Du 12 au 16 septembre, la Russie et la Biélorussie ont conduit leurs manœuvres militaires conjointes, baptisées Zapad-2025. Plus qu’un simple entraînement, l’exercice a mêlé missiles hypersoniques, simulation nucléaire et présence inhabituelle d’observateurs étrangers. Américains, Hongrois et Indiens ont occupé une place inattendue dans ce théâtre militaire devenu scène diplomatique.
Sur une quarantaine de terrains d’entraînement, de la Biélorussie jusqu’à la région de Nijni Novgorod en Russie, chars, drones et missiles ont rythmé l’exercice militaire nommé Zapad-2025. Minsk a annoncé 13.000 soldats mobilisés. Moscou a, lui, évoqué 100.000 militaires et 10.000 systèmes d’armement. Les scénarios présentés sont classiques: défense contre une attaque extérieure, reconquête d’un territoire supposément perdu, combats urbains et usage intensif de drones.
Un point a retenu l’attention. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a déclaré que la séquence incluait une simulation de l’emploi d’armes nucléaires tactiques. Le général biélorusse Pavel Muraveiko a déclaré que les manœuvres comprenaient «la planification et l’examen de l’utilisation d’armes nucléaires non stratégiques et l’évaluation et le déploiement du système de missiles mobiles Oreshnik». Moscou a par ailleurs diffusé une vidéo d’un tir de missile hypersonique Zircon depuis une frégate, présenté comme une démonstration de dissuasion.
En toile de fond, les inquiétudes européennes se sont accrues. La Pologne, voisine immédiate, a annoncé avoir abattu des drones russes ayant franchi son espace aérien. Le Premier ministre Donald Tusk a qualifié l’exercice de «très agressif» et a insisté sur sa proximité avec la frontière polonaise.
Des officiers américains invités
La présence d’officiers américains en Biélorussie est un fait inédit depuis 2021. Minsk a diffusé une vidéo montrant deux officiers de l’US Air Force salués par Viktor Khrenin, ministre biélorusse de la Défense. La scène est sous-titrée par cette phrase en anglais: «Nous vous montrerons tout ce qui vous intéresse».
Le Pentagone a confirmé l’information à l’agence de presse Reuters. Ces militaires étaient présents dans le cadre d’une «journée des visiteurs distingués», un format d’observation utilisé lors d’exercices internationaux pour montrer certaines séquences aux délégations invitées. L’objectif est double: surveiller les capacités mises en avant par Moscou et maintenir un canal de communication avec Minsk. Pour Washington, l’événement survient dans un contexte tendu, marqué par des incidents aériens à la frontière polonaise et une guerre toujours active en Ukraine.
La Hongrie, observateur discret
La Hongrie a aussi figuré parmi les trois pays de l’Otan invités comme observateurs, aux côtés des Etats-Unis et de la Turquie.
Budapest n’a pas expliqué publiquement sa présence. Sur le site de son ministère de la Défense, les communiqués de septembre évoquent un exercice national, «Adaptive Hussars 2025», et la coopération avec l’Ohio National Guard. Mais aucune mention de Zapad-2025.
La justification vient donc uniquement de Minsk, qui a mis en avant la volonté de «transparence» et d’ouverture en conviant 23 pays. La Hongrie s’est inscrite dans ce cadre, sans commentaire supplémentaire. Cette absence d’explication officielle contraste avec la position de Washington, qui a justifié la présence américaine.
L’Inde, 65 soldats déployés en Russie
Contrairement aux observateurs, l’Inde a envoyé un petit contingent directement impliqué dans les manœuvres. Le ministère indien de la Défense a confirmé la participation de 65 militaires issus de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine. Le régiment Kumaon figure parmi les unités déployées.
Ces soldats ont pris part à des exercices sur le terrain de Moulino, en Russie, loin des séquences organisées en Biélorussie. L’objectif affiché est de renforcer la coopération militaire avec Moscou et développer l’interopérabilité dans un cadre multinational.
Cette présence s’inscrit dans une relation de défense ancienne entre New Delhi et Moscou. Elle intervient alors que l’Inde continue d’acheter massivement du pétrole russe, malgré les pressions occidentales. En participant à Zapad-2025, New Delhi rappelle son choix d’autonomie stratégique: coopérer avec plusieurs grandes puissances sans s’aligner exclusivement sur un camp.
Un exercice militaire et diplomatique
L’exercice militaire Zapad-2025 a montré des blindés, des drones et même des missiles nucléaires. Mais il a surtout mis en lumière un jeu diplomatique. Les invitations adressées aux observateurs occidentaux, comme la présence indienne, traduisent une stratégie: afficher la force militaire tout en intégrant des regards extérieurs soigneusement choisis.
Un exercice de missiles peut ainsi se transformer en vitrine politique. Zapad-2025 a montré que les manœuvres militaires ne se jouent pas seulement sur le terrain, mais aussi dans les tribunes où se croisent officiers étrangers et messages diplomatiques.