La Palestinienne et l’Israélienne, étudiantes, ont échangé leurs sentiments pendant de nombreux mois de la guerre. Malgré leurs divergences, elles se sont retrouvées sur certaines valeurs.
Tala, la Palestinienne, et Michelle, l’Israélienne, ne se connaissaient pas avant le massacre du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas et la guerre destructrice de l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Dimitri Krier, journaliste à l’hebdomadaire français Nouvel Obs, les a réunies autour d’un échange épistolaire inédit. Et dans l’avalanche de violences à laquelle a donné lieu le conflit entre Israël et le Hamas pendant deux ans, leur correspondance, couchée dans un livre au titre évocateur, Nos cœurs invincibles (1), offre une bouffée d’air réconfortante.
Tala Albanna est étudiante en droit à l’université al-Azhar de Gaza-City, née dans une famille de militants soutenant l’Autorité palestinienne. Michelle Amzalak suit, elle aussi, des études de droit à quelques kilomètres de là, à Sdérot où un groupe de miliciens du Hamas a semé la mort le 7 octobre 2023. Elle est issue d’une famille de sympathisants de gauche. Cette proximité avec le «camp de la paix» israélien, même aujourd’hui moribond, a sans doute permis ce dialogue improbable entre les deux jeunes femmes.
«Israël nous a poussés à bout et a fait de nous des monstres.»
On perçoit en effet chez Michelle une empathie, rare dans la société israélienne, à l’égard de la souffrance de Tala et des Gazaouis, alors que la réalité des effets dévastateurs de l’offensive israélienne est occultée en Israël. Un moment fort de l’échange entre la Palestinienne et l’Israélienne survient quand la première réclame de la seconde, «si les droits de l’homme et le droit international comptent vraiment pour toi», de reconnaître qu’«Israël est un régime d’apartheid», que les Palestiniens ont le «droit d’utiliser la force comme « légitime défense »», qu’«il ne s’agit pas d’une guerre entre deux pays égaux, mais d’un génocide», et qu’Israël est une puissance d’occupation. Michelle y souscrira globalement.
Tala, elle, est poussée dans ses derniers retranchements sur la qualification et la condamnation du massacre du 7-Octobre. Admettre son caractère terroriste n’est pas évident, parce qu’elle sait toutes les souffrances endurées par les Gazaouis depuis des années et la résistance légitime, qu’à ses yeux, elles provoquent. Mais elle finira par l’admettre en vertu du constat, partagé avec Michelle, que les civils n’ont pas à être pris pour cibles par ces violences. L’étudiante palestinienne est consciente de l’état d’esprit de ses concitoyens et de l’effet qu’a sur eux la démesure de la réponse israélienne au 7-Octobre: «En utilisant la nourriture et l’eau comme armes, en nous privant de nos besoins les plus fondamentaux, Israël nous a poussés à bout et a fait de nous des monstres.»
Mais en vérité, la guerre de Gaza n’aura été que la continuation, avec plusieurs crans supplémentaires de violence et de tragique, d’une haine ancestrale réciproque. Tala et Michelle reconnaissent toutes les deux avoir été élevées dans une société qui leur a appris à haïr l’autre. Pourront-elles briser ce cycle mortifère?
(1) Nos cœurs invincibles. Correspondance entre une étudiante à Gaza et une étudiante en Israël, par Tala Albanna et Michelle Amzalak, Nouvel Obs Flammarion, 176 p.