La présidence Trump a été perturbée tout au long du mois de mai par de nouvelles révélations concernant les contacts entre les collaborateurs du président et des représentants russes. Il y a désormais différentes enquêtes en cours. Voici les protagonistes du dossier russe.
LES SUSPECTS
Michael Flynn

Ancien général, Michael Flynn était le conseiller principal à la sécurité du président Donald Trump. Il avait, lors de la conférence des républicains tenue lors de l’été 2016, fait un discours dans lequel il critiquait vivement Barack Obama ainsi qu’Hillary Clinton, la candidate démocrate. Il a d’ailleurs scandé à cette occasion le slogan « Enfermez-là », phrase qui fut fréquemment reprise par les partisans de Trump. Flynn fut récompensé de sa loyauté par le poste de conseiller en sécurité nationale, un poste important.
En février 2017, le journal américain The Washington Post révèle que Flynn a eu des contacts avec l’ambassadeur russe Sergey Kislyak. Ces contacts ont eu lieu pendant la période de transition, alors que l’administration Trump n’était pas encore entrée en fonction. Ces contacts n’auraient pas été aussi surprenants si Michael Flynn n’avait pas menti au vice-président Mike Pence sur la véritable teneur de ces conversations. Flynn était accusé d’avoir discuté des sanctions à l’égard de la Russie avec l’ambassadeur russe, fait confirmé par des écoutes des services de renseignements (Kislyak avait été mis sur écoute). Il a par la suite été contraint de quitter ses fonctions le 13 février. Ce fut le conseiller en sécurité nationale le plus éphémère de l’histoire.
Un mois plus tard, Michael a encore fait parler de lui, mais cette fois pour ses contacts avec la Turquie. Flynn aurait averti le responsable juridique de la Maison Blanche le 4 janvier, soit quelques semaines avant la cérémonie d’investiture, qu’il faisait l’objet d’une enquête sur ses activités de lobbying pour la Turquie. Son entreprise lobbyait pour extrader Fetthullah Gülen, le principal rival du président turc Erdogan. Flynn avait omis de mentionner qu’il avait été payé par un gouvernement étranger pendant la période de transition. Il est également apparu que Flynn avait reçu 45000 dollars d’une chaîne russe pour apparaître au côté de Vladimir Poutine lors d’un gala.
En mai, l’ancienne ministre de la Justice Sally Yates a annoncé avoir averti l’équipe de Trump du danger que pouvaient représenter les liens entre Flynn et la Russie. Cela le rendait vulnérable au chantage, une situation peu souhaitable pour un conseiller à la sécurité nationale. Peu après, Sally Yates fut démise de ses fonctions, soi-disant pour sa réticence à mettre en place l’interdiction d’entrée des musulmans de différents pays sur le territoire américain.
La chaîne CNN a annoncé cette semaine que Michael Flynn avait finalement accepté de fournir des documents au Sénat, chose qu’il avait préalablement refusé de faire.
Carter Page

Carter Page, un homme d’affaires actif dans le monde de l’énergie, a fait partie de l’équipe de campagne de Trump avant d’en être écarté. Le FBI l’écoutait depuis juillet 2016, car l’organisation le soupçonnait d’agir pour le compte de la Russie. Page avait rencontré en 2013 un banquier russe, soupçonné d’être un espion du Kremlin. Carter Page avait également des actions dans Gazprom, ce qui aurait représenté un conflit d’intérêts s’il en était venu à conseiller Trump sur les sanctions à l’égard de la Russie. Selon le Washington Post, Page avait également déclaré lors d’un déjeuner avec le Premier ministre indien que Poutine aurait fait un bien meilleur président qu’Obama et que les relations entre la Russie et les États-Unis s’amélioreraient si Trump venait à être élu président.
Le président Trump est venu à la défense de son ancien conseiller hier, en tweetant que les démocrates voulaient empêcher Page de témoigner.
So now it is reported that the Democrats, who have excoriated Carter Page about Russia, don’t want him to testify. He blows away their….
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 31 mai 2017
Paul Manafort

Paul Manafort a travaillé en tant que consultant et lobbyiste pour Ronald Reagan et George Bush Senior. Il a été le directeur de campagne de Trump en 2016 afin de rendre celle-ci plus « professionnelle ». Il a été rendu public le 14 août que Manafort avait reçu 12 millions de dollars de la part de l’ancien président ukrainien pro-russe Yanukovych. Il faisait partie d’un système visant à assurer la réélection de Yanukovych. Manafort s’est retiré de la campagne quelques jours plus tard.
Roger Stone

Stone est un partenaire de Manafort dans son entreprise de lobbying. Il a également travaillé en tant que lobbyiste pour l’ancien candidat républicain à la présidentielle. Les démocrates l’ont soupçonné de travailler avec les Russes. En effet, cinq jours avant que les emails du directeur de campagne d’Hillary Clinton, John Podesta, ne soient rendus publics par Wikileaks, il avait tweeté « Mercredi, cela s’en sera fini de Clinton. #Wikileaks ». Stone a par ailleurs reconnu avoir eu des contacts avec des Russes. Il a également reconnu avoir eu des contacts avec « Guccifer2.0 », le hacker ayant dérobé les emails au directeur de campagne d’Hilary Clinton. Les services de renseignements américains pensent que Guccifer2.0 est en réalité l’alter ego d’un hacker travaillant pour les Russes.
Roger Stone a déclaré vouloir témoigner devant la Commission du Sénat.
Jared Kushner

