A proximité de Téhéran © (Photo by ATTA KENARE / AFP)

Au 3e jour du conflit, ce que l’on sait des bombardements israéliens et des tirs iraniens

Des avions de combat israéliens ont bombardé dimanche des sites militaires et liés au nucléaire ainsi que des dépôts de carburant dans plusieurs villes d’Iran, au troisième jour d’un conflit inédit entre les deux pays ennemis.

En Israël, les salves de missiles tirés par l’Iran samedi soir et dimanche avant l’aube ont fait 10 morts et plus de 200 blessés selon les secours et la police, et provoqué dégâts et destructions.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a dit vouloir frapper « tous les sites et les cibles du régime » en Iran, après que son armée a lancé vendredi une attaque sans précédent contre ce pays avec l’objectif affiché de l’empêcher d’obtenir l’arme nucléaire. Allié d’Israël, le président américain Donald Trump a prévenu l’Iran que son armée répliquerait avec « toute sa force » s’il attaquait les Etats-Unis, réaffirmant que son pays « n’avait rien à voir » avec les attaques israéliennes.

Mais le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi a affirmé que l’Iran disposait de « preuves solides sur un soutien des forces et bases américaines dans la région aux attaques » d’Israël.

Après une frappe nocturne israélienne contre un dépôt de carburant à Téhéran qui a provoqué un incendie, un épais nuage de fumée s’élève encore du site. Un autre dépôt a aussi été touché. Dimanche après-midi, de nouvelles explosions ont été entendues à Téhéran. Selon des médias iraniens, les systèmes de défense aérienne ont été activés.

Dans la capitale, cafés, magasins et boutiques ont ouvert et la circulation a repris. De longues files d’attente se sont formées aux stations-service, ont constaté des journalistes de l’AFP.

« Une cinquantaine d’avions de combat »

Mais le chef de la police routière, Ahmad Karami, a signalé à l’agence de presse IRNA un « trafic intense aux points de sortie de la capitale » et « l’augmentation » du nombre de véhicules quittant Téhéran « par rapport aux jours normaux ».

Depuis que le représentant iranien à l’ONU, Amir Saeid Iravani, a fait état vendredi de 78 morts en Iran, les autorités n’ont pas fourni un nouveau bilan des victimes.

L’armée israélienne a appelé les Iraniens à évacuer les zones « à proximité d’installations militaires » et indiqué avoir frappé 80 objectifs à Téhéran lors de raids nocturnes ayant mobilisé « une cinquantaine d’avions de combat ». Elle a cité parmi les cibles « le ministère de la Défense » et ce qu’Israël présente comme « le siège du projet nucléaire (militaire) iranien (l’Organisation d’innovation et de recherche défensives), ainsi que des sites où le régime cachait les archives nucléaires« .

L’un des bâtiments du ministère de la Défense a été endommagé, selon un média iranien. Un site relevant du ministère de la Défense à Ispahan (centre) a été ciblé, a dit un responsable iranien.

« Collecte de renseignements »

Affirmant que l’Iran s’approchait du « point de non-retour » vers la bombe atomique, Israël a lancé vendredi sa campagne aérienne massive contre la République islamique en ciblant des centaines de sites militaires et nucléaires iraniens. Il a aussi tué les plus hauts gradés d’Iran dont le chef des Gardiens de la Révolution, Hossein Salami,  et le chef d’état-major, Mohammad Bagheri, et neuf scientifiques du programme nucléaire.

L’Iran est soupçonné par les Occidentaux et par Israël, considéré par des experts comme la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient, de vouloir se doter de l’arme atomique. Téhéran dément et défend son droit à développer un programme nucléaire civil. « Si l’agression cesse, notre riposte cessera« , a déclaré M. Araghchi. Il a accusé Israël de chercher à « faire dérailler » les négociations sur le nucléaire avec les Etats-Unis. Des discussions indirectes irano-américaines, prévues dimanche à Oman, n’auront pas lieu.

Lors des frappes en Iran, Israël a ciblé notamment le centre pilote d’enrichissement d’uranium de Natanz (centre), dont la partie en surface a été détruite selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Il a dit aussi avoir « démantelé » une usine de conversion d’uranium à Ispahan (centre).

