14-18, les  » dessous  » de la guerre

La nouvelle exposition du Musée BELvue, à Bruxelles, interroge de façon passionnante le rôle des hommes mais plus encore, celui des femmes durant la Première Guerre mondiale. Une approche – souvent écartée – qui ne manque ni d’intérêt, ni d’originalité.

La guerre n’est pas qu’une affaire d’hommes… Elle déséquilibre et affecte l’ensemble de la société. Cinq thèmes abondamment illustrés expliquent comment hommes, femmes et enfants sont appelés à contribuer à l’effort de guerre. Le plus intéressant ? Cette confrontation permanente entre l’image, que la propagande ne cesse de véhiculer, et la triste réalité.

Guerre rêvée et réalité

Point de départ, la mobilisation. Le soldat est alors considéré comme l’incarnation absolue du mâle protecteur. A l’inverse, les  » planqués  » sont immédiatement moqués, traités de poules mouillées. Quant aux femmes, elles doivent pousser leurs hommes sous les drapeaux. Sans distinction d’âge, la mobilisation des esprits est générale. La guerre se retrouve même à l’école… Dans les jeux, les rôles sont clairement définis : papa est soldat, maman est infirmière. En théorie. Car la réalité est plus compliquée. La guerre brouille les codes, déstructure la vie économique et redistribue les rôles.

A l’époque, l’image que l’on se fait de la guerre contraste violemment avec la réalité et l’immense violence rencontrée dans les tranchées. La première magnifie la virilité. La seconde mutile les hommes et révèle leur fragilité. La souffrance n’épargne pas l’espace civil : sous l’Occupation, hommes et femmes subissent des invasions, des prises d’otage, des travaux forcés, des exécutions… mais aussi des formes de violences plus spécifiques, comme le viol.

Personne n’imaginait ni l’ampleur ni la durée du conflit. Une guerre totale ! Privées de mari, les femmes doivent s’organiser au plus vite pour assurer, au champ ou à la ville, les rôles réservés aux hommes. Conjointement, on observe l’apparition d’une politique nataliste qui valorise le rôle de la mère mais plus encore du nourrisson déjà figuré dans le rôle de futur petit soldat. Ainsi, les permissions ne servent qu’à une chose : faire des bébés.

Continuer à s’aimer

Quatrième volet de la démonstration, l’intimité en temps de guerre. Séparés de ceux qu’ils aiment, hommes et femmes connaissent une vraie souffrance affective. Maintenir les liens n’est pas évident. La correspondance permet de garder le moral des soldats mais tous n’ont pas une famille. Certains seront  » adoptés  » par une marraine. Une relation de substitution, souvent équivoque. Entre angoisse et frustration, l’absence des femmes obsède. Bientôt, certaines gravitent aux abords des tranchées. Assez naturellement, on observe le développement d’une prostitution clandestine. A l’arrière des fronts, la moralité des femmes est strictement surveillée. Le parcours se conclut sur l’après-guerre. Pas si simple de se retrouver. Les femmes ont appris à tout gérer ; les hommes reviennent traumatisés, souvent mutilés. Immense défi, la reconstruction des familles encourage le retour à la stabilité et aux rôles conventionnels.

Quelque 300 documents franchement passionnants décortiquent ce pan de la guerre farouchement occulté. Un sujet qui n’a malheureusement rien perdu de son actualité.

Gender@war 1914-1918 : femmes et hommes en guerre, au Musée BELvue, à Bruxelles. Jusqu’au 3 janvier. www.belvue.be

Gwennaëlle Gribaumont

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