Jared Kushner est le mari d’Ivanka Trump et est perçu comme étant le conseiller le plus influent du président américain. Il est notamment responsable à la Maison Blanche des relations diplomatiques avec le Mexique et la Chine, ainsi que du processus de Paix au Moyen-Orient. Il fait désormais l’objet d’une enquête du FBI. Kushner s’est entretenu en décembre (et donc en pleine période de transition) avec deux représentants russes. Il a discuté avec l’ambassadeur Kislyak dans la Trump Tower, entretien auquel Michael Flynn était également présent. Lors de cette rencontre, Kushner a discuté de la possibilité d’établir un canal de communication secret avec la Russie. Le FBI a pris connaissance de ce projet alors que ses agents écoutaient Monsieur Kislyak. Le gendre du président a par la suite rencontré le banquier russe Sergei Gorgov.
Jeff Sessions

Jeff Session était l’un des premiers partisans de Trump. Il a été désigné comme ministre de la Justice après l’élection. Le Washington Post a écrit en mars qu’il a eu des contacts avec l’ambassadeur russe pendant la campagne présidentielle; contacts qu’il a omis de mentionner lors de son audition de confirmation devant le Sénat.
LES ENQUETEURS
James Comey

James Comey était le directeur du FBI jusqu’au 9 mai dernier. Il menait l’enquête sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle. Le ministre de la Justice Jeff Session ainsi que son procureur général Rod Rosenstein ont appuyé son limogeage sur base de sa gestion du scandale des emails d’Hillary Clinton. Cette version fut contredite quelques jours plus tard par Donald Trump, qui a déclaré lors d’une interview « avoir pensé au dossier russe » lorsqu’il a pris la décision de se séparer du directeur du FBI.
Ce que le président américain ignorait, c’était l’existence de mémos de chacune de ses rencontres avec Comey. Il en sort que Trump souhaitait obtenir la loyauté de l’ancien directeur du FBI, ce à quoi Comey a répondu vouloir rester un homme honnête. Il en est aussi sorti que Trump avait fait pression sur Comey pour qu’il arrête son enquête sur Flynn, affirmant que c’était « quelqu’un de bien ».
Cela faisait déjà un petit temps que Comey était dans le collimateur de Trump. L’ancien directeur du FBI était en effet déjà tombé en disgrâce lorsqu’il avait avoué que le FBI menait déjà une enquête en juillet 2016 sur les liens entre la campagne de Trump et de la Russie. Le président avait également peu apprécié la remise en question de la légitimité des accusations d’espionnage à l’encontre de l’administration Obama.
CNN a annoncé mercredi que l’ancien président du FBI était prêt à confirmer les pressions de Trump devant la Commission du Sénat.
Robert Mueller

Robert Mueller, ancien directeur du FBI, a été nommé procureur spécial le 17 mai afin d’enquêter sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle. Il est présenté à Washington comme étant un homme intègre et professionnel. Il aura le droit d’accéder à tous les documents qu’il juge nécessaires à l’enquête, ainsi que de citer à comparaître toute personne qu’il estimera important d’entendre (y compris Trump). Il pourra également, si on en arrive là, entamer des poursuites judiciaires.
Mueller est en ce moment en train de rassembler une équipe et d’établir un budget. L’enquête prendra certainement plusieurs mois, voire plusieurs années avant d’aboutir.
Devin Nunes (Chambre des représentants)

Devin Nunes fut le premier président du Comité de renseignement de la Chambre des représentants enquêtant sur les liens entre la campagne électorale de Trump et la Russie. Après une conférence de presse donnée en Mars, Nunes a été appelé à se retirer. Il y avait déclaré que l’équipe de Trump avait été accidentellement mise sur écoute lors de la campagne. Cette déclaration a été perçue comme une stratégie pour détourner l’attention de l’affaire de l’ingérence russe, et la porter vers les accusations d’espionnage à l’encontre de l’administration Obama. La presse lui a également reproché d’être trop conciliant avec l’équipe de Trump. La présidence du comité a entre-temps été reprise par le républicain Mike Conaway.
Le Sénat
La Commission du Sénat pour les renseignements fait une enquête sur l’ingérence russe pendant la campagne présidentielle américaine. La Commission est respectivement présidée et coprésidée par les Sénateurs Richard Burr (républicain) et Mark Wagner (démocrate). La Commission a demandé à l’équipe de campagne de Trump de lui fournir tous les documents, remontants jusqu’à juin 2015, susceptibles d’être liés à la Russie.
Eva Schram, correspondante pour le Knack en Amérique du Nord