Quand un tribunal l’a de nouveau inculpé début juin pour violation de la loi sur la sécurité nationale, le militant pro-démocratie de Hong Kong Joshua Wong a accueilli la nouvelle avec un haussement d’épaules et un hochement de tête.
Alors qu’il avait l’espoir d’être libéré début 2027 après avoir passé plus de 1.500 jours en prison, l’homme de 28 ans voit sa date de sortie s’éloigner indéfiniment. Pour Hong Kong lundi marquera la cinquième année sous la drastique loi de sécurité nationale, imposée par Pékin, un an après les manifestations massives et parfois violentes en faveur de la démocratie dans l’ancienne colonie britannique.
Depuis son entrée en vigueur, 165 personnes ont été condamnées pour diverses infractions: sécession, subversion, terrorisme, collusion avec l’étranger… Une nouvelle loi promulguée en mars 2024 s’ajoute à la précédente. Connue sous le nom d’article 23, elle punit des crimes tels que l’espionnage et l’ingérence étrangère. Selon John Burns, professeur émérite de science politique à l’université de Hong Kong, la Chine considère les militants influents tels que Joshua Wong comme des « fauteurs de troubles incorrigibles ».
« On parle au quotidien de sécurité nationale à la télévision et dans les médias », a relevé M. Burns auprès de l’AFP. Parmi les affaires majeures, le procès du magnat de la presse Jimmy Lai se poursuit, tandis que celui des organisateurs d’une veillée en mémoire des victimes de la place Tiananmen n’a pas encore débuté. Le plus sévèrement puni reste à ce jour le juriste Benny Tai, condamné à dix ans de prison dans le cadre du procès dit des « 47 de Hong Kong », où Joshua Wong comparaissait également, en novembre dernier.
Un avocat spécialisé dans les affaires de sécurité nationale, qui a préféré ne pas dévoiler son identité, a déclaré à l’AFP avoir « les mains liées » dans l’exercice de sa profession. « En pratique, la seule chose que les avocats peuvent faire est de plaider pour une peine plus légère », a-t-il dit.
« Invitations à prendre le thé »
« Il y a moins de poursuites aujourd’hui, mais plus d’arrestations, +d’auditions+ et d’opérations où les personnes ne sont pas traduites en justice », souligne un autre avocat ayant lui aussi requis l’anonymat.
Le chercheur Eric Lai, du centre asiatique de droit de Georgetown, évoque ainsi des « invitations à prendre le thé », qui désignent des convocations informelles « pour réguler et stabiliser la société », préférées parce qu’elles sont « moins visibles ». Selon les autorités, des responsables de la sécurité de Pékin ont pris part à des « auditions » pour la première fois en juin.
Depuis 2020, des dizaines de groupes pro-démocratie et d’organisations de la société civile hongkongaise, y compris des syndicats et des médias, ont dû cesser leurs activités. L’éviction de députés de l’opposition a également eu des « conséquences massives en matière de reddition de comptes », selon M. Burns.
Le Parti démocrate de Hong Kong a entamé le processus qui mènera à sa dissolution, tandis que les médias hongkongais ont rapporté mercredi que la Ligue des sociaux-démocrates, l’autre parti d’opposition encore en activité, pourrait disparaître d’ici quelques jours.
« Je ne crois pas que le gouvernement soit paranoïaque« , a pour sa part estimé la présidente du Conseil exécutif de Hong Kong, Regina Ip. « En raison d’un environnement international de plus en plus complexe et volatil, nous devons tous être alertes ».
Les lois relatives à la sécurité nationale ont provoqué une vague de départs du territoire.
Tony Chung, partisan de l’indépendance de Hong Kong, a déclaré qu’il ne se sentait pas en sécurité après avoir purgé une peine de prison pour sécession. Il s’est réfugié au Royaume-Uni en 2023. Le jeune homme de 24 ans fait partie des 19 militants pro-démocratie considérés comme fugitifs par les autorités hongkongaises.
Maintenant demandeur d’asile, il raconte avoir parfois eu du mal à s’adapter, mais continue promouvoir ses idées. « De nombreux amis m’ont dit que je pouvais commencer une nouvelle vie ici et laisser la politique derrière moi », a-t-il dit à l’AFP. « Je vois le soleil, le beau temps, un champ d’herbe… Mais je me force à me rappeler pourquoi je suis venu ici ».