Près de 80 ans après Hiroshima, Marc Botenga (PTB) plaide pour une rupture avec la logique d’escalade militaire et appelle la Belgique et l’Europe à rejoindre le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.
Des peaux qui fondent et coulent. Des yeux qui sortent de leurs orbites. Des enfants qui, des jours plus tard, commencent soudainement à cracher du sang et se décomposent de l‘intérieur pour mourir d’une mort atroce. Des maladies terribles qui continuent de frapper les familles touchées pendant des générations. Les témoignages des Hibakusha, ces survivants des bombardements nucléaires américains sur Hiroshima et Nagasaki glacent toujours le sang. Quatre-vingts ans après, une dangereuse course aux armements nous rapproche pourtant dangereusement d’une catastrophe nucléaire.
Le chiffre est absurde. Avec près de 12.500 ogives nucléaires dans le monde, il y a déjà 100 fois ce qu’il faut pour mettre fin à toute civilisation sur Terre. Et pourtant les Etats dotés de l’arme atomique investissent toujours plus dans la modernisation et le renforcement de l’arsenal, observe l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). Même à Kleine Brogel, en Belgique, nous avons vu comment les Etats-Unis modernisent massivement leurs armes nucléaires. Et pendant que l’Occident impose des sanctions sur le programme nucléaire civil iranien, au Moyen-Orient, l’Etat israélien qui a bombardé sept pays en à peine plus d’une décennie, maintient en toute opacité un impressionnant arsenal nucléaire.
«Avec près de 12.500 ogives nucléaires dans le monde, il y a déjà 100 fois ce qu’il faut pour mettre fin à toute civilisation sur terre.»
L’idée que ces armes ne seraient jamais utilisées est un pari trop hasardeux. Les récents affrontements entre le Pakistan et l’Inde viennent de démontrer que la possession de l’arme nucléaire n’empêche nullement la guerre. L’Otan et la Russie n’excluent d’ailleurs même pas la possibilité d’utiliser en premier l’arme nucléaire. La Russie a dernièrement abaissé le seuil d’utilisation des armes nucléaires. L’impressionnante liste d’accidents évités de justesse pendant la Guerre froide témoigne d’à quel point l’apocalypse peut aussi se produire par méprise. C’est plus vrai que jamais aujourd’hui avec l’automatisation progressive des processus décisionnels, notamment avec l’intelligence artificielle.
Les projets les plus extravagants de boucliers antimissiles rempliront les poches des actionnaires de l’armement, mais ne garantiront jamais une protection absolue contre une attaque nucléaire. En témoignent les projets américains avortés ou, plus récemment, les énormes failles du Dôme de Fer israélien, exposées au grand jour par les missiles iraniens. En plus, comme chaque pays veut pouvoir percer le «bouclier» de l’autre, ces systèmes antimissiles sont un puissant catalyseur de la course aux armements.
Pourtant, une alternative réelle existe. En 2017, les deux tiers des pays du monde ont adopté un traité historique sur l’interdiction des armes nucléaires (Tian). Début 2021, il est entré en vigueur, rendant les armes nucléaires illégales en vertu du droit international. Quatre-vingts ans après Hiroshima et Nagasaki, les armes nucléaires sont ainsi définies comme des armes de destruction massive et interdites au même titre que les armes chimiques et biologiques. Malheureusement, parmi près d’une centaine de signataires, on ne trouve que deux pays membres de l’Union européenne: l’Irlande et l’Autriche. Sans coïncidence, ni l’un ni l’autre ne sont membres de l’Otan, les deux revendiquant leur neutralité.
Comme potentiel terrain d’affrontement entre puissances nucléaires, l’Europe aurait pourtant tout intérêt à rejoindre la dynamique du Traité Tian. Pendant la Guerre froide, les peuples européens ont vu et vécu le risque. Sous pression du mouvement pour la paix, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, ledit processus d’Helsinki, poussait en direction du contrôle des armements. Cela signifie non seulement que tous les pays européens, y compris la Belgique, doivent signer le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, mais aussi que nous devons rompre avec la course aux armements que Donald Trump et l’Otan veulent nous imposer. Soyons une voix pour la paix et la sécurité humaine.