L’ONU multiplie les appels presque quotidiens à la désescalade en Ukraine ou à Gaza. Face aux conflits actuels, l’organisation semble impuissante, ignorée par toutes les parties. Pourtant, son rôle est encore utile, en coulisses.
Des crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine. D’autres par Israël à Gaza. Les premiers sous la direction de Poutine. Les seconds dictés par Netanyahou. Deux hommes sous mandat d’arrêt international. Et pourtant, les deux personnages continuent de diriger et de voyager. Au centre, Trump, qui feinte tous ses procès, veut se positionner en faiseur de paix. Mais il bombarde l’Iran sans en avertir le Conseil de sécurité de l’ONU. Et dénigre toutes ses autres organisations sœurs.
Une question, dès lors: entre-t-on dans une nouvelle ère, où la loi de la jungle, celle du plus fort, l’emporte sur toutes les conventions internationales? Celle où les alertes quotidiennes de l’ONU ressemblent à autant de bouteilles lancées à la mer?
Pour l’ONU, le constat est très amer à Gaza
Car, il faut dire le dire, au centre des passes d’armes actuelles, l’Organisation des Nations Unies semble particulièrement démunie, ignorée, invisibilisée. Depuis le début de la guerre en Ukraine, ses centaines d’appels à l’apaisement ne trouvent aucun destinataire. «Actuellement, l’organisation est effectivement sur la touche», déplore Frédéric Dopagne, professeur de droit international à l’UCLouvain. Il pointe un problème structurel. «L’ONU n’est que la somme des Etats membres et de ce qu’ils daignent bien faire. En ce sens, la composition du conseil et le droit de véto bloquent souvent la mécanique. A Gaza, l’ONU est clairement réduite à l’impuissance. Le constat est très amer.»
En cause, surtout l’administration Trump, qui suit le but déjà affiché par l’équipe néo-conservatrice de George W. Bush, à savoir s’émanciper des Nations Unies. «Les déclarations officielles de Trump n’invoquent plus du tout le droit international. C’est inquiétant, car auparavant, les présidents américains y faisaient souvent référence», observe Olivier Corten, juriste à l’ULB, ajoutant que sur le long terme, les Etats-Unis ont besoin de l’ONU. «L’Otan, -qui est surtout dissuasive- ne leur suffit pas. L’ONU, elle, est active dans un tas de domaines (Unesco, OMS, Unicef, etc.). «D’ailleurs Trump, qui aime se retirer de traités, ne dit curieusement pas qu’il veut se retirer de l’ONU, qui reste un espace de discussions nécessaire entre Etats», fait-il remarquer.
«La question est aussi de savoir si les institutions onusiennes, imaginées en 1945, sont encore adaptées au monde d’aujourd’hui.»
Louis le Hardÿ de Beaulieu
Les Nations Unies, encore adaptées au monde d’aujourd’hui?
Pour que l’ONU soit efficace, complète Louis le Hardÿ de Beaulieu, «il faut une volonté commune. Or, celle-ci est inexistante. La question est aussi de savoir si les institutions onusiennes, imaginées en 1945, sont encore adaptées au monde d’aujourd’hui. L’émergence des Brics (NDLR: Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), par exemple, bouscule le modèle actuel.»
Malgré tout, l’une des principales vertus de l’ONU consiste à assurer un lieu de rencontres et de dialogues, même informels, entre Etats, ce qui n’est pas négligeable. «A la veille de la Seconde Guerre mondiale, les principaux protagonistes n’étaient d’ailleurs pas représentés à la Société des Nations, ancêtre de l’ONU. On connaît la suite», retrace le spécialiste.
Olivier Corten rappelle cependant que «des violations graves ont déjà eu lieu à de nombreuses reprises dans l’histoire: guerre en Irak, ex-Yougoslavie, etc. Par ailleurs, de plus en plus d’Etats mobilisent le droit international dans leurs discours au Conseil de sécurité de l’ONU, positive-t-il. Les Etats du sud, en général les plus faibles, vont presque systématiquement l’invoquer.»