Après avoir visé des systèmes de défense aériens et des dizaines de lanceurs de missiles, Israël a assuré samedi disposer désormais d’une « liberté d’action aérienne dans tout l’ouest de l’Iran, jusqu’à Téhéran ».

« Cela fait plus de 15 ans qu’Israël suit le programme nucléaire » iranien, relève Michael Horowitz, géopoliticien israélien. Les frappes constituent « l’aboutissement d’années de collecte de renseignements et de pénétration de la République islamique ».

« Il ne reste plus rien »

« Il ne reste plus rien, plus de maison, c’est fini! », dit Evguenia Doudka dont l’appartement est totalement retourné après que des explosions ont détruit plusieurs immeubles de Bat Yam, une ville côtière israélienne, proche de Tel-Aviv.
Au matin d’une nuit rythmée par les attaques aériennes iraniennes sur tout le pays, seuls les casques oranges des services de secours se détachent du gris des décombres, des amas sans début ni fin où s’entremêlent des parpaings, des tiges métalliques et des morceaux de fenêtres.
« L’alarme a retenti, alors nous sommes allés dans l’abri », raconte Mme Doudka, « soudain, tout l’abri s’est rempli de poussière, et c’est là que nous avons réalisé qu’une catastrophe venait de se produire ».
Dans cette ville de bord de mer, au moins six personnes parmi lesquelles deux enfants ont été tuées selon la police, et les recherches se poursuivent pour trouver des personnes considérées comme disparues. En bas d’immeubles aux façades totalement éventrées, certains sont en train de ranger, de passer le balai, au milieu du va-et-vient des engins de chantiers qui déblaient la chaussée.
D’autres habitants ont l’air encore sonnés. « C’est un miracle que nous ayons survécu », lâche Shahar Ben Zion au milieu des éclats de verre qui jonchent le sol de son appartement. C’est sa mère qui l’a convaincu in extremis de descendre à l’abri.

Près des abris

Sur les bancs publics, plusieurs habitants de ce quartier résidentiel attendent de trouver une solution d’hébergement, des sacs ou des valises au bout des bras. Plus de cent personnes ont été blessées, selon le maire, Tzvika Brot, et quelques-unes sont soignées dans la rue, au milieu des cordons de sécurité et de l’agitation.
En s’extrayant des carcasses d’immeubles avec sa valise rose, Elena Golomb a le visage fermé. Son appartement est lourdement endommagé, et elle ne se souvient que « d’un éclair, d’une explosion ». A côté d’elle, Julia Zilbergoltz explique qu’elle se rend chez une amie avec le peu de vêtements qu’elle a réussi à récupérer chez elle. « Je suis stressée et sous le choc. J’ai traversé des moments difficiles dans ma vie, mais je ne me suis jamais retrouvée dans une situation comme celle-ci », note-t-elle.
A Bat Yam, personne ne commente la situation, tant le choc est encore prégnant. Ce paysage apocalyptique où même les voitures sont parfois méconnaissables est une scène relativement inhabituelle en Israël où le système de défense aérienne intercepte l’immense majorité des projectiles. D’autres lieux, à Tel-Aviv et dans les environs mais aussi en Galilée, ont été touchés.

« Inquiétude » et « stress »

Dimanche matin, premier jour de la semaine en Israël, les rues étaient particulièrement calmes, les autorités conseillant aux habitants de rester à proximité des abris. Plusieurs habitants de Tel-Aviv ont confié à une journaliste de l’AFP leur « inquiétude » et leur « stress », mais aussi leur adhésion à la guerre contre l’Iran menée par le gouvernement.
« L’Iran est la menace la plus catastrophique pour l’Etat d’Israël, ils veulent nous tuer », dit Hagit Saban, une jeune retraitée, qui veut toutefois dire « au peuple iranien »: « nous vous aimons, c’est votre régime que nous n’aimons pas ».
Tomer Danieli, lui, tient à ouvrir son café du centre-ville de Tel-Aviv, à seulement quelques kilomètres des décombres de Bat Yam. « J’ai senti que je devais ouvrir pour offrir un espace aux personnes qui veulent sortir, prendre l’air, respirer, se sentir mieux et se déconnecter un instant des abris ».

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