Depuis que Benjamin Netanyahou a ravivé chez Donald Trump l’idée de décrocher le prix Nobel de la paix, le président américain ne pense qu’à ça. Ou presque. Selon lui, si le prix ne lui est pas décerné, cela sera perçu comme «une insulte» envers les Etats-Unis. Verdict le 10 octobre prochain.
Début juillet, Donald Trump retrouvait Benjamin Netanyahou pour la troisième fois depuis son retour à la Maison-Blanche. Le Républicain avait alors reçu de la part du Premier ministre israélien un gage qui a dû lui faire plaisir: lui qui entretient l’espoir de décrocher un jour le prix Nobel de la paix s’était vu remettre des mains du chef d’Etat une lettre qu’il aurait adressée au comité de sélection. Une lettre le présentant comme candidat à cette distinction très convoitée.
«Je tiens à exprimer la gratitude et l’admiration non seulement de tous les Israéliens, mais aussi du peuple juif et de nombreux admirateurs à travers le monde, pour votre leadership du monde libre, votre leadership d’une cause juste et votre quête de paix et de sécurité», avait lancé Benjamin Netanyahou, durant un dîner organisé à l’occasion de sa visite à la Maison-Blanche, en juillet. «A l’heure où nous parlons, il rétablit la paix dans un pays (après l’autre), dans une région après l’autre.»
L’idée d’obtenir le prix Nobel de la paix reste fixe pour Trump, qui a déclaré, ce mardi, que si le prix revenait à un autre, cela serait perçu comme «une insulte» envers les Etats-Unis. Pour le président américain, personne ne mérite plus que lui cette prestigieuse distinction, tant il en a fait, selon lui, pour la paix dans le monde. «Ils donneront [le prix Nobel] à un gars qui n’a rien fait du tout», a déclaré celui qui se vante d’avoir mis fin à sept guerres depuis son retour au pouvoir… même si son intervention a été minimale, voire inexistante dans certains conflits qu’il évoque. Un chiffre qui pourrait selon lui passer à «plus de huit» si le plan pour Gaza qu’il a présenté à Benjamin Netanyahou, lundi, est accepté par le Hamas, et que la guerre en Palestine prend fin. «Je m’en compterai deux ou trois de plus pour celle-là», a ajouté Trump.
De (très) maigres chances
Si Donald Trump tient tant à obtenir cette récompense, «c’est parce qu’elle représente pour lui une sorte de légitimité internationale, une reconnaissance envers ses actions pour résoudre les conflits en Ukraine, au Proche-Orient et pour contrer la prolifération nucléaire iranienne», estime Michel Liégeois, professeur de relations internationales de l’UCLouvain et spécialiste des Etats-Unis. Le spécialiste juge néanmoins quasi nulles ses chances d’obtenir le prix Nobel de la paix.
Un point de vue que partage Eivind Stenersen, historien et spécialiste du sujet. «C’est totalement impensable», car le président américain «est à bien des égards à l’opposé des idéaux que représente le prix Nobel», assène-t-il, soulignant que le prix défend la coopération internationale au travers d’organisations telles que l’ONU, que Donald Trump a violemment attaquée la semaine dernière devant l’Assemblée générale des Nations unies.
Comme Barack Obama avant lui
Trump lui-même n’a jamais proposé son nom –c’est interdit par le règlement–, mais, par le passé, ses soutiens s’en sont déjà chargés pour lui. Parmi eux, des parlementaires républicains. Mais jamais cette candidature n’a été retenue, ce qui n’a pas manqué de le contrarier.
«Le prix représente pour lui une sorte de légitimité internationale, une reconnaissance envers ses actions pour résoudre les conflits.»
