Dans un paysage tellement façonné par l’opposition entre républicains et démocrates, une troisième formation a toujours peiné à s’imposer. Mais le milliardaire peut embêter Donald Trump…
Avec deux personnalités à l’ego aussi surdimensionné et à l’obsession aussi tenace de servir leurs intérêts, il est difficle de prédire quel sera l’avenir de leurs relations. Une rupture nette semble pourtant s’être opérée entre le président américain et le patron de Space X, Starlink, Tesla… avec l’annonce par ce dernier de son intention de créer une formation politique dont le nom rappelle la phraséologie trumpienne, le Parti de l’Amérique. Le vote de la loi de finances par le Congrès en a été le déclencheur. Pour Elon Musk, elle contrevient à son idée de la gestion de l’Etat en ouvrant la voie à une nouvelle aggravation de la dette en raison des baisses d’impôts qu’elle autorise. Un désaccord idéologique, donc, sur fond de relations commerciales (la santé de certaines sociétés de l’homme d’affaires étant dépendante de commandes publiques) et de rivalité personnelle.
La mission d’Elon Musk semble pourtant plus hasardeuse que les projets entrepreneuriaux qu’il a menés jusqu’à présent. Installer un pays dans le paysage politique américain nécessite beaucoup de moyens financiers, et il les a assurément. Pour concourir au niveau national, il faut «créer un parti dans chaque Etat fédéré, ce qui implique 50 staffs dans 50 Etats avec des dizaines de candidats», rappelle Jérôme Jamin, professeur de science politique à l’ULiège. Structurellement, le système électoral américain ne favorise pas l’émergence d’un nouveau parti. On sait que pour l’élection présidentielle, à laquelle Elon Musk ne pourrait pas participer parce qu’il n’est pas né aux Etats-Unis, c’est celui qui remporte plus de 50% des voix dans un Etat qui remporte tous les grands électeurs. Un scénario a priori impossible pour un troisième parti.
Une influence sur le Congrès?
En revanche, celui-ci aurait davantage la capacité de perturber la bataille entre républicains et démocrates lors de scrutins législatifs en attirant des électeurs de l’un ou l’autre camp. «Elon Musk pourrait se concentrer sur quelques Etats avec la volonté de nuire très spécifiquement à certains députés», prédit Jérôme Jamin. Comme la majorité républicaine est étroite à la Chambre des représentants et au Sénat, l’élection d’un ou deux candidats du Parti de l’Amérique pourrait bouleverser le rapport de force. Et comme on imagine que la soif de vengeance d’Elon Musk s’exprimera davantage envers les républicains, et en particulier à l’endroit «des élus qui ont trahi leurs électeurs en laissant filer le déficit», la deuxième partie du mandat de Donald Trump pourrait s’en trouver altérée, si toutefois le Parti de l’Amérique parvient à se mettre en ordre de bataille dès les élections de mi-mandat prévues en novembre 2026.
«Elon Musk pourrait capter une partie de l’électorat des républicains et les affaiblir face aux démocrates. Cela ne veut pas dire qu’il parviendra à envoyer des députés au Congrès. Mais cela vaut dire qu’il a un pouvoir de nuisance, analyse Jérôme Jamin. Je pense qu’il va utiliser son parti, un peu comme il use de son réseau social X. Il crée un outil supplémentaire pour influencer les gens. Et c’est une façon de dire aux républicains qu’il faut l’écouter davantage, ou, en tout cas, ne pas le marginaliser, sinon ils pourraient en subir les conséquences.»
«Après X, il crée un outil supplémentaire pour influencer les gens.»