Plus de 150 personnes, principalement des jeunes fêtards costumés, ont péri samedi dans un mouvement de foule pendant une fête de Halloween à Itaewon, quartier du centre de Séoul connu pour sa vie nocturne.
Que s’est-il passé ?
Quelque 100.000 personnes, selon les estimations des médias, ont convergé samedi soir vers Itaewon, quartier cosmopolite rendu célèbre en 2020 par la série télévisée coréenne « Itaewon Class », pour la première fête de Halloween depuis le début de la pandémie de Covid-19. Des commerçants établis dans le quartier depuis une trentaine d’années ont dit à l’AFP que la foule était d’une taille « sans précédent ».
Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont montré la foule, très dense mais initialement calme, succomber brusquement à la panique alors que des personnes chutaient les unes sur les autres dans une ruelle étroite et en pente raide. Sur Twitter, des témoins oculaires ont raconté avoir vu les gens « tomber comme des dominos ». « Les gens ne pouvaient pas avancer et poussaient et poussaient. C’était une colline raide donc les gens tombaient les uns sur les autres », a raconté à l’AFP un témoin, Jarmil taylor, 40 ans. « Les gens qui étaient à l’arrière poussaient et poussaient parce qu’ils n’avaient aucune idée de ce qui se passait à l’avant ».
L’élément déclencheur de la bousculade n’a pas encore été établi. Et dans l’attente d’une explication officielle, les rumeurs ont explosé. Certains médias locaux ont spéculé sur la présence dans un bar d’Itaewon d’une célébrité qui aurait déclenché une ruée de curieux. D’autres rumeurs en ligne expliquant la tragédie par une fuite de gaz ou un incendie dans une discothèque ou encore une distribution de « bombons à la drogue » dans la foule. Autant de rumeurs démenties par la police et qu’aucun témoin n’a décrit à l’AFP. Les experts avertissent que la cause du désastre est probablement beaucoup plus prosaïque: le manque de planification et de mesures de contrôle de la foule par les autorités.
Comment sont mortes les victimes ?
La majorité des personnes décédées étaient de jeunes femmes dans la vingtaine, selon les autorités. Les victimes ont péri écrasées, piétinées ou étouffées par la foule dans la ruelle. Selon les experts, la mort dans un mouvement de foule se produit le plus souvent par suffocation. Des images sur les réseaux sociaux ont montré des centaines de personnes entassées et immobiles dans la ruelle alors que les sauveteurs tentaient de les extraire de là.
Des critiques sont apparues sur le manque de personnel policier et la lenteur des secours, qui ont eu du mal à accéder à la ruelle pleine de monde. Un retard qui a pu s’avérer fatal pour les personnes victimes d’arrêt cardiaque, lequel provoque des lésions cérébrales irréversibles ou la mort en quelques minutes.
Où était la police ?
La police s’attendait à ce que la foule à Itaewon soit similaire à celle des précédentes éditions de la fête de Halloween, a expliqué le ministère de l’Intérieur Lee Sang-min. Au même moment, selon lui, un « nombre considérable » d’agents des forces de l’ordre étaient mobilisés pour encadrer une grosse manifestation dans une autre partie de la ville.
Dans des documents publiés deux jours avant le drame, la police avait indiqué qu’elle comptait déployer seulement 200 agents à Itaewon. « C’est une catastrophe provoquée par l’homme, déclenchée par un manque de conscience concernant la sécurité« , a critiqué Shin Dong-min, professeur à l’Université nationale des Transports de Corée. « Les commerçants d’Itaewon et les responsables du gouvernement auraient dû se préparer davantage à la venue d’une foule massive ».
Et les secours ?
Des équipes de secouristes en effectif insuffisant ont éprouvé les pires difficultés à assister un très grand nombre de victimes en arrêt cardiaque. De simples passants ont été mis à contribution pour pratiquer des réanimations cardio-respiratoires sur des personnes inconscientes.
Une vidéo circulant sur Twitter a montré des dizaines de personnes pratiquant des massages cardiaques sur des victimes allongées sur les trottoirs et d’autres, parfois déguisées avec leurs tenues de Halloween, évacuer des corps en les portant sur leurs dos. « J’étais en train de marcher mais je me suis arrêtée pour pratiquer des réanimations cardio-respiratoires », a raconté Min Byung-yeon, une ancienne infirmière, à la chaîne YTN. Une autre femme qui se trouvait à Itaewon avec son enfant pour participer à la fête a expliqué qu’on lui avait demandé de pratiquer le bouche-à-bouche à plusieurs victimes.
Sur Twitter, une personne se présentant comme une infirmière a aussi rapporté que certains patients se contentaient de la filmer avec leurs téléphones, sans intervenir, pendant qu’elle tentait de réanimer des victimes. « Je n’ai pas pu retenir mes larmes, personne ne m’aidait, ils continuaient à filmer », a-t-elle témoigné. « La victime n’a pas survécu. Cette situation était choquante et effrayante ». Des opérateurs comme Kakao Talk et Twitter Korea ont exhorté à cesser de partager des images choquantes de la catastrophe.
Condoléances européennes et américaines
Le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel, a assuré samedi soir de la solidarité l’UE envers la Corée du Sud endeuillée par une bousculade qui a fait 146 morts et 150 blessés dans la capitale Séoul lors des festivités d’Halloween. Le président américain Joe Biden et d’autres chefs d’Etat ont aussi fait part de leurs condoléances. M. Michel a adressé sa « profonde sympathie envers les familles et proches des victimes de cet accident horrible en Corée du Sud », dans un message posté en soirée sur Twitter. Il a souhaité aux blessés un prompt rétablissement. « L’UE se tient à vos côtés en toute solidarité », a jouté M. Michel. La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a exprimé des sentiments similaires, se disant choquée par le drame. « Mes pensées sont avec les familles et les proches de ceux qui ont perdu la vie ou ont été blessés ».
Peu avant, le président français Emmanuel Macron a exprimé « une pensée émue pour les habitants de Séoul et pour l’ensemble du peuple coréen« . « La France est à vos côtés », a ajouté le chef de l’Etat sur Twitter. Le nouveau premier ministre britannique Rishi Sunak a aussi commenté « cette nouvelle atroce en provenance de Séoul ce soir »: « Toutes nos pensées à ceux qui y répondent en ce moment et à tous les Sud-Coréens dans cette période de détresse », a-t-il tweeté. Le président américain Joe Biden a aussi envoyé ses condoléances à Séoul samedi et souligné que les Etats-Unis se tenaient « au côté » de la Corée du Sud. « Nous pleurons avec le peuple de la République de Corée et adressons nos meilleurs voeux de prompt rétablissement à tous ceux qui ont été blessés », a déclaré M. Biden dans un communiqué, ajoutant que les Etats-Unis « se tiennent au côté de la République de Corée pendant cette période tragique ». Les nombreuses victimes semblent avoir été prises dans des mouvements de foule dans ce quartier où les célébrations de Halloween rassemblent un grand nombre de personnes dans la capitale sud-coréenne.
« Je suis horrifiée par la perte de tant de jeunes vies dans ce qui aurait dû être une joyeuse fête d’Halloween à Séoul », a indiqué la ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib. « Nos pensées vont aux familles qui ont perdu des êtres chers, la Belgique est solidaire de la République de Corée », a-t-elle ajouté à l’adresse de son homologue sud-coréen, Park Jin.