
Sadiq Khan, élu maire de Londres pour la troisième fois, tandis que les conservateurs lsubissent un revers électoral massif
Le travailliste Sadiq Khan est devenu samedi le premier élu à remporter la mairie de Londres pour un troisième mandat. Ce fils d’immigrés pakistanais, musulman pratiquant, est désormais le visage de la continuité pour la capitale britannique.
L’élu de 53 ans, fils d’un chauffeur de bus, avait pour la première fois ravi la mairie de Londres en 2016. Il était alors devenu le premier musulman à diriger une capitale occidentale. Avec ce troisième mandat, remporté largement face à son adversaire conservatrice Susan Hall, il bat en terme de longévité son prédécesseur le conservateur Boris Johnson, élu deux fois à la mairie de Londres.
Pour son premier mandat, il avait combattu avec force le Brexit. Cette fois, il a promis une ville « plus juste, plus sûre, plus verte pour tout le monde ». Il veut étendre son programme de repas gratuits pour les enfants des écoles publiques. Lui qui a grandi dans un logement social s’est engagé à ce que 40.000 nouveaux logements sociaux soient construits. Il a promis d’agir pour qu’il n’y ait plus de sans abri à Londres d’ici 2030.
Cet homme à la chevelure poivre et sel, au petit gabarit de 1m65, est jugé peu charismatique. Ce qui ne l’a pas empêché de devenir la bête noire de la presse conservatrice et des « Tories », au pouvoir au Royaume-Uni depuis 2010. Ils l’attaquent sans relâche sur la sécurité. Ils l’accusent d’être responsable de l’augmentation des agressions à l’arme blanche, un fléau que Sadiq Khan attribue pour sa part à la politique d’austérité des gouvernements conservateurs qui auraient conduit à la baisse des effectifs policiers.
Les opposants de Sadiq Khan lui reprochent d’avoir étendu l’an dernier au grand Londres la taxe pour véhicules polluants, introduite en 2015 par Boris Johnson. Les conservateurs ont sauté sur cette opportunité, accusant Sadiq Khan d’avoir peu d’égard pour les Londoniens souffrant de la crise du coût de la vie.
Coran à Buckingham
Les attaques contre lui dérapent parfois. L’ancien vice-Premier ministre des « Tories » Lee Anderson a affirmé en février que les islamistes avaient « pris le contrôle » de Sadiq Khan. « Il a donné notre capitale à ses acolytes », a dit le député qui a depuis rejoint le parti d’extrême-droite Reform UK.
Quelques années plus tôt, en 2019, l’ex-président américain Donald Trump l’avait ciblé durant une vague d’attentats jihadistes à Londres, et l’avait traité de « honte nationale » et de « loser total ». « Un seul d’entre nous est un loser, et ce n’est pas moi », avait répondu Sadiq Khan.
Le maire incarne une de ces success stories que Londres, ville monde fière de sa diversité, où 46% des résidents s’identifient comme asiatiques, noirs, mixtes ou « autres », affectionne. Il ne rate jamais une occasion de revenir sur ses origines modestes et parle volontiers du fait qu’il respecte le jeûne du ramadan, ne boit pas d’alcool et essaie de faire ses prières tous les jours.
Sadiq Khan est né le 8 octobre 1970 dans une famille pakistanaise alors immigrée au Royaume-Uni depuis peu. Il grandit dans un lotissement social à Tooting, quartier populaire du sud de Londres, avec six frères et une soeur.
Il fréquente le lycée public local, pas franchement réputé, et l’université de North London.
Un de ses professeurs repère son don pour les joutes oratoires et l’oriente vers des études de droit.
Enfant, il fait de la boxe pour pouvoir plus facilement impressionner ceux qui osent le traiter de « Paki ».
A 15 ans, il adhère au Parti travailliste quand Margaret Thatcher est au pouvoir.
En 2005, il abandonne sa carrière d’avocat spécialisé en droits humains pour se faire élire député.
