« Comment une idée qui a tant séduit les esprits et les coeurs peut-elle en apparence avoir disparu si vite de notre horizon? »: telle une énigme criminelle à résoudre, l’interrogation posée par Thierry Wolton tient en haleine le lecteur jusqu’à la dernière page de son passionnant livre Penser le communisme (1). Celui à qui l’on doit Une histoire mondiale du communisme en trois volumes (Grasset, 2015 et 2017) nous décrit les origines du « moment communiste » (la Révolution française), le succès de son éclosion, les raisons de son échec (par « l’incapacité de la nation communiste à remplir concrètement ses promesses ») et les « héritiers » qu’il a laissés, la social-démocratie et, aujourd’hui, les démocraties illibérales.
Les clés du succès de son implantation sont particulièrement éloquentes pour comprendre le communisme. Il a prospéré « dans des pays où l’Etat remplissait auparavant la plénitude de ses fonctions dirigeantes ou bénéficiait d’un prestige attaché à la personne de son détenteur », dans des Etats où des croyances antérieures se prêtaient à la fonction idéologique de la religion séculière marxiste-léniniste, et auprès de peuples qui ont entretenu une expérience douloureuse avec leur identité. Bref, la soumission à l’autorité, les croyances religieuses et le nationalisme, des usages pourtant éloignés de ses promesses d’origine mais indispensables à son emprise, ont permis au communisme de concurrencer, un temps, le capitalisme. Mais a-t-il « si vite disparu »? Thierry Wolton rappelle qu' »un cinquième de la population mondiale est toujours sous le joug d’un pouvoir marxiste-léniniste ». Du Laos à l’Erythrée et de Cuba à la Chine, « cet ultime modèle communiste (qui) survit grâce aux pires méthodes du capitalisme ».
(1) Penser le communisme, par Thierry Wolton, Grasset, 286 p.