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Le sourire de Franklin Roosevelt, ici en 1938, «son remède personnel et public face au drame». © GETTY

Le sursaut démocrate face à Trump: Franklin Roosevelt convoqué comme modèle

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Président de 1933 à 1945, il symbolise l’anti-Trump par son opposition à la tyrannie économique et sa fibre sociale. Une source d’inspiration.

A l’heure des grandes introspections qu’est censé mener le Parti démocrate pour retrouver du souffle après la douloureuse défaite de l’élection présidentielle du 5 novembre 2024, un nom est régulièrement invoqué, celui de Franklin Delano Roosevelt. Le 32e président des Etats-Unis reste dans les mémoires comme le dirigeant démocrate qui a su établir un lien durable avec les classes populaires. Qu’il ait été l’artisan du célèbre New Deal qui modifia en profondeur la société américaine situe l’ampleur de la révolution copernicienne que le Parti démocrate doit opérer pour espérer représenter une opposition crédible au trumpisme potentiellement dominateur pour de nombreuses années.

«Pour la première fois dans l’histoire du pays, la dépense publique a stimulé l’économie.»

En regard de la nature du régime que le deuxième mandat de Donald Trump installe aujourd’hui, Franklin Delano Roosevelt représente bien L’Autre Amérique (1) dépeinte brillamment par la journaliste et romancière Judith Perrignon dans son brillant récit, reconstitué au départ du journal du secrétaire au Trésor de l’époque, Henry Morgenthau. Il pourrait aussi symboliser «l’autre Parti démocrate» avec lequel les dirigeants actuels devraient renouer.

Comment cet homme issu de la bourgeoisie a-t-il réussi à figurer le président par excellence des classes populaires? Par une conviction: celle qu’au début des années 1930, «la tyrannie économique et la concentration des richesses […] ont tiré le monde vers sa chute, pavé le chemin à Hitler, et pourraient à terme menacer la démocratie américaine», résume l’autrice. «Les marchands du temple ont abandonné leurs sièges dans le temple de la civilisation, assène Franklin Roosevelt dans le discours inaugural de sa première présidence en 1933 (il y en aura trois autres puisqu’il sera réélu en 1936, en 1940 et en 1944). Nous devons maintenant restaurer ce temple dans ses fondements. Restaurer par l’application de valeurs sociales plus nobles que le seul profit financier.» Par une politique aussi, symbolisée par le New Deal. «Pour la première fois dans l’histoire du pays, la dépense publique a stimulé l’économie. Les droits sociaux sont apparus. Le chômage est encore élevé mais le pays remonte la pente. Les théâtres et les salles de spectacle ont rouvert, laissant parfois penser qu’un retour à la normale est possible», énumère Judith Perrignon. Au terme de son premier mandat, Franklin Roosevelt a ainsi atteint son premier objectif: «Sortir les Etats-Unis de la Grande Dépression.»

Il lui en reste deux à accomplir: préparer la guerre et la gagner. Les présidences de Franklin Roosevelt se confondent en effet avec l’exercice du pouvoir d’Adolf Hitler. Il entre en fonction quelques semaines après l’accession du dirigeant du parti nazi au poste de chancelier d’Allemagne. Il décède, de maladie, le 12 avril 1945; Hitler se suicide dans son bunker de Berlin le 30 avril. L’entrée en guerre des Etats-Unis, fondée dans l’esprit de Franklin Delano Roosevelt sur la défense de quatre libertés humaines fondamentales (de parole et d’expression, religieuse, de vivre préservé du besoin, et de la peur) contribuera à parfaire sa stature d’homme d’Etat aux yeux des Américains et des sympathisants démocrates. Un lien a été établi à jamais. Le jour de l’annonce de son décès, une dame noire sanglotant dans une rue de Washington, à qui on demande si elle connaissait le président, répond: «Non, mais lui me connaissait.» Quel dirigeant pourra demain rétablir pareille relation?

(1) L’Autre Amérique, par Judith Perrignon, Grasset, 238 p.
© DR

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