Dans la nuit du 21 au 22 juin, l’armée américaine a mené plusieurs frappes contre les installations nucléaires iraniennes. Une opération revendiquée par Donald Trump, qui marque une rupture stratégique majeure.
Samedi 21 juin, les Etats-Unis ont mené une série de frappes contre trois installations nucléaires en Iran. L’opération a visé Fordow, Natanz et Ispahan, des sites stratégiques dans l’architecture du programme nucléaire iranien. Ce raid marque une rupture majeure dans la posture de Washington depuis le début du conflit entre Israël et l’Iran.
L’intervention a été ordonnée par Donald Trump, sans feu vert du Congrès. Le président américain a confirmé l’attaque en direct depuis la Maison Blanche aux côtés de son vice-président JD Vance et des ministres Marco Rubio et Pete Hegseth. Il a parlé d’un succès total et d’un moment historique pour la paix, tout en menaçant Téhéran de frappes encore plus puissantes si aucune ouverture ne suivait.
Les bombardiers B-2 ont largué des bombes GBU-57 sur Fordo, site souterrain situé au pied d’une montagne. D’autres projectiles ont touché Natanz, centre d’enrichissement clé, et Ispahan, où sont stockées d’importantes réserves de matière fissile. Selon le média américain Fox News, une douzaine de bombes pénétrantes ont été utilisées, accompagnées de «missiles Tomahawk». Malgré l’attaque, l’Iran nie tout risque de fuite radioactive et affirme que son programme nucléaire se poursuivra.
Elena Aoun, experte des relations internationales à l’UCLouvain, estime que cette attaque «transforme la nature du conflit. Les Etats-Unis ne menaient jusque-là qu’un soutien logistique et politique à Israël. L’action militaire directe engage leur responsabilité de manière explicite. Les sites visés ne sont pas symboliques mais opérationnels, au cœur du système d’enrichissement en uranium iranien.»
Etats-Unis/Iran: une escalade régionale
A Téhéran, la réponse n’a pas tardé. Des missiles ont été lancés vers le nord d’Israël. Le ministre des affaires étrangères iranien dénonce une agression illégale. L’Organisation de l’énergie atomique iranienne évoque une violation grave du droit international. Des promesses de ripostes ont été formulées contre les intérêts américains dans la région.
Benyamin Netanyahou salue ce qu’il appelle «un tournant historique». Le chef du gouvernement israélien affirme que la promesse de détruire le programme nucléaire iranien est tenue. Il remercie Donald Trump pour son engagement et parle d’une étroite coordination entre les deux pays. Le soutien populaire à l’opération reste fort en Israël.
L’ONU exprime sa préoccupation. Antonio Guterres parle d’une escalade dans une région déjà instable. En Europe, les réactions sont prudentes. Keir Starmer, le Premier ministre anglais, appelle l’Iran à revenir à la table des négociations. Le chancelier allemand Friedrich Merz félicite l’armée israélienne pour avoir selon lui, «fait le sale travail que d’autres évitaient.»
Depuis des mois, Washington tentait de négocier indirectement avec Téhéran sur le nucléaire via des pourparlers à Oman. Le département d’Etat espérait une pause dans l’escalade. Les frappes de samedi y mettent fin. La main est maintenant à l’Iran, qui dispose de relais puissants dans la région mais d’une marge de manœuvre réduite.
Le président américain affirme qu’il n’y aura pas de troupes au sol et que l’opération est limitée. Les déploiements se poursuivent. Le porte-avions USS Nimitz est positionné dans la région. Des forces terrestres ont été redéployées au Koweït et aux Emirats. Israël bénéficie d’un ciel quasi vide au-dessus de l’Iran. Le scénario d’une intervention ponctuelle devient de moins en moins crédible.
Rien ne garantit que l’opération affaiblira durablement le programme iranien. L’Agence internationale de l’énergie atomique n’a pas encore pu vérifier les dégâts. Le dernier rapport parlait de plus de 400 kg d’uranium enrichi à 60 %. La localisation des réserves et des centrifugeuses les plus avancées reste incertaine.
Elena Aoun insiste sur une autre dimension. Cette attaque met en question le cadre international lui-même. Les frappes sont menées sans mandat onusien et sans légitimation parlementaire. L’image des Etats-Unis comme puissance régulée en sort fragilisée. Elle ajoute que la ligne rouge est aujourd’hui politique. L’éventuelle élimination du guide suprême iranien constituerait un point de bascule aux conséquences imprévisibles.
L’Iran rencontre la Russie
Pour Elena Aoun, les prochains jours seront décisifs. «L’Iran peut opter pour une riposte contrôlée visant à éviter une guerre totale. Mais la pression interne et la logique de dissuasion pourraient pousser le régime vers une fuite en avant. Le programme nucléaire iranien repose autant sur des infrastructures que sur des compétences humaines. Les frappes ne font pas disparaître les savoirs ni la volonté politique.»
L’Iran a d’ailleurs menacé les Etats-Unis à plusieurs reprises ces derniers jours, dont une fois ce lundi. Après avoir affirmé que les Etats-Unis et Israël « ont franchi une ligne rouge majeure », le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi, doit rencontrer à Moscou le président Vladimir Poutine. « L’acte hostile (des Etats-Unis) élargira la portée des cibles légitimes des forces armées de l’Iran et ouvrira la voie à l’extension de la guerre dans la région », a averti un porte-parole des forces armées iraniennes, Ebrahim Zolfaghari. « Les combattants de l’islam vous infligeront de lourdes conséquences imprévisibles avec des opérations (militaires) puissantes et ciblées », a-t-il ajouté dans une vidéo diffusée par la télévision d’Etat.
Washington appelle Pékin à la rescousse
Après les frappes américaines sans précédent contre les sites nucléaires iraniens dans la nuit de samedi à dimanche, l’Iran a menacé de s’en prendre aux bases militaires des Etats-Unis au Moyen-Orient. Selon les analystes, l’Iran pourrait également choisir de riposter à l’attaque de Washington en fermant le détroit d’Ormuz, par lequel passe un cinquième de la production mondiale de pétrole. Le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a exhorté dimanche la Chine à contribuer à dissuader l’Iran de fermer le détroit.
Pékin a réagi lundi en affirmant que la communauté internationale devait intensifier ses efforts pour éviter que les hostilités entre l’Iran et Israël n’affectent l’économie mondiale. « Le Golfe et ses eaux environnantes sont des passages essentiels pour le commerce international de biens et d’énergie », a déclaré Guo Jiakun lors de la même conférence de presse. La communauté internationale doit « redoubler d’efforts » pour « empêcher l’instabilité régionale d’avoir un impact plus important sur le développement économique mondial », a-t-il ajouté.