La Turquie a recommandé samedi à ses citoyens d’éviter tout déplacement non urgent en Russie, une nouvelle étape de la crise diplomatique dans laquelle sont plongés Ankara et Moscou depuis la destruction d’un bombardier russe par l’aviation turque à la frontière syrienne.
Selon le ministère turc des Affaires étrangères, cette mise en garde lancée en raison des « difficultés que rencontrent les citoyens turcs qui voyagent ou qui résident » en Russie, restera valable « jusqu’à ce que la situation se clarifie ».
Parallèlement, le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est dit samedi « attristé » par l’incident aérien, affirmant lors d’un discours à Burhanye (ouest) qu’il aurait « préféré que cela n’arrive pas ».
Le président turc avait vendredi exprimé le souhait de rencontrer en « face à face » son homologue russe au sommet sur le climat qui s’ouvre lundi à Paris, mais Vladimir Poutine ne semble pas enclin à relâcher la pression sur la Turquie.
« De notre point de vue, il est désormais difficile de déterminer le niveau de prévisibilité des actions du pouvoir turc », a déclaré dans une interview publiée samedi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Cette annonce intervient au lendemain de la décision russe de rétablir l’obligation de visas pour les Turcs, Moscou ayant déjà appelé les Russes se trouvant en Turquie à rentrer, en raison de « l’actuelle menace terroriste ».
« Il ne s’agit pas de vengeance, (…) la menace est réelle », a assuré vendredi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui avait peu auparavant accusé Ankara d’avoir « dépassé les limites » en abattant mardi un bombardier russe Su-24.
L’appareil revenait d’une mission de combat dans le nord-ouest de la Syrie. La Turquie affirme qu’il était entré dans son espace aérien et qu’il avait été averti « dix fois en cinq minutes », tandis que Moscou assure que le Su-24 survolait le territoire syrien et n’a pas été mis en garde avant d’être touché.
Un pilote a été tué alors qu’il descendait en parachute après s’être éjecté, et l’autre a été secouru après une opération spéciale menée conjointement par les forces spéciales russes et syriennes. Une première opération de sauvetage a coûté la vie à un soldat russe. Il s’agit des premières pertes officielles pour l’armée russe depuis le début de son intervention en Syrie le 30 septembre.
Mesures de rétorsion
La Russie avait déjà annoncé jeudi préparer des mesures de rétorsion économique après cet incident aérien. Le Premier ministre Dmitri Medvedev avait donné deux jours à son gouvernement pour présenter ces mesures, qui selon les médias russes pourraient toutefois n’être annoncées que lundi.
Gel de projets conjoints, restrictions commerciales ou encore limitations sur le recours à la main d’oeuvre turque en Russie font partie des pistes avancées.
La Russie a en outre accusé la Turquie, après la perte de son avion, d’avoir partie liée avec l’organisation Etat islamique (EI). « Un flux de combattants s’est mis en place via la Turquie dans différentes directions », a affirmé M. Lavrov vendredi.
Il a par ailleurs réitéré que la Russie « soutenait activement » la proposition du président français François Hollande de fermer la frontière turco-syrienne, en précisant espérer que « cette initiative sera mise en oeuvre ».
Par ailleurs, la colère monte en Russie. De jeunes militants du parti Rodina, une formation nationaliste fondée par le vice-Premier ministre Dmitri Rogozine, ont ainsi déposé vendredi un cercueil avec une poupée à l’effigie du président turc Recep Tayyip Erdogan près de l’ambassade de Turquie à Moscou. Un autre mannequin représentant le dirigeant turc a été brûlé par des jeunes en Crimée.
Mercredi, les vitres de l’ambassade turque à Moscou avaient été brisées par des jets de pierre, alors que plusieurs centaines de manifestants protestaient devant le bâtiment. Les forces de l’ordre n’étaient pas intervenues.
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