L’odeur de soufre des climatosceptiques américains a gagné l’Europe. © BELGA

Think thanks, lobbys industriels, extrême droite: ces forces multiples qui veulent la peau de l’écologie

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Dans un ouvrage collectif, scientifiques, activistes et journalistes expliquent comment un backlash structurel fut organisé depuis les Etats-Unis pour renverser la cause écologique.

Il eut un moment, assez long, où la préoccupation pour le climat et l’environnement, poussée par des mobilisations citoyennes d’ampleur, eut le vent en poupe. Les jeunes descendaient en grand nombre dans la rue, les politiques les entendaient, et quand Ursula von der Leyen a présenté le «pacte vert pour l’Europe», la présidente de la Commission affirma que c’était pour répondre à une demande des citoyens. La cause verte a résisté au Covid –qui a néanmoins amplifié le repli sur soi– et même à l’invasion russe de l’Ukraine et ses conséquences sur le marché des énergies fossiles. On savait que la transition ne se ferait pas sans peine, mais on l’acceptait vu les enjeux. Puis a sonné l’heure de la revanche…

«Il n’y a pas d’aménagement écologique possible fondé sur la croissance.»

L’odeur de soufre venait des Etats-Unis où le climatoscepticisme des républicains a contaminé l’Amérique latine, dont le Brésil de Jair Bolsonaro, et l’Europe de la droite radicale ou extrême. Green-Backlash (1) analyse pointilleusement les mécanismes et les méthodes de cette contre-offensive orchestrée par des acteurs économiques sans scrupules, par des think tanks, des agences de relations publiques, des lobbys industriels défendant des intérêts privés qui devenaient le discours des pouvoirs publics. Leur seul objectif: stopper la vague verte, en la salissant et la ridiculisant, en dénigrant les scientifiques du climat, en poussant la rhétorique de l’écologie punitive, en utilisant l’arme numérique pour provoquer des contrecoups antiécologiques. Avec des slogans à l’emporte-pièce repris de manière irréfléchie: «On n’arrête pas le progrès», «L’écologie, c’est pour les bobos», «Le bio ne nourrira pas le monde»…

La démonstration collective de ce livre est édifiante. Pas sûr, néanmoins, qu’elle convaincra les détracteurs du discours écologique. D’autant que, dans son introduction, les auteurs qui ont dirigé l’ouvrage affirment qu’il «n’y a pas d’aménagement écologique possible du système actuel intrinsèquement fondé sur la croissance». Pour eux, l’écologisation est un processus révolutionnaire vers une société radicalement autre que l’actuelle et le green-backlash est «la réaction de groupes d’intérêts financiers et technologiques qui refusent les logiques redistributives qu’impliquerait une transition réelle». A méditer pendant la COP30 de Belém…

(1) Green-Backlash. Qui veut la peau de l’écologie?, sous la direction de Laure Teulières, Steve Hagimont, Jean-Michel Hupé, Seuil, 320 p.

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