
5 décembre 1933 : Le retour de l’alcool aux Etats-Unis
La victoire des raisonnables ? Ou celle des alcoolos ? En 1933, alors qu’elle met un terme au régime de la prohibition, l’Amérique demeure divisée.
Les gais lurons rayonnent : dorénavant, ils pourront se ravitailler sans devoir se cacher. Les puritains, eux, font grise mine. A tous vents, ils alertent sur la dépravation qui menace la société. L’idéologie ? Ce n’est pourtant pas elle qui guide les législateurs de 1933. Si les Etats-Unis abolissent le 18e amendement de la Constitution, c’est d’abord parce que celui-ci a été mal appliqué.
C’est au début du xxe siècle que la croisade prend de l’ampleur. Tandis que certains surfent sur la vague de la modernité, d’autres dénoncent ses dérives. Ces tristes sires regrettent le développement des automobiles, coupables d’innombrables accidents. Ils récusent la libération des moeurs, à la source de drames familiaux. Mais leur cible principale, c’est l’alcool ! Il faut dire que la croissance ne va pas sans consommation. Forte : de nombreux Irlandais migrent alors vers les Etats-Unis, emmenant dans leurs bagages de doux effluves et une grande expertise en matière de distillation…
» Il faut moraliser la société. » Le credo des pasteurs percole. Il bénéficie du soutien des officiers, bien placés pour constater les méfaits de l’alcool sur le front. Il est aussi relayé par certaines épouses, les premières à recevoir les coups de leurs maris enivrés. En 1917, le Congrès propose d’intégrer à la Constitution un amendement prohibant » la fabrication, la vente ou le transport des boissons alcooliques « , ainsi que toute importation ou exportation. Le texte entre en vigueur en 1920.
Bien sûr, certains respecteront scrupuleusement la nouvelle législation. On les appellera les » secs « . Mais en face, il y a les (nombreux) » mouillés « . Qui jouent sur les mots (la loi interdit de produire de l’alcool mais pas d’en consommer) et sur les pourcentages (le degré à partir duquel la boisson est interdite n’est pas défini par la Constitution). Pour assouvir leur soif, ils peuvent compter sur certains médecins peu scrupuleux, habilités à prescrire de l’alcool médicinal. Ils s’appuient aussi sur les services des bootleggers, ces spécialistes de la contrebande, qui vendent des produits souvent chers et mauvais. Mais les bootleggers eux-mêmes ne peuvent échapper aux filets de la mafia. La prohibition, c’est la victoire des grands bandits ! Intouchables, ils tablent sur l’impuissance des policiers, la corruption de juges et l’insuffisance des moyens publics. Le tout peut rapporter gros : au soir de sa vie, Al Capone aura amassé plus d’un milliard de dollars !
Ces années folles s’achèvent donc en 1933. Avec Franklin Roosevelt, les démocrates sont de retour à la Maison-Blanche. Ils sont conscients de l’inefficacité de la prohibition. Et du manque à gagner que représente la disparition des taxes sur l’alcool. Le 18e amendement est aboli. Sans doute la victoire des alcoolos est-elle d’abord la défaite des sots.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici