2 JUIN 1977 : LE JOUR OÙ LA PRESTATION DE SERMENT N’A PAS EU LIEU

Tout est prêt au palais. Les laquais connaissent leur partition sur le bout des doigts. Le roi a préparé son discours. Les politiques repassent dans leur tête les quelques mots qui feront d’eux des ministres. Un mois et demi après les élections, un nouveau gouvernement va prêter serment. Sous la houlette de Leo Tindemans, il rassemble des sociaux-chrétiens et des socialistes, ainsi que des membres de la Volksunie et du FDF.

Tout est prêt mais quelque chose cloche. Tout le monde n’est pas là : quatre (futurs) ministres sont absents. Ce sont les PSC. Le colonel Christian de Posch, maître des cérémonies de la cour, tente de se faire rassurant :  » Tout va s’arranger « , glisse-t-il aux vedettes qui s’impatientent. Mais tout ne s’arrange pas : les ministres ne viendront pas. Pourquoi ?

Flash-back : les élections du 17 avril confirment l’énorme popularité de Leo Tindemans. Quelques jours à peine après le début de ses consultations, le roi désigne le Premier ministre sortant formateur. Assez vite, l’Anversois rassemble six partis. Au palais d’Egmont, il se lance avec eux dans de vastes négociations institutionnelles. Objectif : préparer la deuxième réforme de l’Etat. Fin mai, le pacte d’Egmont est prêt.

Reste à former la nouvelle équipe.  » Le roi nomme les ministres « , dit la Constitution. Dans les faits, pourtant, cela fait longtemps qu’il ne les choisit plus. Quoique : lorsque Leo Tindemans propose de nommer Frans Baert ministre de la Justice, le Palais s’oppose. Raison ? On ne confie pas un portefeuille aussi important à un parti communautaire – la Volksunie en l’occurrence. Au sommet de son règne, Baudouin peut se permettre un veto. Tindemans s’incline : la justice échoira à Renaat Van Elslande. Un CVP.

Tout n’est pas réglé pour autant. Le grand nombre de partis complique particulièrement la donne. Le 1er juin, Tindemans indique que les négociateurs  » sont au bord de l’échec total « . Coup de bluff ? Sans doute. Dans la soirée, la répartition des maroquins se dessine. Le lendemain, le formateur donne le nom des (nombreux) lauréats. 23 ministres et 7 secrétaires d’Etat sont annoncés.

C’est alors que survient le coup de théâtre. Réunies en comité directeur, les huiles du PSC s’estiment insatisfaites de la distribution. Elles s’insurgent de voir l’économie régionale bruxelloise attribuée aux socialistes et regrettent l’important poids donné au FDF. Le 2 juin, au lieu d’être au palais, Paul Vanden Boeynants, Alfred Califice, Antoine Humblet et Joseph Michel affrontent leur comité directeur. Qui se montre intraitable.

Tindemans enrage. Humilié, il présente sa démission au roi. Qui la refuse. Pendant ce temps, ça discute ferme au PSC. Les autres partis ont prévenu : plus aucune concession ne sera faite. La pression monte ; le comité directeur finit par donner son feu vert. Le 3 juin, Tindemans IV prête serment. Le discours de Baudouin est sobre mais ferme.  » Les péripéties qui ont entouré la formation du présent gouvernement n’ont pas été favorables à nos institutions.  » L’incident est clos.

VINCENT DELCORPS

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