L’ancien président Joseph Kabila a été condamné à la peine de mort pour complicité avec le groupe armé antigouvernemental M23. Son arrestation semble cependant peu probable.
L’ex-président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, a été condamné à mort au terme d’un procès par contumace pour trahison mené devant la justice militaire du pays.
L’ancien chef d’Etat congolais, âgé de 54 ans, qui avait quitté la RDC en 2023, a été reconnu coupable de complicité avec le groupe armé antigouvernemental M23 soutenu par le Rwanda. Aucune information n’a été donnée sur l’endroit où se trouve actuellement M. Kabila, rendant une arrestation par les autorités congolaises peu probable à ce stade.
Par cette décision de justice, Kinshasa espère envoyer « un message fort auprès de rebelles sur son intransigeance », mais également « fragiliser un adversaire » qui a tenté de « fédérer l’opposition », explique Ithiel Batumike, chercheur à l’institut congolais Ebuteli.
Un recours contre le verdict de la Haute cour militaire, plus haute juridiction militaire du pays, est encore possible devant la Cour de cassation, uniquement pour tenter de faire valoir une irrégularité dans la procédure, mais pas pour réexaminer le fond.
Kabila le paria
Joseph Kabila, qui a dirigé la RDC de 2001 à 2019, est désormais considéré comme un paria dans le pays qu’il a quitté en 2023, mais où il est récemment réapparu, venant inquiéter Kinshasa.
En 2019, au terme de deux mandats, Joseph Kabila quitte le pouvoir en laissant la place à l’actuel président Félix Tshisekedi et avec le statut de sénateur à vie ainsi qu’une immunité parlementaire. En 2023, il quitte le pays et reste discret sur ses déplacements, apparaissant notamment en Afrique du Sud ou en Namibie.
Après s’être tenu à l’écart pendant plusieurs années, il réapparait fin mai à Goma, ville sous contrôle du groupe armé antigouvernemental M23 depuis fin janvier. Même silhouette carrée, son habituelle barbe en moins. Quelques jours auparavant, l’ex-président, qui jouit encore d’un important réseau d’influence, avait déclaré dans une rare allocution en ligne que « la dictature doit prendre fin » en RDC et qu’il est prêt à « jouer sa partition ».
Ce bref retour au pays a inquiété Kinshasa dans un contexte d’instabilité liée à l’intensification du conflit dans l’est du pays. Sur injonction du gouvernement, l’immunité de Joseph Kabila est levée, permettant le procès à l’issue duquel il a été condamné, et auquel il n’a pas participé.
A la tête d’un pays déchiré par la guerre
Né le 4 juin 1971 dans le maquis de Laurent-Désiré Kabila au Sud-Kivu, le jeune Joseph connaît l’exil à 5 ans. Il passe presque toute sa jeunesse en Tanzanie avant de rejoindre son père en septembre 1996 lorsqu’éclate la première guerre du Congo. Il part en Chine pour une formation militaire, mais rentre précipitamment au début de la deuxième guerre du Congo en 1998 et rejoint l’armée.
A la mort de son père, assassiné en janvier 2001, Joseph Kabila hérite d’un pays exsangue, déchiré par une guerre terrible entamée en 1998 et qui ne prendra fin qu’en 2003. Le pouvoir central ne contrôle alors guère qu’une partie de l’ouest et du sud de la RDC, qui fait partie des pays les plus pauvres de la planète malgré d’immenses ressources naturelles. « Avec sa voix timide et sa jeunesse (il n’avait alors que 29 ans), il donnait l’impression au début d’être un personnage falot », écrit l’historien belge David Van Reybrouck dans un ouvrage de référence sur le Congo.
«Un homme de l’Est»
Joseph Kabila parle l’anglais et le swahili (langue de l’Est africain), ne s’exprime pas aisément en français, langue officielle en RDC, et ne maîtrise pas le lingala, parlé à Kinshasa. Cette lacune linguistique, sa naissance dans l’est de la RDC et son enfance en Tanzanie le font percevoir par les habitants de la capitale comme « un homme de l’Est », un « étranger ».
Peu à peu cependant, son habileté politique surprend les diplomates étrangers qui le considéraient comme un pantin aux mains de la vieille garde de son père, dont il s’affranchit progressivement. Après une transition politique post-conflit difficile où il doit cohabiter avec quatre vice-présidents, il est conforté à la présidence par les urnes en 2006 à l’issue des premières élections libres du pays depuis son indépendance de la Belgique en 1960.
L’état de grâce ne durera pas longtemps et, en 2011, à l’issue d’élections marquées par des irrégularités massives, Joseph Kabila remporte un second mandat, avec une majorité relative. À Kinshasa, mégapole bouillante de près de 17 millions d’habitants qui ne l’ont jamais vraiment aimé, le chef de l’Etat sortant ne réunit que 16,5% des suffrages exprimés.
Sa victoire, contestée par la majeure partie de l’opposition, plonge le Congo dans la crise politique. Et en 2015, un projet de modification de la loi électorale pouvant permettre à Joseph Kabila de se maintenir au-delà de la limite constitutionnelle de deux mandats provoque des manifestations. Les violences font des dizaines de morts et Joseph Kabila n’est finalement pas candidat en 2018.
Solitaire et secret, même pour ses proches, M. Kabila apparaît peu à l’aise dans les cérémonies officielles et semble n’être jamais aussi heureux que lorsqu’il conduit des tracteurs ou engins de chantiers à l’occasion d’inaugurations. Peu porté sur la littérature, selon un diplomate qui l’a rencontré à plusieurs reprises, il passe pour être plutôt amateur de jeux vidéo et de voitures. Il est marié et a deux enfants.