Le plan de paix de Donald Trump soigne les revendications israéliennes, conduit le Hamas à la dissolution et mise sur les pressions des Etats arabes. Mais ses chances de succès sont minces.
Si le plan de paix présenté par Donald Trump le 29 septembre est avalisé par le Hamas et si son application n’est pas entravée par Israël et par le reliquat du groupe islamiste palestinien, la bande de Gaza sera dans quelques mois un territoire démilitarisé, préservé de l’influence de milices, protégé par une Force internationale de stabilisation, pacifié au bénéfice de sa population palestinienne, gouverné par une autorité transitoire apolitique sous la supervision d’un «comité de la paix» international présidé par le président des Etats-Unis, et prêt à être reconstruit. Donald Trump pourra ajouter ce trophée à l’argumentaire de sa candidature au prix Nobel de la Paix, s’il ne l’a pas déjà eu, et son gendre Jared Kushner faire prospérer ses affaires immobilières sur place, avec le concours de ses amis saoudiens.
Perspective réelle ou mirage? A ce stade, la deuxième option prévaut tant les embuches sont nombreuses sur le chemin vers une «paix éternelle» tracé par le président américain. Pourquoi ce pessimisme?
L’un consulté, pas l’autre
Le plan Trump est essentiellement une œuvre américano-israélienne. Des pays arabes ont été consultés. Mais dans les dernières heures avant sa divulgation, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a encore réussi à y apporter des ajustements en sa faveur, selon la presse israélienne, notamment sur le processus de retrait de Tsahal de Gaza, dont le calendrier est flou. L’autre partie au conflit, le Hamas, n’a pas eu ce loisir, et il est peu probable que d’éventuelles demandes d’accommodements du plan de sa part soient prises en considération. «Si le Hamas rejette votre plan, Monsieur le président, ou s’il l’accepte supposément puis fait tout pour s’y opposer, alors Israël finira seul le boulot», a prévenu Benjamin Netanyahou au terme de sa rencontre avec Donald Trump.
Après celle-ci, il a enfoncé le clou en laissant entendre que l’armée israélienne «restera dans la majeure partie de Gaza» alors que la proposition américaine prévoit, au terme du processus, son retrait sur les frontières du territoire telles qu’elles le délimitaient avant le 7-Octobre. Néanmoins, un des atouts du plan Trump est qu’il est soutenu par les principaux Etats arabes concernés –l’Egypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite, le Qatar, les Emirats arabes unis– et par quelques poids lourds du monde musulman –la Turquie, le Pakistan et l’Indonésie. Les dirigeants qatariens et turcs, notamment, réussiront-ils à imposer une pression suffisamment forte sur leur allié du Hamas pour le faire plier?
Le dilemme est de taille pour le groupe islamiste palestinien, illustration de l’échec de sa stratégie du terrorisme d’ampleur inusitée appliquée il y a maintenant deux ans contre un grand nombre de civils israéliens. Dans l’offre à prendre ou à laisser de Washington, il doit libérer tous les otages en une séquence, alors qu’il a toujours voulu le faire en plusieurs étapes pour se garder une «arme de dissuasion»; il doit accepter son désarmement et son renoncement à exercer tout pouvoir politique futur; il doit donc avaliser son autodestruction.

Fuir ou périr
Mais l’alternative n’est pas plus positive pour lui. S’il rejette le plan américain, l’offensive de Tsahal à Gaza viendra à bout de ses dernières forces. S’il l’accepte, au moins peut-il sauver quelques miliciens soit qui déposeraient les armes et resteraient sur place, soit qui choisiraient de se replier à l’étranger… Etat de faiblesse et pressions, voire menaces, des partenaires arabes et turc feront-ils céder les plus radicaux du mouvement? Pas sûr. Comme est loin d’être acquise l’idée que le Hamas pourrait être sensible aux évolutions «favorables» au peuple palestinien, en regard des intentions de Donald Trump et de Benjamin Netanyahou il y a peu de temps encore, que consacrent les 20 points du plan américain.
Le plan Trump réalise les deux objectifs d’Israël après le 7-Octobre: éradiquer le Hamas et obtenir la libération des otages.
Il n’est plus question en effet de déplacements forcés de population: la proposition n°11 indique même que «nous encouragerons les gens à rester et leur offrirons l’occasion de construire un Gaza meilleur». Et la création d’un Etat palestinien est inscrite noir sur blanc, reconnue comme «étant l’aspiration du peuple palestinien», même si elle n’apparaît que dans l’avant-dernier point du plan et est conditionnée à la progression du «redéveloppement de Gaza» et à la mise en œuvre du «programme de réforme de l’Autorité palestinienne»… Il n’empêche que les Américains entérinent ainsi la poursuite de la solution à deux Etats, ce qui, après le rejet de l’annexion de la Cisjordanie formulé le 25 septembre par Donald Trump, est un deuxième sujet de discorde publiquement affiché entre les Etats-Unis et Israël.

Objectifs initiaux rencontrés
Avec le locataire actuel de la Maison-Blanche, il est toutefois difficile de dire si ces principes font office de lignes rouges à ne pas franchir ou s’ils sont sujets, le cas échéant, aux revirements de sa pensée. Car le plan Trump est incontestablement à l’avantage global d’Israël. Il réalise les deux objectifs assignés à l’offensive militaire après le massacre du 7-Octobre: éradiquer le Hamas et obtenir la libération des otages. Les imprécisions sur le retrait de Tsahal de la bande de Gaza et sur son calendrier fournissent une autre démonstration de ce parti pris. Il est prévu sur une ligne qui maintiendrait un tiers du territoire sous contrôle israélien dans une première phase postérieure à la libération de tous les otages alors que le Hamas conditionnait celle-ci à son retrait complet. Il se poursuivrait sur une ligne reculée en fonction du déploiement de la Force internationale de stabilisation. Et s’achèverait par un repli autour des frontières originelles mais avec le maintien du contrôle des frontières, y compris celle avec l’Egypte, par les Israéliens et avec la latitude d’installer une zone tampon en terre gazaouie.
Malgré tous les avantages qui lui ont été concédés, Benjamin Netanyahou met en péril son gouvernement avec l’acceptation du plan Trump, décidée sans concertation avec ses partenaires. Le ministre des Finances d’extrême droite, Bezalel Smotrich, a rapidement fait connaître toute la réprobation que lui inspirait ce projet, dénonçant le retour de la solution à deux Etats, l’abandon de la sécurité du pays à des mains étrangères et le rôle majeur du Qatar dans l’application du projet. Plusieurs partis de l’opposition ont en revanche apporté leur soutien à l’initiative, ouvrant la voie, le cas échéant, à la constitution d’une alliance alternative.
Mais Benjamin Netanyahou est-il disposé à renier son partenariat belliciste? Il pourra peut-être se contenter d’attendre la fin de non-recevoir opposée par le Hamas à la mise en demeure américaine ou, en cas d’acceptation, la première entorse présumée à son application…