Sous l’impulsion de Donald Trump, Israël et le Hamas s’apprêtent à conclure un cessez-le-feu inédit, assorti d’échanges d’otages et de prisonniers. Un tournant diplomatique majeur… ou une trêve de façade, déjà menacée par les faucons des deux camps.
L’accord entre Israël et le Hamas est sur les rails. Est-il le premier wagon d’une paix durable dans la région?
Initiée par le président américain Donald Trump, l’annonce prévoit la mise en place d’un cessez-le-feu à Gaza, accompagné de la libération des otages israéliens contre celle des détenus palestiniens, dans les 72 heures. La proposition doit cependant traverser un dernier passage à niveau, celle de l’approbation du gouvernement israélien, attendue sous peu, après qu’une signature définitive en Egypte ait déjà été confirmée.
Après deux ans de guerre et l’attaque du 7 octobre, l’étape pourrait être historique, et dessiner les premières fondations d’un plan d’après-guerre. L’optimisme est-il désormais permis? Il est tout en cas palpable dans le monde diplomatique. L’espoir pour les plus concernés, à savoir les otages et leurs familles d’une part, et la population Gazaouie de l’autre, n’a jamais été aussi réel.
Car cette fois, l’accord semble plus sérieux que toutes les tentatives précédentes. Il s’inscrit comme une suite logique à la phase de proposition générale du plan américain en 20 points, dévoilée fin septembre par Donald Trump.
Ces derniers jours, Charm el-Cheikh, en Egypte, fut le point névralgique des négociations très concrètes et logistiques. Ce n’est pas un hasard: à côté des Etats-Unis, l’Egypte, le Qatar et la Jordanie ont été les principaux médiateurs entre les différentes parties.
Accord Israël-Hamas: une première étape fondatrice
«Cette première étape peut être fondatrice, commente Michel Liégeois, professeur de relations internationales (UCLouvain) et expert du Moyen-Orient. Elle est aussi une condition préalable pour espérer une réouverture des robinets humanitaires. Avec, au bout du compte, la perspective de la création d’un Etat palestinien.»
La solution à deux Etats, espérée par une majorité de la diplomatie mondiale, est souvent considérée comme la seule option crédible sur la table pour organiser une paix solide. «C’est bien de cela dont il est question dans le plan de Donald Trump. Ce revirement de cap avait d’ailleurs étonné les observateurs. Auparavant, le républicain rejetait cette option avec fermeté, s’alignant systématiquement sur la position de Netanyahou.»
Accord Israël-Hamas: Trump a-t-il délégué?
Comment le train de la paix a-t-il changé de destination? Michel Liégeois évoque l’hypothèse d’une pression accrue des Américains. «On peut difficilement imaginer que l’exécutif israélien ait accepté de s’engager dans cette voie sans s’être fait tordre vigoureusement le bras par les Etats-Unis, seul pays à disposer de vrais leviers envers Israël.»
Pour la première fois, il est possible que le département d’Etat américain était davantage à la manœuvre que son président. «La conception du plan est bien faite, salue l’expert. Avec un enchaînement relativement logique des 20 points. C’est peut-être le signe que des spécialistes du Proche-Orient ont injecté un certain nombre d’éléments.»
Point d’ombre majeur, cependant: le processus prévoit un rabotage graduel du territoire de la bande de Gaza, dont la nouvelle démarcation envisagée reste floue.
«Pour l’instant, la priorité est de mettre fin au calvaire. Dans cette optique, l’accord représente la première véritable éclaircie depuis deux ans.»
Point d’ombre sous-jacent: cet accord de cessez-le-feu pourrait également marquer la première étape d’une assise plus concrète des Etats-Unis dans la région. «Il y a évidemment toute la question de la motivation secondaire à l’accord, reconnaît Michel Liégeois. Mais la situation est si catastrophique pour les populations concernées que les intérêts sous-jacents de Donald Trump ont été relégués au second plan. Pour l’instant, la priorité est de mettre fin au calvaire. Dans cette optique, l’accord représente la première véritable éclaircie depuis deux ans.»
Pour l’expert du Moyen-Orient, il serait donc «vraiment dommage de réduire ce qui est en train de se passer à des questions de purs intérêts économiques, même s’il ne faut pas les exclure. Il est évident que les efforts diplomatiques américains n’ont pas été motivés par la seule souffrance des Gazaouis. Si tel était le cas, les combats auraient pris fin beaucoup plus rapidement.»
Accord Israël-Hamas: des intérêts pour le «torpiller»
Désormais, la préoccupation principale est d’observer comment cette première étape va s’opérer et si elle s’enchaînera avec les suivantes de manière plus ou moins fluide, permettant une reprise durable de l’aide humanitaire ou non. «Actuellement, on assiste à un règlement ponctuel et momentané. Dans ce genre de processus, à tout moment, l’une des parties peut avoir intérêt à l’interrompre, avertit Michel Liégeois. Un attentat contre Israël ou une roquette tirée depuis Gaza pourrait servir de prétexte pour une reprise des bombardements.»
«Le processus tel qu’il s’engage dépendra des dynamiques internes à chaque camp et des négociations bilatérales par intermédiaires interposés.»
Selon le professeur de l’UCLouvain, «des acteurs, de part et d’autre, ont même intérêt à torpiller le processus. Et ils essayeront de le faire.» Certains ministres israéliens d’extrême droite, par exemple, ont déjà dit tout le mal qu’ils en pensaient. Le processus tel qu’il s’engage, dépendra donc tout autant «des dynamiques internes à chaque camp, que des négociations bilatérales par intermédiaires interposés».
Le Hamas est-il «éradiqué»?
Israël peut-il pour autant affirmer avoir atteint ses objectifs de guerre, à savoir l’éradication du Hamas? «Le Hamas est aussi et surtout une idée, et on n’éradique pas une idée», estime Michel Liégeois, qui rappelle que «l’organisation terroriste ne reconnaît pas Israël et reste soutenue par une partie de la population palestinienne. Cette dernière estime que ses droits peuvent être reconnus uniquement dans un rapport de force armé avec l’Etat hébreu. L’enjeu, désormais, est que cette idée soit marginalisée», estime le spécialiste, afin que «les forces qui croient en la diplomatie prévalent dans les deux camps».
L’accord, même finalisé, restera donc un combat diplomatique de tous les instants. «Pour maintenir le cap malgré des embûches déjà prévisibles.»