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Who’s who : les 12 qui comptent au Congo

Le président Kabila, les hommes forts de son régime, ses alliés fidèles ou turbulents, ses rivaux déclarés ou potentiels… Voici les hommes qui marquent la scène politique congolaise, cinquante ans après l’indépendance.

Joseph Kabila un président dans la tempête Emancipé de ses tuteurs occidentaux depuis qu’il a été légitimé par les urnes (2006), l’impassible Joseph Kabila, 39 ans, reste pour beaucoup une énigme. Les adversaires politiques du président congolais voient dans la rareté de ses apparitions publiques le signe d’une faiblesse, d’une crainte d’affronter l’opinion. Ses proches assurent que cette discrétion est la marque de son sang-froid face aux défis : instabilité dans l’Est, reconstruction du pays, crise économique… Alors que l’arène politique est déjà orientée vers la présidentielle prévue, en principe, fin 2011, l’heure des bilans commence à sonner. Le chef de l’Etat a d’autant plus une obligation de résultat que la plupart des dossiers clés sont traités non pas par le gouvernement, mais par le cabinet présidentiel, voire par des éminences grises sans poste officiel.

Augustin Katumba Mwanke l’éminence grise L’opposition le surnomme « Dieu le père ». Homme de confiance de Kabila, Katumba Mwanke, 46 ans, n’occupe aucune fonction officielle au cabinet du président. Mais il lui prodigue ses conseils, surtout dans le domaine économique. Les contrats passés avec la Chine, c’est lui qui en est l’âme. Les liens étroits du pouvoir avec les opérateurs du secteur minier, c’est lui qui les tisse. Les noms pour les postes clés, c’est lui qui les fournit. Ancien agent de la banque sud-africaine HSBC, Katumba est un député (de Pweto) discret, qui ne prend guère la parole à l’Assemblée nationale. Gouverneur du Katanga sous Laurent-Désiré Kabila, puis ministre déléguéà la présidence, il a été, dès 2002, cité dans un rapport des Nations unies sur le pillage du Congo. Contraint de quitter le gouvernement pour donner le change, il y a vite refait surface, avant de diriger l’Alliance pour la majorité présidentielle (AMP). Leader du « clan des Katangais » au sein du pouvoir, il aurait déclaré sans détour, en avril 2009, après la démission de Vital Kamerhe de la présidence de l’Assemblée : « Demain, nous allons dicter notre loi ! »

Adolphe Lumanu ministre de l’Intérieur Ce natif du Kasaï-Oriental est apparu, ces derniers mois, comme l’homme qui monte dans l’entourage du président. Réputé habile et scrupuleux, Lumanu était, jusqu’en février, directeur de cabinet de Kabila. Mais une sombre affaire de harcèlement, dont tout Kinshasa a eu vent (l’ambassadeur du Canada en RDC, Sigrid Anna Johnson, aurait accusé le « dircab » d’avoir tenté de l’embrasser de force dans les locaux de la présidence), a provoqué sa mutation express à la tête du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité. Pas vraiment un désaveu. Après l’assassinat de Floribert Chebeya, début juin, il a tenté de contenir l’incendie, exprimant ses « regrets », et annonçant l’arrestation d’officiers de police et la suspension du général Numbi. Des sources à Kinshasa nous signalent que Lumanu compte faire réaliser une étude sur le renforcement des services de police et des services secrets congolais. Un projet qui n’a pas reçu partout un accueil très enthousiaste.

Evariste Boshab un fidèle au perchoir de l’Assemblée Président de l’Assemblée nationale depuis avril 2009, ce f idèle de Kabila est le relais clé du chef de l’Etat dans l’hémicycle. Originaire du Kasaï-Occidental, docteur en droit de l’UCL, Boshab, 54 ans, a été professeur de droit constitutionnel à l’université de Kinshasa, avant de se consacrer à la politique, avec l’appui du tout-puissant conseiller Katumba Mwanke. Pendant la transition, il a été directeur de cabinet du président. Toutefois, en 2004, l’opposition a réclamé et obtenu sa démission à la suite d’une affaire de recouvrement de créances de la Snel, la Société nationale d’électricité. Il s’est alors retrouvéà la tête du parti présidentiel, puis à celle de l’Assemblée nationale, après la chute du trop remuant Vital Kamerhe. Un perchoir qui n’est pas de tout repos : fin mai dernier, il a été bousculé par des militants du Palu, le parti du Premier ministre Muzito, lors du débat sur une motion de censure déposée contre le gouvernement.

John Numbi le pilier sécuritaire (suspendu) du régime Suspendu de ses fonctions – mais pas limogé – après sa mise en cause dans l’assassinat de Floribert Chebeya, début juin, le général Numbi est inspecteur général de la police depuis 2007. C’est dans ses bureaux qu’a été convoqué, le 1er juin dernier, le célèbre défenseur des droits de l’homme, tué le soir même du rendez-vous. Agé de 48 ans, Numbi fait partie du premier cercle des collaborateurs de Kabila, où il n’a pas que des amis. Issu du Nord-Katanga, il a été, ces dernières années, l’homme des missions délicates. Il a négocié avec Kigali l’opération conjointe rwando-congolaise au Nord-Kivu et a réprimé dans le sang le mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo.

Léon Kengo wa dondo un président du Sénat habile AKinshasa, sa popularité en hausse en étonne ou en inquiète plus d’un. A 75 ans, Kengo wa Dondo, fils d’un médecin juif polonais, docteur en droit maritime et aérien de l’ULB, est un dinosaure de la politique congolaise. Pilier du régime du maréchal Mobutu, écarté du pouvoir en 1997, poursuivi par la justice belge en 2003 pour blanchiment d’argent (non-lieu), le métis a soutenu Jean-Pierre Bemba à la présidentielle de 2006, a étéélu sénateur dans sa province natale de l’Equateur, puis a créé la surprise en mai 2007 : il a raflé le perchoir du Sénat au nez et à la barbe du candidat de la majorité présidentielle. Devenu le deuxième personnage de l’Etat, l’ancien Premier ministre du Zaïre empêche le camp Kabila de contrôler toutes les institutions du pays. Etiqueté indépendant, Kengo entretient de nombreuses relations au sein de la classe politique et du monde des affaires. Ambitieux ? Sûrement. Mais conscient qu’il risque gros dans un choc frontal avec le régime.

Adolphe Muzito Premier ministre contesté Successeur d’Antoine Gizenga à la Primature, Adolphe Muzito, 52 ans, n’a pas réussi à tirer le gouvernement de son inertie. A plusieurs reprises, les médias ont pronostiqué la démission du Premier ministre. Surtout en juin 2009, quand des informations ont fait état du train de vie luxueux de son cabinet personnel. Fin mai dernier, l’opposition, soutenue par des députés de la majorité, a déposé une nouvelle motion de censure (finalement retirée) contre le gouvernement Muzito, dont plusieurs membres sont accusés d’enrichissement illicite et d’incapacitéà améliorer le sort de la population. Mais le président Kabila a choisi de respecter l’accord politique signé en 2006, qui réserve la Primature au Parti lumumbiste unifié (Palu). Dans la perspective de la présidentielle de 2011, Muzito pourra toujours servir de fusible si le bilan de la législature ne répond pas aux attentes de la population. Kabila sait toutefois que l’appoint de l’électorat du Palu, bien implanté dans l’ouest du pays, n’est pas à négliger.

Moïse Katumbi gouverneur hors normes Le Katanga des années 1960, c’était Moïse Tshombe. Le Katanga d’aujourd’hui, c’est un autre Moïse. Gouverneur de la province minière depuis février 2007, le très populaire et populiste Katumbi, 45 ans, est devenu une célébrité au-delà même des frontières du Congo. Fils d’une mère congolaise et d’un père juif italien originaire de l’île de Rhodes, le métis sans diplômes a amassé une fortune colossale en Zambie, puis au Katanga, dans le commerce du poisson, le transport et l’exploitation minière. Sa société, MCK, a décroché trois gisements lors de la privatisation de la Gecamines. La revente de ses parts lui a rapporté plus de 60 millions de dollars, pactole qui lui a permis de financer sa campagne électorale. Proche des investisseurs étrangers, le gouverneur mène grand train et distribue à foison les billets de cent dollars à ses administrés. Il a fait de son club de foot l’une des équipes phares du continent. En homme avisé, le champion national des voix de préférence des dernières élections affirme qu’il continuera à rouler pour Kabila à la présidentielle de 2011.

Olivier Kamitatu toujours entre deux chaises Hier, il était de tous les combats avec Bemba. Actuellement, il fait partie de la nébuleuse Kabila. Originaire du Bandundu, fils du patriarche Cléophas Kamitatu, Olivier Kamitatu Etsu, 46 ans, a présidé l’Assemblée nationale pendant la transition. Exclu du MLC fin 2005, il crée son propre parti, l’Alliance pour le renouveau du Congo (ARC) et est, depuis février 2007, ministre du Plan. On lui a prêté l’ambition de devenir Premier ministre. Puis il a plaidé pour le renforcement des pouvoirs du président, estimant le poste de Premier ministre inutile. Ensuite, fin mai 2010, il a tenté de créer une dissidence au sein de la plate-forme présidentielle : le Centre libéral et patriotique (CLP). Objectif de la fronde : remettre en cause l’accord de gouvernement qui fait, selon Kamitatu, la part trop belle au Palu, le parti du Premier ministre Muzito. Parmi les signataires figuraient d’autres figures bien connues de la politique kinoise : les ministres José Endundo etAntipas Mbusa Nyamwisi, et Modeste Bahati. Kabila n’a pas du tout apprécié. Rudement sermonnés par le président, les « dissidents », penauds, ont renoncéà leur projet.

Nzanga Mobutu l’autre « fils de » Né en 1970, Nzanga est le fils aîné de l’ancien président Mobutu et de sa seconde épouse, Bobi Ladawa. Arrivé en 4e position au 1er tour de la présidentielle de 2006 avec 4,77 % des voix, il a aussitôt été courtisé par Kabila et Bemba, restés seuls en piste. Nzanga Mobutu a finalement décidé de se rallier au fils du tombeur de son père. Il a été récompensé par un poste de ministre, d’abord de l’Agriculture, aujourd’hui de l’Emploi. En février dernier, des rumeurs ont circulé sur son départ du gouvernement. Mais l’alliance entre kabilistes et mobutistes scellée en 2006 n’a pas été remise en cause. Les analystes s’interrogent néanmoins sur l’audience actuelle du parti de Nzanga. L’Union des démocrates mobutistes (Udemo) apparaît affaiblie par le départ de certains de ses dirigeants.

Jean-Pierre Bemba un avenir politique en pointillé Si l’opposition congolaise est aujourd’hui réduite à faire de la figuration, c’est surtout parce qu’elle n’a plus de chef charismatique à demeure. Poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI), Jean-Pierre Bemba, 47 ans, attend son procès, prévu début juillet à La Haye. L’ex-chef rebelle est accusé, en sa qualité de chef militaire, de meurtres, viols et pillages commis en 2002-2003 en Centrafrique par sa milice, le Mouvement de libération du Congo (MLC). Le bras droit de Bemba, François Muamba, député du Kasaï oriental, se verrait bien en n° 1, mais son leadership est contesté au sein du MLC.

Vital Kamerhe grande pointure en exil L’homme qui, des élections de 2006 à mars 2009, a présidé avec brio l’Assemblée nationale congolaise n’avait pas sa langue en poche. Les contrats chinois ? Vital Kamerhe était contre et l’a fait savoir. L’intervention rwandaise au Nord-Kivu début 2009 ? Il l’a décriée et a déploré le secret qui entourait l’opération. D’où le divorce : Kabila l’a contraint à abandonner le perchoir. Economiste originaire du Sud-Kivu, l’hyperactif Kamerhe était bien vu dans les chancelleries occidentales. Ex-patron du PPRD, le parti du président, il avait contribuéà l’écrasante victoire de Kabila dans l’est du pays en 2006. Mais entre lui et le très influent « clan des Katangais », la tension était palpable. Toujours député, Kamerhe, 51 ans, réside en Afrique du Sud. Il donne des cours à l’université de Pretoria et achève l’écriture de deux ouvrages sur le Congo. En attendant un retour en grâce. Qui sait ?

OLIVIER ROGEAU

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