Pfizergate
Pfizergate: Ursula von der Leyen a depuis rempilé pour un second mandat à la tête de la Commission européenne. © ZUMA Press

Pfizergate: la CJUE annule la décision de la Commission européenne refusant de divulguer les sms entre Ursula von der Leyen et Albert Bourla, PDG de Pfizer

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

Le New York Times avait saisi la Cour de justice européenne pour casser le refus de la Commission de lui donner accès à ces échanges en marge des négociations pour des vaccins anti-Covid.

L’audience, en novembre dernier à la Cour de justice européenne (CJUE) au Luxembourg, avait attiré la foule. Il faut dire que le procès qui opposait le New York Times à la Commission européenne faisait suite à la parution d’un article d’avril 2021, dans lequel la journaliste Matina Stevis, alors cheffe du bureau bruxellois du quotidien américain, dévoilait que la patronne de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait personnellement interagi avec Albert Bourla, PDG de Pfizer, pour obtenir des doses de vaccin anti-Covid dont l’Union avait tant besoin pour s’extirper de la crise, donnant lieu à ce qui a été appelé le «Pfizergate». Cette «diplomatie» toute personnelle, sous forme de messages et d’appels, aurait duré un mois, avec le succès que l’on sait –l’Union devenant alors, avec ce contrat à 35 milliards d’euros, le client numéro un de la firme.

«Nous avons intenté cette action en justice parce que cela soulève des questions importantes concernant le contrôle démocratique dans l’Union européenne», commentait un porte-parole du journal peu avant le procès, arguant que «le public continue de se voir refuser l’information sur les termes négociés de l’un des plus grands contrats de passation de marchés publics de l’histoire de l’Union européenne

Ce mercredi, la Cour de justice européenne (CJUE) a donné raison au New York Times, annulant la décision de la Commission refusant l’accès aux messages textes échangés entre la présidente von der Leyen et le PDG de Pfizer.

Informations changeantes

Si la Commission a toujours nié être en possession des documents demandés, le tribunal a remarqué que les réponses de cette dernière «concernant les messages textes demandés tout au long de la procédure sont fondées soit sur des hypothèses, soit sur des informations changeantes ou imprécises. En revanche, Madame Stevi et The New York Times ont produit des éléments pertinents et concordants décrivant l’existence d’échanges, en particulier sous forme de messages textes, entre la présidente de la Commission et le PDG de Pfizer dans le cadre de l’achat par la Commission de vaccins auprès de cette société pendant la pandémie de Covid-19. Ils ont ainsi réussi à renverser la présomption de non-existence et de non-possession des documents demandés

«La Commission n’a pas expliqué en détail le type de recherches qu’elle aurait effectuées pour trouver ces documents ni l’identité des lieux où celles-ci se seraient déroulées. Partant, elle n’a pas fourni d’explication plausible pour justifier la non-possession des documents demandés.»

Ainsi les contorsions de la Commission n’ont pas convaincu les juges de la CJUE, loin de là. Lors du procès, les avocats de la Commission avaient d’ailleurs dû admettre qu’ils n’étaient pas en mesure de dire ce qui avait précisément été fait pour retrouver ces SMS. Tout au plus se sont-ils basés sur la déclaration du chef de cabinet d’Ursula von der Leyen, lequel a simplement déclaré que les documents demandés étaient introuvables. Dans ce cas, «qu’est-ce qui garantit que la façon qu’a la Commission de traiter les documents n’est pas arbitraire?», s’était emporté un juge.

Mieux motiver le refus

Dans son arrêt, la CJUE n’est pas moins sévère quant à cette ligne de défense en mode service minimum. «Dans une telle situation, la Commission ne peut pas se contenter d’affirmer qu’elle ne détient pas les documents demandés mais doit présenter des explications crédibles permettant au public et au Tribunal de comprendre pourquoi ces documents sont introuvables. La Commission n’a pas expliqué en détail le type de recherches qu’elle aurait effectuées pour trouver ces documents ni l’identité des lieux où celles-ci se seraient déroulées. Partant, elle n’a pas fourni d’explication plausible pour justifier la non-possession des documents demandés. De plus, la Commission n’a pas suffisamment clarifié si les messages textes demandés avaient été supprimés et, dans ce cas, si la suppression avait été faite volontairement ou automatiquement ou si le téléphone portable de la présidente avait été entre-temps remplacé.»

Saura-t-on un jour ce qu’il s’est dit entre Ursula von der Leyen et Albert Bourla? Rien n’est moins sûr; avec cette décision –que la Commission peut encore contester par ailleurs–, l’institution européenne est surtout tenue de combler le vide juridique créé par l’annulation de l’acte, rappelle la CJUE: en somme, de mieux motiver son refus.

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