Trois élections ont lieu en Europe aujourd’hui: au Portugal, en Pologne, et en Roumanie. Pour chaque scrutin, la droite tantôt conservatrice tantôt radicale est attendue triomphante. Tour des urnes.
Le Portugal, la Pologne et la Roumanie sont face à un moment politique important ce dimanche avec des élections aux enjeux distincts mais aux issues qui n’éviteront pas les comparaisons. Le Vif fait le tour des élections pour en décrypter les tenants et aboutissants.
Au Portugal, la droite modérée espère (re)confirmer Luis Montenegro
Les Portugais sont appelés dimanche à élire leurs députés pour la troisième fois depuis 2022 lors d’élections législatives qui pourraient permettre au Premier ministre sortant, Luis Montenegro, d’élargir sa majorité de droite modérée après une année au pouvoir.
Avocat de 52 ans, M. Montenegro a été le personnage central de la campagne, puisqu’il a lui-même provoqué ce scrutin anticipé en démissionnant en mars, sur fond de soupçons de conflit d’intérêts concernant les activités d’une société de conseil enregistrée à son domicile et au nom de ses enfants. « Personne n’a jamais été aussi transparent que moi », a-t-il affirmé lors de son dernier meeting, en réponse au chef de l’opposition socialiste, Pedro Nuno Santos, qui l’a accusé de « mêler politique et affaires » en touchant de l’argent d’entreprises privées après son entrée en fonctions.
Toutefois, les études d’opinion montrent que « l’électorat portugais affiche une certaine tolérance face à ce genre de question, et celle-ci n’a clairement pas pris l’ampleur que l’opposition espérait », note la politologue Filipa Raimundo, de l’Institut universitaire de Lisbonne ISCTE.
La coalition gouvernementale de droite modérée, l’Alliance démocratique (AD), était ainsi créditée de 34% des intentions de vote, contre 26% pour le Parti socialiste (PS), selon le dernier sondage publié par les médias locaux. Le parti d’extrême droite Chega (« Assez ») pourrait recueillir 19% des voix, un peu plus que son score aux législatives de mars 2024, et ainsi consolider son statut de troisième force politique du pays.
Comme le Premier ministre a toujours refusé de gouverner avec le soutien de l’extrême droite, il espère arriver à former une majorité plus solide en scellant un accord avec la formation Initiative libérale, créditée de 7% des intentions de vote. « Je sais que les Portugais sont fatigués des élections et qu’ils sont les premiers à vouloir la stabilité », a fait valoir M. Montenegro, jusqu’ici pris en tenaille par l’extrême droite et le Parti socialiste, battu de justesse en 2024 après huit années au pouvoir.
La Pologne à l’heure du choix entre l’Europe et le nationalisme
Les Polonais se rendent aux urnes dimanche pour le premier tour de l’élection présidentielle. Le Premier ministre polonais Donald Tusk espère qu’avec un président sorti de ses rangs, le parti nationaliste d’opposition Droit et Justice (PiS) perdra en importance. Le PiS espère pour sa part livrer à nouveau le prochain président polonais présidence, dans la lignée de l’actuel chef d’Etat sortant conservateur Andrzej Duda proche de cette formation, et mettre ainsi des bâtons dans les roues aux réformes promises par M. Tusk. Si aucun candidat n’obtient 50% des voix, un scénario des plus probables, un second tour décisif sera organisé le 1er juin pour départager les deux candidats les plus populaires.
Le président polonais dispose surtout d’un pouvoir symbolique, mais il peut toutefois opposer son droit de veto afin de contrecarrer les lois adoptées par le parlement. M. Duda a d’ailleurs déjà renvoyé de nombreuses lois devant la Cour constitutionnelle. « Ses opposants politiques reprochent à M. Duda de ne pas s’être placé au-dessus de la mêlée des différents partis politiques au cours des dix dernières années et de trop suivre la ligne du PiS », explique Kris Van Heuckelom, professeur d’études polonaises et d’études culturelles à la KU Leuven. Le président est tenu d’être le « garant de la constitution », mais il lui a été reproché de ne pas avoir pris ce rôle à coeur « en particulier quand le PiS a voulu faire passer des réformes du système juridique polonais », rappelle le professeur.
Le PiS, qui domine l’opposition depuis octobre 2023, espère conserver la main mise sur la présidence de sorte à contrecarrer l’agenda du parti de la Coalition civique (KO), pro-européenne, du Premier ministre Donald Tusk. Mais aussi paver le chemin pour une victoire aux législatives de 2027. Pour convaincre l’électeur, le parti mise sur la candidature de Karol Nawrocki, directeur de l’Institut de la mémoire nationale, relativement inconnu dans le paysage politique. L’homme de 42 ans à la tête de cet institut est censé être indépendant, mais il dispose du soutien du PiS. La coalition conservatrice-libérale de Donald Tusk lui oppose le quinquagénaire Rafał Trzaskowski, maire de Varsovie. Cet Européen convaincu a déjà tenté d’accéder à la présidence en 2020, mais a dû concéder la victoire à son rival Duda.
M. Trzaskowski défend les droits de la communauté LGBTQIA+, entre autres, et a fait interdire les signes convictionnels comme les crucifix dans les services municipaux de sa ville. Il est dès lors populaire auprès des Polonais plus jeunes et progressistes, mais déplait à la frange conservatrice et catholique de l’électorat. En matière d’immigration, son discours penche plus à droite, dans le droit-fil de la rhétorique de Donald Tusk.
Le candidat de la Coalition civique Rafal Trzaskowski fait figure de favori de la course avec 30% des intentions de vote à ce premier tour, devant l’historien Karol Nawrocki promu par le PiS et M. Duda, crédité d’un soutien de 25% des électeurs, selon la moyenne des sondages.
En Roumanie, l’extrême droite aux portes du pouvoir dans une élection plus que tendue
Le candidat d’extrême droite roumain George Simion fait figure de favori du second tour de la présidentielle organisé ce dimanche, à moins que la mobilisation de la jeunesse et des nombreux abstentionnistes ne fasse dérailler ses plans. Ce souverainiste fan de Donald Trump, âgé de 38 ans, a enregistré le 4 mai un score au-delà de ses espérances (40,9%), lors du premier tour. Le scrutin est très surveillé à Washington, Bruxelles et Moscou, après l’annulation rarissime du vote du 24 novembre dans ce pays de 19 millions d’habitants loyal membre de l’UE et pilier de l’Otan.
Loin derrière, le maire centriste de Bucarest Nicusor Dan, 55 ans, espère que les indécis se déplaceront aux urnes pour faire barrage au tournant nationaliste prôné par M. Simion, critique de Bruxelles et opposé à toute aide à l’Ukraine voisine. Nicusor Dan ne bénéficiera pas d’un front républicain: ses principaux rivaux du premier tour n’ont pas appelé à voter en sa faveur.
Alors que le taux n’a été que de 53% au premier tour, il faudrait qu’il grimpe à 65% pour que le centriste ait des chances de renverser la donne. En cas de victoire, George Simion jure de « ramener au pouvoir » d’une manière ou d’une autre Calin Georgescu, l’inattendu candidat arrivé en tête du premier tour du 24 novembre, après une campagne massive sur TikTok. Le scrutin avait été annulé en raison des soupçons d’ingérence russe, provoquant la réaction outrée du vice-président américain JD Vance et des protestations parfois violentes.