Sous le regard du président américain Bill Clinton, la poignée de main entre l'Israélien Yitzhak Rabin et le Palestinien Yasser Arafat, scellant les accords de Washington, le 13 septembre 1993. © LARRY DOWNING/GETTY IMAGES

4 novembre 1995 : Avec Rabin, c’est la paix qu’on assassine

Grosse foule ce samedi-là. Les Israéliens sont venus nombreux. Tous là pour défendre la paix et soutenir leur héros. Tous ? Non. Un intrus s’est immiscé. Yigal Amir. Un inconnu de 25 ans.

Chantre du sionisme le plus radical, il est aussi un adepte de la violence. La soirée est douce, et Yitzhak Rabin n’est pas pressé. Après avoir quitté les bâtiments de la municipalité, il circule tranquillement sur cette place des Rois d’Israël. La plus grande place de Tel-Aviv est le haut lieu de tant de combats : c’est là que les Israéliens manifestent, célèbrent et se souviennent. A l’extrémité sud se trouve un étonnant édifice sculpté par Yigal Tumarkin, en mémoire de la Shoah. Le Premier ministre salue les foules, s’arrête. Puis se dirige vers sa voiture. Autour de lui circulent plusieurs gardes du corps. Détendus mais attentifs. Soudain, Rabin semble se retourner. En réalité, il s’affale. Des balles viennent de toucher sa rate, sa poitrine et sa colonne. Il n’a plus que quelques minutes à vivre.

Sans doute est-ce deux ans plus tôt, à Washington, que Rabin a signé son arrêt de mort. Le 13 septembre 1993, à l’ombre de la Maison-Blanche, le Premier ministre israélien conclut un accord historique avec le Palestinien Yasser Arafat. Tandis que le premier reconnaît au peuple du second le droit à une certaine autonomie, le second reconnaît au pays du premier le droit à une existence en paix. Le texte n’est qu’une fragile déclaration de principes. Mais il est source d’un précieux espoir…

Le 25 février 1994 constitue une autre date clé dans le processus qui mènera à l’assassinat. Ce jour-là, Baruch Goldstein entre dans une mosquée d’Hébron. C’est un juif extrémiste et un ancien militaire. Il est armé d’un fusil-mitrailleur. Les rafales se succèdent. Vingt-neuf musulmans sont tués, et plus d’une centaine sont blessés. L’homme perd la vie dans l’opération. Quelques jours plus tard, le rabbin Dov Lior prononce l’homélie funèbre. Un éloge :  » Goldstein est plus saint que tous les martyrs de la Shoah « , ose-t-il. Plusieurs centaines de juifs écoutent religieusement les propos. Parmi eux, un certain Yigal Amir. Un inconnu de 23 ans. Qui, ce jour-là, prend une décision :  » au nom de Dieu « , il poursuivra la lutte de Goldstein contre les accords de paix. Et tuera Rabin.

Il ne faut que quelques instants pour identifier et arrêter Amir. Dans la foulée, l’homme est condamné à la perpétuité. Aujourd’hui, il est toujours en prison. Mais on apprenait récemment qu’une équipe d’avocats planchait sur une demande de révision. Surfant sur la vague des thèses conspirationnistes, ils espèrent convaincre la justice que  » rien ne prouverait que les balles d’Amir aient effectivement tué Rabin « …

L’initiative, qui a provoqué une vague de contestation, n’a aucune chance d’aboutir. Elle ne déstabilise en tout cas pas ceux qui, chaque année, défilent à Tel-Aviv pour saluer la mémoire du prix Nobel de la paix. Leur lieu de rassemblement : la place des Rois d’Israël. Aujourd’hui rebaptisée place Rabin.

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