Une fillette de 6 ans victime de malnutrition à Gaza City, le 11 mai. © GETTY

Guerre à Gaza: la faim, l’insupportable arme de guerre d’Israël

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Les restrictions à la fourniture de nourriture provoquent la famine des plus faibles à Gaza. Même les amis d’Israël ne comprennent plus le lien entre cette stratégie et la lutte contre le Hamas.

Le chancelier allemand Friedrich Merz a affirmé le 26 mai «ne plus comprendre l’objectif de l’armée» israélienne dans sa guerre contre le Hamas à Gaza. «Porter atteinte à la population civile dans une telle mesure, comme c’est de plus en plus le cas ces derniers jours, ne peut plus être justifié comme un combat contre le terrorisme du Hamas», a-t-il expliqué lors d’une interview à la chaîne de télévision WDR. Et d’avertir: «Le gouvernement israélien ne doit rien faire que ses meilleurs amis ne soient plus prêts à accepter.» L’Allemagne, pour des raisons historiques liées à la Shoah perpétrée pendant la Seconde Guerre mondiale, est un des plus grands soutiens de l’Etat hébreu. Au cours de la dernière réunion des ministres européens des Affaires étrangères, elle a fait partie du cercle des Etats les plus réticents à envisager de remettre en cause l’accord d’association entre l’Union et Israël. C’est dire si l’accusation de Friedrich Merz est grave.

Les atteintes à la population civile de Gaza se traduisent quotidiennement par des morts, justifiées dans le camp israélien par la présence présumée de combattants du Hamas dans des habitations ou des hôpitaux, sans que les mobiles soient toujours prouvés, et surtout par l’usage de la famine comme arme de guerre.

«Le gouvernement israélien ne doit rien faire que ses meilleurs amis ne soient plus prêts à accepter.»

Le gouvernement israélien a bloqué toute entrée d’aide humanitaire dans Gaza depuis le 2 mars. Il n’a desserré cet étau que depuis le 20 mai, sous une certaine pression des grandes puissances, mais dans une proportion très insuffisante pour assurer le minimum vital à la population gazaouie. De 50 à 100 camions ont pénétré dans le territoire quotidiennement alors qu’il en faudrait de 500 à 600. Rien ne semble pouvoir détourner à ce stade le gouvernement Netanyahou de ses intentions portées par l’opération «Les charriots de Gédéon»: réoccuper Gaza et, potentiellement, concentrer les déplacés dans le sud-ouest du territoire palestinien, avant de les déporter dans un autre pays. Rien sauf –qui sait?– un accord sur la libération des otages. Cette perspective a refait surface le 26 mai sur la foi d’informations indiquant que le Hamas aurait accepté un plan américain prévoyant la remise en liberté de dix captifs contre une trêve de 70 jours.

Il n’en reste pas moins que dans l’entendement israélien, la famine causée par l’arrêt d’une grande partie de l’aide fournie à la population n’est qu’un moyen pour atteindre des objectifs militaires et politiques. Et c’est contraire aux valeurs de toute démocratie. Un rapport de l’organisation Médecins du Monde, publié le 7 mai, étaie cette instrumentalisation.

Une étude sur l’état de santé des enfants et des femmes enceintes dans les centres de santé que l’organisation déploie à Gaza City et à Deir al Balah, soit une cohorte de 10.000 personnes, démontre sur la période entre juillet 2024 et avril 2025, un taux de 18% à 20 % de malnutrition identifié auprès des femmes allaitantes et des enfants de 6 mois à 5 ans. En outre, l’enquête établit une corrélation claire entre un blocus de l’aide et l’explosion du niveau de malnutrition. Quand l’assistance humanitaire a repris un rythme normalisé à la faveur de l’accord sur la libération des otages entre fin janvier et fin février 2025, les taux sont repassés à des niveaux de 2% à 3 %. Ils étaient de 0,8% avant le 7 octobre 2023, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Pour le président de Médecins du Monde, Jean-François Corty, les résultats de l’étude accréditent les alertes d’acteurs comme les Nations unies qui évoquent une famine imminente dans ces conditions, à savoir les restrictions imposées depuis le 2 mars et à peine atténuée depuis le 20 mai. Les dirigeants des grandes puissances ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas.

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