La Belgique ne compte pas rapatrier ses ressortissants d’Israël «à ce stade», malgré les appels à l’aide: «Faut-il un mort pour qu’une évacuation soit justifiée?» (info Le Vif)
Olivia, belgo-israélienne, est toujours coincée dans les abris en Israël, faute de solutions pour quitter le territoire. Maxime Prévot, ministre des Affaires étrangères, assure qu’une évacuation systématique des ressortissants belges n’est pas à l’ordre du jour.

La Belgique ne compte pas rapatrier ses ressortissants d’Israël «à ce stade», malgré les appels à l’aide: «Faut-il un mort pour qu’une évacuation soit justifiée?» (info Le Vif)

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Plusieurs pays européens ont débuté des opérations de rapatriement de leurs ressortissants en Israël, notamment via la Jordanie ou l’Egypte. Pour l’heure, la Belgique ne compte pas les imiter, malgré certains témoignages de détresse. «Il n’y a pas lieu, à ce stade, de procéder à une évacuation systématique», assure le ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot.

La France déploie ses avions militaires. La Pologne, le Portugal, les Pays-Bas, la Roumanie ou la Serbie s’organisent. L’Allemagne et la Grèce offrent des solutions via des vols commerciaux. Des Lituaniens ou des Slovaques ont également pu regagner leurs pays, soutenus par des vols de la Commission européenne. Doucement mais sûrement, plusieurs pays européens s’activent pour rapatrier certains de leurs ressortissants encore présents en Israël –avec, souvent, une priorité octroyée aux personnes les plus vulnérables et désireuses de regagner leur pays.

Les vols retours décollent parfois depuis l’Egypte, la Jordanie ou Chypre, et, depuis dimanche soir, certains se font même depuis l’aéroport Ben Gurion de Tel Aviv. Ce dernier a rouvert au trafic (très partiellement), malgré les menaces d’attaques iraniennes dont il fait aussi l’objet.

Aucune opération de rapatriement pour quitter Israël

Et la Belgique, dans tout ça? A cette date, aucune opération de rapatriement n’est prévue par les autorités. «Certains demandent à être évacués, reconnaît Maxime Prévot (Les Engagés), mais selon notre évaluation de la situation, revue au quotidien, il n’y a pas lieu à ce stade de procéder à une évacuation systématique, déclare le ministre des Affaires étrangères. Les partenaires européens qui y procèdent nous disent eux-mêmes que ces opérations étaient peut-être précipitées vu le faible taux de remplissage des avions affrétés.»

Selon le ministre, «des itinéraires sûrs existent par lesquels les Belges peuvent quitter le pays, par la route. Cet élément nous permet de tenir notre position actuellement. Nos équipes tiennent ces Belges informés sur les itinéraires en temps réel. Les informations sont continuellement mises à jour sur nos sites».

«Certains demandent à être évacués, mais selon notre évaluation de la situation, revue au quotidien, il n’y a pas lieu à ce stade de procéder à une évacuation systématique.»

Pourtant, le site des Affaires étrangères ne parle pas vraiment d’itinéraires sûrs: «Vous pouvez tenter de quitter Israël à ses propres risques (sic), peut-on y lire ce 24 juin, par le poste-frontière israélo-égyptien de Taba, par les postes-frontières israélo-jordaniens de Jordan River (Beït Shéan) ou de Yitzhak Rabin (Eilat/Aqaba), ou par la Cisjordanie et le poste-frontière palestino-jordanien du Pont Allenby/King Hussein».

D’après les toutes dernières informations des Affaires étrangères communiquées au Vif, environ 10.000 Belges sont actuellement en Israël, et 280 en Iran. Mais «il est possible que des Belges ne se soient ni inscrits ni manifestés auprès de nos ambassades et consulats, d’où l’importance de signaler sa présence sur Travellers Online».

«Au moins 10 fois par jour» dans les abris souterrains

Malgré le discours tempérant des autorités, certains Belges encore sur place cherchent de l’aide… et ne trouvent pas toujours réponse à leurs signaux d’alerte, ou à leur situation spécifique. C’est le cas d’Olivia (prénom d’emprunt), qui s’est rendue en Israël la semaine dernière, avec sa famille, pour assister aux funérailles de sa grand-mère.

