces personnes de trouver plus rapidement un emploi, cela permet de réduire plus vite les coûts sociaux et de commencer à récolter des gains fiscaux. En outre, ces migrants qui ont pris d’énormes risques pour venir en Europe ont souvent un esprit plus entreprenant. Le microcrédit pourrait leur fournir le petit capital de départ leur donnant la possibilité de démarrer une activité indépendante.

Bien entendu, l’immigration n’a pas que des aspects économiques ; elle soulève aussi des questions culturelles et peut rendre plus difficile le  » vivre ensemble « . Mais une information correcte des citoyens sur les conséquences économiques de l’immigration devrait enlever à la droite populiste quelques-uns de ses faux arguments.

(1) Crise des réfugiés : quelques clarifications s’imposent !, par F. Docquier et J. Machado, Regards économiques, octobre 2015, n° 119.

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par Philippe Maystadt

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