La prise de Constantine en 1837 donna lieu à de «terribles massacres». © Sepia Times/Universal Images Gro

Pourquoi l’introspection de la France sur les crimes de la colonisation en Algérie est utile

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le politologue et spécialiste de la colonisation Olivier Le Cour Grandmaison rappelle à ceux qui persistent à les nier ou les minimiser les massacres commis par la France en Algérie.

Dans la matinale de RTL France le 25 février 2025, le journaliste Jean-Michel Aphatie, parlant des tensions qui animeront tout au long de l’année les relations entre l’Algérie et la France, rappelle le poids de l’histoire en affirmant: «Chaque année, en France, nous commémorons le massacre d’Oradour-sur-Glane, c’est-à-dire le massacre de tout un village (NDLR: par la 2e division blindée SS «Das Reich» le 10 juin 1944 en Haute-Vienne, faisant 643 morts parmi les habitants). Mais, nous, nous en avons commis des centaines lors de la conquête de l’Algérie. En avons-nous conscience?» Le propos scandalise les défenseurs du «roman national républicain», singulièrement à droite et à l’extrême droite. Résultat: le «profanateur» est suspendu de l’antenne. Et pourtant, il n’a fait que dire la vérité, même si les Algériens ont aussi commis leur lot de violences. Le professeur de science et philosophie politiques à l’université d’Evry Paris-Saclay et spécialiste de la colonisation Olivier Le Cour Grandmaison le démontre de manière implacable dans Oradour coloniaux français (1).

Implacable parce que les acteurs, les chroniqueurs et les commentateurs de la conquête (1830-1872) et de la guerre (1954-1962) d’Algérie témoignent eux-mêmes, dans leurs écrits, des violences perpétrées contre les «barbares» ou les «terroristes» et contre la population algérienne qui a priori les soutient. Du massacre de Laghouat en 1852 (3.000 morts) à celui de Guelma en 1945, des enfumades (incendies des entrées de grottes où se sont réfugiés des combattants) opérées pendant l’entreprise d’occupation aux «vols de la mort» des années 1950 et 1960 quand les combattants et militants du Front de libération nationale (FLN) étaient jetés depuis des hélicos en Méditerranée au large d’Alger: les exemples pullulent de tueries commises par les Français dans leur colonie.

«Oradour coloniaux? Si des différences existent entre ces massacres et celui commis le 10 juin 1944 […], elles ne sont pas de nature. Ils peuvent être qualifiés a minima de crimes de guerre, plus certainement de crimes contre l’humanité puisque, perpétrés « en exécution d’un plan concerté »», estime Olivier Le Cour Grandmaison. Et pourtant, pour beaucoup, encore aujoud’hui, «toute « vérité » qui « dessert la patrie » doit être rejetée». D’autres sauvent l’honneur de la France en entretenant «le courage de la vérité».

(1) Oradour coloniaux français. Contre le «roman national», par Olivier Le Cour Grandmaison, Les Liens qui libèrent, 160 p.
Les exemples pullulent de tueries commises par les Français en Algérie.

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