Dans la ville espagnole de Valence, la majorité des habitations dispose de la climatisation. © Getty Images

«Installer sa propre climatisation est de toute façon une idée égoïste»

Jeroen De Preter Rédacteur Knack

Trains supprimés, routes fissurées et stress thermique: les températures extrêmes de ces derniers jours ont mis en évidence que la Belgique est encore loin d’être adaptée à «la nouvelle normalité». Peut-on s’inspirer des pays où la chaleur a toujours été la norme? Et ces solutions sont-elles durables? L’avenir est-il dans la climatisation?

Selon un rapport publié l’an dernier dans la revue Nature Medicine, environ 47.000 Européens sont morts en 2023 –l’année la plus chaude depuis le début des relevés– des suites des températures élevées. Le rapport indique qu’ils auraient pu être bien plus nombreux si l’Europe n’avait pas pris, au cours des vingt dernières années, des mesures pour s’adapter aux effets de plus en plus fréquents des vagues de chaleur.

De ce point de vue, certains pays comme l’Espagne ont, pour des raisons évidentes, déjà une longueur d’avance. Ainsi, dans une ville souvent écrasée par la chaleur comme Valence, environ 66% des logements seraient équipés de la climatisation. Faut-il suivre cet exemple? Niels Souverijns, climatologue à l’Institut flamand de recherche technologique (Vito), émet des réserves.

«Installer sa propre climatisation est de toute façon une idée égoïste, affirme-t-il. Seules les personnes qui en ont les moyens en tirent parti, tandis que les autres en subissent les effets pervers. Là où je travaille, la clim’ est actuellement en marche. C’est bien sûr très agréable, mais la chaleur résiduelle qu’elle rejette fait grimper la température chez mes voisins, qui ne l’ont pas. C’est particulièrement perceptible en ville, où cette chaleur a tendance à stagner. Les climatiseurs, à l’instar des voitures, contribuent à ce qu’on appelle la « chaleur anthropique« . Cela fait partie de l’effet d’îlot de chaleur urbain, qui explique pourquoi il fait plusieurs degrés de plus en ville qu’à la campagne

Les climatiseurs aggravent-ils le problème plus qu’ils ne le résolvent?

Niels Souverijns: Pas nécessairement. Nous avons collaboré avec le Vito à un projet à Barcelone visant à équiper un maximum d’espaces publics de la climatisation. L’objectif était que chacun puisse trouver un tel endroit à moins de dix minutes de marche. Si l’on installe ce système dans des lieux accessibles à tous, il peut effectivement constituer une solution. Pensez aussi aux maisons de repos. Dans ce type d’établissement, le refroidissement de l’air est tout simplement indispensable pour protéger les personnes vulnérables.

En raison de la chaleur, la SNCB a réduit son offre. L’une des raisons avancées est que tous les trains ne sont pas équipés de la climatisation. Résultat: c’est justement le moyen de transport le plus respectueux du climat qui devient moins attractif lors des fortes chaleurs.

Ce faisant, on pousse évidemment encore davantage les gens vers la voiture. Donc en effet, le train me semble aussi être un espace public où la climatisation est une nécessité. Si l’on veut que les gens délaissent la voiture, il faut rendre le train aussi confortable que possible.

«C’est une règle de base toute simple: pour lutter contre la chaleur, il faut empêcher le soleil d’entrer.»

Les pays du sud peuvent peut-être aussi nous inspirer par leur architecture. Les logements y présentent souvent des murs épais et rarement de grandes fenêtres.

C’est une règle de base toute simple: pour lutter contre la chaleur, il faut empêcher le soleil d’entrer. Malheureusement, ces dernières décennies, les architectes ont fait à peu près l’inverse de ce qu’il fallait faire. Les bâtiments les plus récents sont presque tous des temples de verre. Le résultat est certes esthétique sur le plan architectural, mais la question thermique semble avoir été totalement négligée. Bien sûr, on pourrait démolir tous ces bâtiments, mais cela me semble être une mesure assez radicale.

Heureusement, bien d’autres idées restent envisageables. La plus évidente étant la désimperméabilisation. Moins le béton est présent, plus la fraîcheur peut s’installer. Il faut aussi prévoir un maximum d’ombre, de préférence en plantant des arbres à grande échelle. Ces deux mesures présentent également l’avantage d’être des solutions relativement simples et peu coûteuses.

Mais la plus rentable reste un système d’alerte performant. C’est la leçon tirée de la dramatique vague de chaleur en France, il y a 22 ans, qui a coûté la vie à des milliers de personnes, principalement âgées. Informer la population, et veiller surtout à ce que cette information atteigne les plus vulnérables.

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