Michel Liégeois, professeur de relations internationales de l’UCLouvain
Surtout que son prédécesseur Barack Obama l’a obtenu en 2009, alors qu’il entamait à peine son premier mandat. Le comité des Nobel avait notamment salué ses «efforts extraordinaires qui ont renforcé la diplomatie internationale et la coopération avec le peuple» et son engagement pour la non-prolifération nucléaire. Avant Obama, trois autres présidents américains ont reçu le prix Nobel de la paix: Theodore Roosevelt, en 1906, pour son rôle de médiateur dans la guerre russo-japonaise; Woodrow Wilson, en 1919, pour son action durant la Première Guerre mondiale; et Jimmy Carter, en 2002, «pour ses efforts infatigables en faveur d’une résolution pacifique des conflits internationaux, de la démocratie, des droits de l’homme et du développement économique et social».
Des résultats probants, sinon rien
Les chances de Donald Trump de devenir le cinquième président des Etats-Unis honoré ne sont pas nulles, mais tout de même plutôt maigres, commente Michel Liégeois. «Cela relèverait du miracle!» Malgré ses promesses de régler rapidement les conflits en Ukraine et à Gaza, rien n’a changé. Ce qui ne serait pas un obstacle, selon le spécialiste des Etats-Unis. «Ce prix n’a pas toujours été attribué à des personnes qui ont réussi. Parfois, le simple fait d’en exprimer une intention suffit, souligne-t-il. Si l’on repense à Barack Obama, par exemple, le principal élément qui avait décidé le comité Nobel à lui attribuer le prix, c’était son discours de Prague. Il avait évoqué la possibilité d’un monde sans armes nucléaires, tout en sachant que cela n’arriverait pas tout de suite. Ce ne serait pas la première fois que le comité Nobel donne un prix à titre d’encouragement», poursuit le professeur.
«S’il obtient effectivement un cessez-le-feu durable en Ukraine et/ou à Gaza, et un accord sur le nucléaire iranien en l’espace des deux mois qui suivent, il faudra lui reconnaître ses résultats.»
Michel Liégeois, professeur de relations internationales de l’UCLouvain
Cela étant, sa personnalité clivante et «sa façon de ne pas respecter les codes diplomatiques», en opposition avec un comité Nobel «composé de personnalités assez diversifiées sur le plan politique», réduisent les chances de Donald Trump, estime Michel Liégeois. Une porte vers le prix Nobel de la paix commencerait néanmoins à s’ouvrir pour le candidat américain si le Hamas acceptait son plan en 20 étapes pour mettre fin à la guerre en Palestine. «Jusqu’à présent, ces efforts n’ont pas été couronnés de succès. Ses méthodes sont ce qu’elles sont, on peut en penser ce que l’on veut, mais on ne peut pas être certain que cela ne va jamais fonctionner, avance le professeur. S’il obtient effectivement un cessez-le-feu durable à Gaza, il faudra lui reconnaître ses résultats. Ses perspectives en tant que potentiel lauréat du prix Nobel de la paix pourraient alors évoluer.»

Comment le prix Nobel de la paix est-il décerné?
Les prix Nobel de l’année 2025 seront décernés entre le 6 et le 13 octobre, avec le prix de la paix le vendredi 10 octobre. Beaucoup d’appelés (338 candidats cette année), mais un seul deviendra lauréat.
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Pour être éligible à un prix Nobel, il faut que la proposition de nomination déposée auprès du comité émane d’une personne habilitée: un ancien lauréat, un professeur d’université, un ministre, un parlementaire… En revanche, comme évoqué plus avant, le nommé ne peut avoir posé lui-même sa candidature. Parmi les promoteurs d’une victoire trumpienne: le chef d’état-major de l’armée de terre du Pakistan Asim Munir, l’élu républicain à la Chambre des représentants des Etats-Unis Buddy Carter, ainsi que la professeure américaine de droit Anat Alon-Beck, laquelle participe à un programme éducatif à l’université de Harvard. A cette liste s’ajoute donc désormais Benjamin Netanyahou.
Le dépôt de candidature s’achève en février, après quoi les cinq membres du comité Nobel élus par le Parlement norvégien se réunissent une première fois pour définir une liste restreinte de 20 à 30 nommés. Celle-ci est ensuite soumise aux conseillers permanents de l’Institut Nobel chargés d’établir des rapports sur chaque candidat. Suivent alors de nouvelles réunions du comité, jusqu’à la décision et l’annonce du prix.