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Un an après la réélection de Trump, l’internationale trumpiste se porte plutôt bien

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

De Buenos Aires à Prague, les adeptes de la politique de Donald Trump prospèrent. Lui ne se prive pas de leur donner au besoin un coup de pouce peu respectueux de la démocratie.

Les défenseurs de la démocratie se sont beaucoup inquiétés, à juste titre, de l’action partisane de plateformes numériques dans le déroulement de processus électoraux, aux Etats-Unis lors de la présidentielle de 2016, à l’occasion du référendum sur le Brexit au Royaume-Uni la même année, à la faveur de la présidentielle de 2024 en Roumanie… Cette altération du principe démocratique n’émeut pas Donald Trump quand elle sert ses intérêts. Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier de cette année, il n’a pas hésité à mener des immixtions directes dans le fonctionnement de démocraties alliées, au mépris de leur souveraineté et de leurs principes constitutionnels.

Hors d’un cadre électoral strict même si les conséquences indirectes de cette pression pourraient peser sur lui, Donald Trump, s’exprimant à la tribune de la Knesset le 13 octobre après la conclusion du précaire accord de cessez-le-feu à Gaza, avait exhorté les parlementaires israéliens à mettre fin aux poursuites judiciaires contre le Premier ministre Benjamin Netanyahou, suspecté de corruption. Plus explicitement, le président des Etats-Unis a tenté de peser sur les élections législatives partielles de mi-mandat organisées en Argentine le 26 octobre pour renouveler un tiers des mandats de sénateurs et la moitié de ceux des députés. Ainsi, a-t-il publiquement subordonné l’octroi d’une aide de 20 milliards de dollars en soutien au peso argentin à la victoire du parti de son… ami, le président Javier Milei. Le quotidien Le Monde estime que ce chantage a pu jouer un rôle dans le choix des électeurs et dans la victoire de La liberté avance (la formation présidentielle). Si ce genre de manœuvre peut aider une allié politique, dans la jungle que sont devenues les relations internationales sous l’ère Trump, pourquoi se priver?

Rares et précieux alliés en Amérique latine

L’expansion du trumpisme peut donc s’accompagner de coups de pouce «opportuns». Javier Milei, élu président argentin en décembre 2023, ne doit pas son succès électoral inattendu (41% des suffrages pour 22% au parti péroniste de centre-gauche, Force de la patrie) à ce soutien. C’est un des résultats de sa politique radicale d’assainissement des finances de l’Etat au prix de coupes importantes dans ses moyens de fonctionnement, la réduction massive de l’inflation (passée de 200% à 30%) qui en est la source principale. Que la même politique ait provoqué la disparition de 200.000 emplois en deux ans et une contraction de la consommation n’a pas pour l’heure dissuadé une majorité relative d’électeurs de souhaiter la poursuite de la politique du leader libertarien. Même s’il ne dispose pas de majorité absolue, Javier Milei pourra plus facilement tenter de mettre en œuvre ses projets de réforme fiscale et de dérégulation du marché du travail.

Le président américain peut donc se féliciter du renforcement du pouvoir d’un –rare– allié en Amérique latine. Hormis le Salvadorien Nayib Bukele, son meilleur partenaire dans la mise en application du programme d’expulsion de migrants des Etats-Unis, il ne peut guère compter sur d’autres soutiens solides. C’est peut-être à cette aune qu’il faut analyser la pression croissante exercée à l’encontre du pouvoir vénézuélien de Nicolas Máduro sous le couvert de la lutte contre le trafic de drogue, voire celle instillée dans le même cadre à l’encontre du président colombien socialiste Gustavo Petro. Pour assurer le contrôle du pré carré latino-américain des Etats-Unis comme on en prête l’intention à Donald Trump, le concours d’autres partenaires ne serait pas inutile.

L’Europe de la droite radicale

Il n’empêche, la consolidation de Javier Milei est un des succès majeurs de la vague trumpiste depuis la réélection de son leader en novembre 2024. Il y en a eu d’autres. Des phénomènes concomitants observés en Europe ne sont sans doute pas étrangers au déploiement de la politique trumpiste aux Etats-Unis. Jamais, en effet, les sondages en Allemagne, en France et au Royaume-Uni n’ont placé des partis de droite radicale ou d’extrême droite en tête des intentions de vote. C’est aujourd’hui le cas avec l’Alternative pour l’Allemagne (27%), soutenue directement par la sphère trumpiste lors des élections fédérales du 23 février 2025, avec le Rassemblement national (plus de 30%), et avec le parti Reform UK, du brexiter Nigel Farage (plus de 30%). Certes, l’alignement de Marine Le Pen sur la politique de Donald Trump n’est pas entier, il n’en demeure pas moins que les autres formations en pointe sont peu ou prou inspirées par le «modèle» américain.

Un autre dirigeant européen s’en est clairement revendiqué. Et il est en passe de revenir au pouvoir. Le 27 octobre, le président tchèque Petr Pavel a chargé Andrej Babis, le leader de la formation Ano («oui» en tchèque, anciennement Action des citoyens mécontents) de former le nouveau gouvernement. Le vainqueur des élections législatives des 3 et 4 octobre a dès lors entamé des négociations avec le parti d’extrême droite Liberté et démocratie directe (SPD) et avec celui de droite La Voix des automobilistes. Cette coalition disposerait de la majorité absolue (108 sièges sur 200). Ces chances de composer le prochain gouvernement sont donc grandes.

Andrej Babis, septième fortune de la République tchèque, a bâti sa prospérité dans l’industrie chimique et dans le secteur de l’alimentation. Il doit être jugé pour fraude aux subventions de l’Union européenne. Et il devrait régler les potentiels conflits d’intérêts que sa carrière d’homme d’affaires susciterait pour pouvoir accéder au poste de Premier ministre, même s’il a déjà exercé la fonction de décembre 2017 à décembre 2021. Décrit comme le «Trump tchèque», il serait un nouveau partenaire solide du président américain en Europe centrale à côté des Premiers ministres hongrois, Viktor Orbán, et slovaque, Robert Fico. Surtout, le trio, s’il renforçait ses liens, constituerait une alliance rétive à la poursuite de l’aide à l’Ukraine. Et fort de cette convergence, Andrej Babis servirait les intérêts de Donald Trump dans la résolution de la guerre en Ukraine qui, malgré la montée actuelle des tensions avec la Russie, pourraient consister à sacrifier de nombreuses revendications de Kiev dans la recherche d’une sortie de crise rapide. Où s’arrêtera donc l’influence du trumpisme dans les Amériques et en Europe?

Où s’arrêtera donc l’influence du trumpisme dans les Amériques et en Europe?

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