Cette jeune belgo-israélienne ne s’attendait pas à ce qu’une nouvelle phase de la guerre commence dès son arrivée. «Le vendredi 21 juin, on a été réveillé à 3h du matin par des sirènes. On a vite compris que la situation allait s’envenimer et qu’il fallait vite rentrer en Belgique», témoigne-t-elle.

La semaine dernière, Olivia devait se réfugier «au moins 10 fois par jour» sous les abris souterrains en raison des tirs iraniens. Depuis quelques jours, «c’est environ 3 ou 4 fois, jour et nuit», décompte-t-elle.

Vendredi, lorsque l’espace aérien de la région n’était pas encore totalement fermé, le SPF Affaires étrangères lui recommandait encore de chercher des vols commerciaux ou des bateaux pour quitter Israël. «Cette réponse nous a étonnés, car les autorités nous font porter toute la responsabilité du départ. L’ambassade belge à Tel Aviv n’avait aucune réponse à nous donner, déplore-t-elle. On est même allé jusqu’à contacter l’ambassade française, sans succès.»

L’impasse des binationaux belgo-israéliens

Face à «ce silence radio de la Belgique», dixit l’étudiante, une forte mobilisation a eu lieu, notamment auprès des professeurs de l’UCLouvain, où Olivia réalise son doctorat. «Mais rien n’a bougé, si ce n’est l’actualisation du site des Affaires étrangères.»

«Nos équipes sont mobilisées 24/7 pour répondre aux Belges et les assister, répond Maxime Prévot. Cela ne peut pas être plus concret. Je ne peux pas laisser dire que nos agents, qui se dévouent corps et âme, n’apporteraient pas l’aide et les informations nécessaires. Ils le font autant que faire se peut.»

Mais les routes de sortie suggérées par les Affaires étrangères (par la Jordanie ou par l’Egypte) sont problématiques pour les cas précis d’Olivia et sa famille, qui disposent du passeport belge ET israélien. «Les autorités nous ont juste dit de prendre de l’eau et de la nourriture, sans autre information précise sur la façon de procéder pour passer la frontière, regrette Olivia. La KU Leuven recommande même de s’adresser à l’ambassade des Pays-Bas, plutôt que la Belge. Cette situation est surréaliste.» 

«Le gouvernement belge a l’obligation légale de porter assistance à ses citoyens en zone de guerre à l’étranger.»

Pour l’étudiante, le fait de détenir également la passeport israélien, en plus du belge, constitue un possible danger au passage de la frontière avec la Jordanie, par exemple. «On nous a dit que c’était à nos risques et périls. Nous aurions apprécié d’autres solutions, comme un vol de rapatriement organisé par la Belgique (NDLR: qui n’est donc pas à l’ordre du jour), ou un rapatriement via la Jordanie ou l’Egypte avec un passage aux frontières coordonné et sécurisé par l’ambassade belge, ce qui n’est pas le cas non plus. Le gouvernement belge a pourtant  l’obligation légale de porter assistance à ses citoyens en zone de guerre à l’étranger», regrette Olivia.

Les Pays-Bas, par exemple, ont opté pour une solution intermédiaire en organisant des convois sécurisés pour évacuer certains de leurs ressortissants par l’Egypte.

Quitter Israël par la mer: la seule (coûteuse) option

La dernière option envisageable pour Olivia à ce jour reste la voie maritime, avec une traversée par bateau vers Chypre, pour ensuite y trouver un vol vers la Belgique. Mais cette fois, c’est un obstacle financier qui s’érige. Les prix du trajet pour rejoindre l’île chypriote sont en effet exorbitants (entre 2.000 et 5.000 euros). «Nous n’avons pas ces moyens financiers. Nous essayons désormais de récolter de l’argent pour réaliser la traversée», raconte Olivia.

Lorsque nous évoquons le cas précis des binationaux belgo-israéliens aux Affaires étrangères, elles assurent ne pas leur donner des conseils de façon abstraite. «Nous évaluons chaque situation au cas par cas et aidons les Belges à déterminer en temps réel quelles sont les voies sûres et l’itinéraire adéquat. Si l’on devait être informé d’un réel danger via un certain itinéraire actuellement recommandé, on aviserait les Belges concernés de ne pas le prendre

Ce matin, à l’aube, Olivia, toujours coincée en Israël, nous écrit: «six alertes cette nuit», avec une photo de traces de missiles iraniens dans le ciel. «Faut-il attendre qu’un Belge meurt pour qu’une évacuation soit justifiée?», s’interroge-t-elle.

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