Gérald Papy

Les jeunes d’Asie contre les privilèges indus des politiciens (chronique)

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

En Indonésie, au Népal et au Timor oriental, la jeunesse s’est soulevée contre des avantages que s’étaient octroyés des parlementaires et des dirigeants. Inacceptable alors que les inégalités se creusent.

Après l’Indonésie et le Népal, c’est au tour du Timor oriental de voir sa jeunesse se révolter. Avec comme point commun, une motivation: stop aux privilèges indus des politiciens.

A l’entame de la semaine du 15 au 21 septembre, des milliers de manifestants, dont de nombreux étudiants, ont fait le siège du Parlement à Dili, capitale du jeune Etat de l’archipel indonésien, indépendant depuis 2002. Source de leur colère, le projet d’achat de 65 véhicules de fonction, des Toyota Land Cruiser Prado 4×4, à l’usage des députés pour un montant de 3,5 millions d’euros. Dans un pays où plus de 40% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, la pilule est apparue amère. Deux jours de protestations et le retrait du projet ont calmé, peut-être temporairement, la jeunesse.

La colère, celle du Népal, a été considérablement plus violente les 8 et 9 septembre. Parlement, ministères, résidences de ministres et symboles de l’oligarchie au pouvoir ont été incendiés à Katmandou, la capitale. La répression a fait plus de 50 morts. Le Premier ministre a démissionné. Le chef d’état-major de l’armée s’est imposé comme médiateur et des élections devraient rebattre les cartes de la scène politique où les caciques de l’ancien régime auront du mal à trouver leur place. A l’origine de la révolte, l’exaspération face à la corruption et au népotisme des politiques, que les selfies sur les réseaux sociaux de leurs enfants dans des cadres de vacances luxueux ont fait exploser.

Cette vague de contestation asiatique avait commencé le 25 août en Indonésie après que les parlementaires à Jakarta se sont octroyé une confortable allocation de logement. La mesure a été annulée. Mais les protestations ont continué, leurs initiateurs élargissant leurs revendications à la lutte contre la répression de la police et l’autoritarisme du pouvoir aux mains du président Prabowo Subianto, 73 ans. Résultat: dix morts et une vingtaine de disparus. Comme au Timor oriental et au Népal, l’étalage des privilèges s’est heurté aux difficultés rencontrées par les jeunes dans leur vie quotidienne.

Sans doute serait-il hâtif de voir dans ces trois éruptions de colère une lame de fond dans cette partie du monde, comme les printemps arabes avaient pu en donner l’illustration au début des années 2010. Que ces événements aient eu pour cadre le troisième pays d’Asie en nombre d’habitants (Indonésie, 284 millions), le 19e (Népal, 29,65 millions) et le 45e (Timor oriental, 1,4 million) souligne tout de même la diversité des contextes et, dès lors, le constat que cette contestation les transcende pour propager peut-être un mouvement qui dépasse les particularismes locaux. L’autogratification des hommes de pouvoir est tout de même un vice assez répandu par-delà l’Asie. La décision du Premier ministre français Sébastien Lecornu de supprimer les avantages plantureux octroyés à vie à ses prédécesseurs a montré que l’on s’en inquiète sous d’autres latitudes. Mieux vaut prévenir. Mais l’avertissement de Dili, Katmandou et Jakarta sera-t-il suffisamment entendu?

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