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Edouard Philippe et Gabriel Attal, aujourd’hui dans l’opposition à Emmanuel Macron après en avoir été tous deux le Premier ministre. © BELGA

Crise politique en France: «Le macronisme est mort-vivant, mais Macron est bien vivant»

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La France ne vit pas encore une crise de régime, estime le politologue Roland Cayrol. Et des élections anticipées ne changeront probablement ni la tripartition au Parlement ni le blocage politique.

Directeur du Centre d’études et d’analyse (Cetan), le politologue Roland Cayrol a étudié les menaces croissantes sur la démocratie dans son essai Alerte mondiale: démocratie en danger! (1). Il analyse la crise politique en France où si elle n’est pas –encore– en danger, la démocratie vit une période pour le moins troublée.

La France vit-elle une crise de régime?

Il est trop tôt pour parler d’une crise de régime. C’est une crise politique. Mais à force de voir les crises politiques se succéder, les Français commencent à avoir le sentiment d’être face à une crise de régime. Le blocage actuel n’est pas d’ordre institutionnel, il est d’ordre strictement politique. Ce sont les partis qui n’arrivent pas à trouver les compromis nécessaires au sein du Parlement. Donc, j’ai bien peur qu’il s’agisse encore vraiment d’une véritable crise politique à résoudre, beaucoup plus que d’une crise institutionnelle.

Emmanuel Macron en est-il le premier responsable?

Dans la Ve République, le président est toujours responsable de tout, en bien comme en mal. Il a évidemment sa responsabilité dans la crise puisque c’est lui qui nomme le Premier ministre. Mais en même temps, une bonne partie de la solution se trouve au Parlement avec un accord possible, qui ne paraît pas si difficile que cela à atteindre, entre le Bloc central, Les Républicains, voire les socialistes. Sur le papier, les points de vue ne sont pas si éloignés pour devoir écarter une telle solution. Mais dans l’état actuel de crispation des partis, leur absence d’ouverture à un compromis et le fait que chacun a ses lignes rouges, c’est impossible. Oui, Emmanuel Macron est un des principaux responsables de la crise actuelle, mais non, il n’en est pas le seul, parce que les partis concourent aujourd’hui à bloquer la situation.

«Il est trop tôt pour parler d’une crise de régime. C’est une crise politique.»
Roland Cayrol, politologue. © GETTY

La dissolution donnant lieu à des élections anticipées est-elle l’hypothèse la plus plausible?

Sur le papier, c’est une bonne solution parce que le blocage politique est complet. Il est assez sain dans une démocratie de recourir à l’arbitrage du peuple souverain et de procéder à de nouvelles élections. L’inconvénient est que d’après les sondages, il y aurait bien sûr une évolution. Le Bloc central serait affaibli et le camp du Rassemblement national serait grossi en effectifs. Mais on aurait toujours une tripartition et, de nouveau, on n’aurait pas, parmi les trois groupes politiques, l’un d’eux qui serait majoritaire. Donc, je crains qu’une nouvelle élection ramène la France au même problème, l’impossibilité de la part des partis d’établir un compromis majoritaire. Sur le papier, oui à des élections. Dans la réalité, elles ne fourniraient probablement pas la solution.

«La France apparaîtra de plus en plus comme l’homme malade de l’Europe.»

A entendre les déclarations de Gabriel Attal et d’Edouard Philippe, deux anciens Premiers ministres d’Emmanuel Macron, le macronisme est-il mort?

C’est une véritable mort lente. On a vraiment le sentiment que tous ceux qui se rattachaient à Emmanuel Macron s’en distancient, que les rats quittent le navire, et que le navire est en perdition. Plus personne n’ose se dire macronien. C’est la même chose au sein du Parlement où le Bloc central ne sait plus à quel saint se vouer. On est dans une situation dans laquelle le macronisme est mort-vivant avec cette donnée que, par ailleurs, le président est bien vivant et exerce la plénitude de ses fonctions. C’est clair à l’international, au plan européen, et, à l’échelle nationale, il a au moins conservé cette possibilité de nommer le Premier ministre, ce qui précisément pose problème. Le macronisme est en état de mort clinique. Mais le président est bien vivant.

Quel peut être l’incidence de cette crise politique pour l’image de la France à l’étranger?

L’image de la France laisse déjà à désirer. On voit bien que c’est un pays qui a des difficultés à avancer, que sa situation économique, et le niveau de son déficit public et de sa dette sont graves et qu’il n’arrive pas à s’en sortir. La France est dans l’impossibilité de respecter les normes établies par Bruxelles pour le déficit, notamment. La crise politique s’ajoute aux difficultés économiques. Dans ces conditions, évidemment, l’image de la France ne peut que prendre un coup aux niveaux européen et mondial. La France apparaîtra de plus en plus comme l’homme malade de l’Europe.

(1) Alerte mondiale: démocratie en danger! Une perspective géopolitique, par Roland Cayrol, éd. de l’Aube, 216 p.

© DR

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