Trois ans plus tard, Gordon Brown lui offre le poste de ministre chargé des Communautés, puis celui des Transports l’année suivante. Il devient le premier musulman à siéger au cabinet d’un Premier ministre britannique.
Quand le palais de Buckingham lui a demandé sur quelle Bible il voulait prêter serment, il a proposé d’apporter son Coran. Sadiq Khan a laissé son exemplaire au palais, espérant qu’il servira « pour le suivant ».
Les conservateurs au pouvoir subissent un revers électoral massif
Dans la capitale britannique, Sadiq Khan a été réélu largement avec 43,8% des votes pour un historique troisième mandat, face à la conservatrice Susan Hall (32,7%). Il s’est dit « honoré » et « fier » et a affirmé espérer que cette année « sera une année de grand changement » avec « un futur gouvernement travailliste ».
Déjà vendredi, les premiers résultats montraient que les Tories au pouvoir depuis 14 ans allaient connaître leur pire défaite en 40 ans pour un scrutin local, au cours duquel les électeurs étaient appelés à voter pour une législative partielle – gagnée par le Labour – et pour renouveler une partie des milliers d’élus locaux en Angleterre et au Pays de Galles, ainsi que onze maires. Les gains substantiels de l’opposition travailliste renforcent ses espoirs de voir arriver son chef Keir Starmer à Downing Street après les élections législatives prévues plus tard cette année.
Une page se tourne
« Aujourd’hui nous célébrons le début d’une page qui se tourne, l’une des dernières étape avant les élections législatives« , s’est félicité samedi Keir Starmer à Mansfield dans les East Midlands où il célébrait l’élection de la maire travailliste Clare Ward. « Tournons la page du déclin et lançons le renouveau national avec le Labour », a-t-il ajouté, promettant notamment de rebâtir le système de santé à la dérive, après avoir appelé la veille le Premier ministre Rishi Sunak à convoquer des élections législatives.
Cependant, Rishi Sunak, qui fait face à des divisions dans ses rangs, a encore défendu samedi sa politique, notamment son projet d’expulser des migrants vers le Rwanda ou encore ses baisses d’impôts. « Le Labour n’a pas gagné dans des endroits où ils ont admis devoir l’emporter » pour obtenir une majorité à l’issue des prochaines législatives. « Seuls les conservateurs ont un plan » pour le pays, a-t-il assuré dans une tribune publiée dans le journal conservateur The Telegraph.
Au total, le Labour a gagné plus de 180 sièges et va diriger huit conseils locaux supplémentaires, tandis que les conservateurs ont perdu plus de 470 sièges et lâché la main sur au moins dix conseils locaux. La montée en puissance de Reform UK, parti nationaliste et populiste, fondé par le champion du Brexit Nigel Farage a aussi de quoi inquiéter les conservateurs, qui pourraient leur céder des voix lors des législatives.
« Battre les conservateurs »
Tout n’est pas rose non plus pour le Labour, qui a notamment perdu des électeurs du fait de sa position jugée par certains de ses électeurs trop pro-israélienne dans le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza. Il a plus bénéficié « d’une volonté (des électeurs) de battre les conservateurs » que d’un « enthousiasme » à son égard, alors que la participation est restée faible (moins de 30% dans la plupart des scrutins locaux), a estimé John Curtice, professeur de sciences politiques.
Toutefois, « rien dans ces résultats ne vient troubler l’impression créée depuis longtemps selon laquelle les travaillistes sont en bonne voie pour remporter les prochaines élections législatives », selon lui.
Outre Londres, les travaillistes ont à ce stade remporté dix des onze scrutins municipaux qui se tenaient dans plusieurs grandes villes du pays, comme Manchester, Liverpool, Leeds ou Sheffield (South Yorkshire), mais aussi dans l’agglomération de York et North Yorkshire, là même où se trouve la circonscription du Premier ministre.