
Le 28 septembre 1905 : comment Einstein devint un génie
D’un côté, une institution. Née en 1790, elle est la vénérée maîtresse de tous les physiciens. Les passionnés dévorent chacune de ses livraisons ; les plus brillants ont parfois l’honneur d’y rédiger une contribution. Dans son domaine, Annalen der Physik est une revue de référence. De l’autre côté, un jeunot. Il a 26 ans, est passionné par l’électromagnétisme et travaille à l’obscur Bureau de la propriété intellectuelle de Berne.
Chercheur amateur, il est méconnu dans le monde de la science. Mais il en veut. Se bat. Et envoie ses papiers à la célèbre revue. 1905 est son annus mirabilis : tout lui sourit. En quelques mois, Albert Einstein publie… quatre articles dans les Annalen ! Celui qui paraît en septembre 1905 présente la théorie de la relativité restreinte. Il va marquer l’histoire.
Zur Elektrodynamik bewegter Körper fait une trentaine de pages. Traversé d’équations, de » si « , de » donc « , et d’implacables déductions, il est une brillante démonstration. Une pure création aussi : l’auteur se réfère peu aux travaux de ses prédécesseurs – il se contente de mentionner les découvertes d’Isaac Newton, les équations de Maxwell-Hertz et le principe de Doppler. Le reste, c’est du Einstein. Et du chinois pour les non-initiés. Qui devront se contenter des remerciements, expédiés en fin d’article, pour saisir la pensée de l’auteur.
Au terme du xixe siècle, certains physiciens considéraient que leur science était arrivée à maturité. Qu’il n’y avait plus de découverte majeure à réaliser. On étudiait alors la position d’un objet dans l’espace à un instant précis. Chaque objet avait donc une position passée, une position présente et une position à venir. Révolution : pour Einstein, un objet est à la fois ce qu’il est, ce qu’il a été et ce qu’il sera. Cette conception permet de faire émerger une notion unique d’espace-temps. Et de montrer la relativité du temps. » Un affront au sens commun « , réagira l’un de ses relecteurs. Peut-être. Mais une découverte de génie.
La gloire ? Pas encore ! Si un Max Planck pointe rapidement l’importance de la découverte, d’autres sommités (Henri Poincaré, Hendrik Lorentz…) se montrent sceptiques. Einstein, pour sa part, aimerait pouvoir se consacrer pleinement à la recherche. Mais lorsqu’il postule à l’université de Berne, on lui rétorque que ses écrits sont incompréhensibles. Ce n’est qu’en 1908 que Berne l’embauche.
La gloire, alors. Tout en poursuivant les découvertes, le physicien est fait docteur honoris causa à Genève, reçoit des charges de cours à Zurich et Prague, est invité au prestigieux congrès Solvay, intègre l’Académie royale des sciences et des lettres de Berlin, reçoit le prix Nobel de physique. Mais la chute guette. Dès les années 1920, alors qu’il a emménagé en Allemagne, sa judéité et son engagement pacifiste lui valent des menaces. L’arrivée au pouvoir de Hitler, en 1933, contribue à mettre sa vie en danger. Il opte pour l’exil, aux Etats-Unis. Où il mourra en 1955. Pour le Time, Einstein est la personnalité du xxe siècle.
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