Trump Iran illégal
Donald Trump annonce aux Américains sa décision de frapper l’Iran. © GETTY

La décision de Trump d’attaquer l’Iran n’est pas «l’acte le plus illégal ou inconstitutionnel du président» (interview)

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Equilibre des pouvoirs oblige, la Constitution stipule que le président est le commandant en chef. Donald Trump a commis des actes plus illégaux, souligne la juriste Anne Deysine.

La décision de Donald Trump d’attaquer l’Iran sans consulter le Congrès est-elle anticonstitutionnelle, comme l’en a accusé la représentante démocrate Alexandria Ocasio-Cortez? Eléments de réponse avec Anne Deysine, professeure des universités à l’université Paris Nanterre et autrice de Les Juges contre l’Amérique (Presses universitaires de Paris-Nanterre, 2024).

Donald Trump a-t-il «violé la Constitution et les pouvoirs de guerre du Congrès» en donnant un feu vert à l’attaque contre l’Iran sans consulter le pouvoir législatif?

La Constitution américaine attribue clairement au Congrès le droit de déclarer la guerre et de voter les budgets pour financer les opérations militaires. Mais elle précise en son article II que le président est commandant en chef. En réalité, elle ne trace pas de séparation nette car le mécanisme privilégié par les pères fondateurs est celui des freins et contrepoids, chacun des trois pouvoirs pouvant contrôler et limiter les pouvoirs des deux autres.

Les obligations pour un président sont-elles différentes s’il s’agit d’une déclaration de guerre ou d’une intervention militaire?

Il est bon de rappeler que le Congrès n’a déclaré la guerre à des nations que onze fois au cours des 250 ans d’histoire des Etats-Unis, et lors de cinq conflits, alors que le pays a été impliqué pratiquement en permanence dans des confrontations. Depuis la résolution, votée en 2001, autorisant l’intervention en Afghanistan, appelée «autorisation d’utiliser les forces militaires» –résolution qui n’a jamais été abrogée–, un président peut s’appuyer sur ce texte pour assassiner Oussama Ben Laden sous Barack Obama, ou Qassem Soleimani, le chef de la force Al-Qods des Gardiens de la révolution iraniens, le 3 janvier 2020, sous le premier mandat de Donald Trump.

L’attaque contre l’Iran ne justifie-t-elle pas de lancer une procédure en destitution de Donald Trump?

Evidemment, quelques démocrates évoquent déjà une mise en accusation et une destitution. Mais ce n’est pas l’acte le plus illégal ou inconstitutionnel du président: son contournement systématique du Congrès en recourant aux décrets présidentiels, ses attaques contre le pouvoir judiciaire et les autres contre-pouvoirs, les médias, les universités, les cabinets d’avocats sont autrement plus graves. De toute façon, ainsi que nous l’avons vu pendant son premier mandat, tant que les républicains au Sénat seront «aux ordres», aucune destitution ne sera possible.

«Au fil des années, le Congrès a abandonné certaines de ses prérogatives au profit du président.»

Que le président mène sa politique à coup d’executive orders peut-il poser un problème politique parmi les élus républicains, lassés d’être considérés comme force négligeable?

Au fil des années, le Congrès a abandonné certaines de ses prérogatives en autorisant les présidents successifs à agir en matière de commerce international ou d’immigration, sans qu’une loi soit votée, en invoquant une urgence ou un risque d’atteinte à la sécurité nationale. Depuis le 20 janvier 2025, alors que le président dispose de la majorité dans les deux chambres, il n’a même pas essayé d’obtenir le vote de lois. Sa seule priorité –et là, il a besoin du Congrès– est le vote de la «très belle» loi budgétaire qui prive de crédits les agences apportant un certain filet social aux Américains, afin de financer des baisses massives d’impôts. Pour le moment, le Congrès est aux ordres. Quelques réactions dissonantes ont cependant été observées au Sénat et le vote de cette loi n’est pas certain à 100%. Mais Donald Trump a une mainmise si totale sur le parti républicain qu’il faudra beaucoup pour que certains élus se décident à le critiquer et agir en conséquence.

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