
Syrie: l’Elysée ouvre la porte à un assouplissement des sanctions
Le président syrien Ahmed Al-Charaa, ex-membre de groupes jihadistes, a été reçu ce 7 mai à l’Elysée par Emmanuel Macron. Une première visite européenne pour ce dirigeant controversé, qui espère obtenir un allègement des sanctions économiques contre la Syrie. En échange, son régime promet des réformes démocratiques et le respect des droits humains.
Le président syrien est un homme au passé sulfureux marqué par ses passages dans les rangs de l’Etat islamique et d’Al-Qaïda, accueilli en grande pompe à Paris le 7 mai dernier. Cette visite officielle, la première en Europe pour le nouveau chef d’Etat Ahmed Al-Charaa, a pour objectif de convaincre les puissances occidentales de lever les sanctions économiques imposées à la Syrie sous le régime de Bachar al-Assad.
Depuis janvier, Paris et Berlin ont déjà soutenu un allègement partiel des sanctions européennes, emboîtant le pas à Washington. Les mesures concernent des secteurs clés: banque, énergie, transport aérien et mouvements d’actifs privés. En échange, le régime d’Al-Charaa s’est engagé à initier des réformes démocratiques et à respecter les droits humains.
«C’est un pari, nous sommes d’accord, reconnaît Didier Leroy, chercheur à l’Institut royal supérieur de Défense. Mais les puissances étrangères, notamment occidentales, n’ont pas trop le choix: soit elles persistent dans la méfiance et s’isolent, soit elles rouvrent la porte du palais à Damas et aux contrats qui l’accompagnent. Aéroports, reconstruction, import-export…»
Derrière la manœuvre, un impératif stratégique: remettre l’économie syrienne sous perfusion. «Cela permet de regagner un minimum de souffle, poursuit Didier Leroy. Pour Ahmed Al-Charaa, la priorité, c’est de payer ses hommes. Il en va de sa survie politique, voire personnelle.»
Des ONG prudemment favorables à la levée des sanctions
Certains acteurs de la société civile plaident eux aussi pour un relâchement des sanctions. C’est notamment le cas du Réseau syrien pour les droits de l’homme. Une situation surprenante, mais qui s’explique. «Les défenseurs des droits humains prennent un risque, mais ils espèrent que cela permettra de faire revivre les centres urbains comme Damas ou Homs, d’offrir un minimum de stabilité à des familles qui tentent de revenir», explique Didier Leroy.
Amnesty International adopte la même position. «Nous sommes souvent critiques des sanctions, car elles ne sont pas toujours ciblées. Elles finissent par frapper une population qui n’est pas responsable de ce qui se passe», explique Carine Thibaut, directrice d’Amnesty Belgique.
Même son de cloche chez Michel Liégeois, politologue au Centre d’étude des crises et conflits internationaux (CECRI). «Si on maintient les sanctions, toute perspective de redémarrage économique tombe à l’eau. Des entreprises doivent pouvoir exporter. Sinon, on étouffe toute chance de reconstruction.»
Une levée sous conditions
Mais la méfiance reste de mise. «Chaque contrat signé impose des garanties: respect du droit international, tolérance envers les minorités, positionnement clair dans la région», rappelle Didier Leroy. Le passif d’Ahmed Al-Charaa, tout comme l’instabilité persistante du pays, oblige les chancelleries à avancer avec prudence.
La levée des sanctions ressemble ainsi à un numéro d’équilibriste. D’un côté, un pays exsangue qui tente de se reconstruire. De l’autre, un dirigeant à la légitimité fragile et à la trajectoire ambiguë, dont le virage démocratique reste encore à prouver.
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