Les feuilles mortes jonchent les sols belges, comme si c’était déjà l’automne… alors que l’été n’est même pas terminé. Si le phénomène n’est pas inédit, il n’est pas une norme non plus, mais pourrait le devenir en raison du réchauffement climatique. Avec pour conséquence de menacer les massifs forestiers.
Sous les chênes, des glands par dizaines. Sous les châtaigniers, une poignée de bogues recouvre le sol. Quelques pas dans une ville arborée ou en forêt suffisent à dresser un surprenant constat: le mois d’août entame à peine sa deuxième moitié, l’été n’a pas encore tiré sa révérence, pourtant des feuilles mortes parsèment déjà le sol.
Après une seconde vague de chaleur et des températures qui ont atteint les 34°C, la semaine passée, l’automne est-il déjà aux portes de la Belgique? «C’est encore un peu tôt pour parler objectivement d’un automne précoce, répond Nicolas Yernaux, porte-parole du Service Public de Wallonie. D’après les biologistes, les premiers éléments tendent même plutôt à démontrer que l’on est dans une année normale, voire qu’on s’attend à un automne tardif.»
Simon Lhoest, enseignant-chercheur en gestion forestière à Gembloux Agro-Bio Tech (Université de Liège), abonde: il n’est pas question de parler d’automne précoce. Toutefois, les conditions météorologiques ont fait subir cet été un stress marqué aux arbres. «Cette année, il s’agit probablement plutôt d’un stress thermique que d’un stress hydrique, indique l’expert. Juillet 2025 a été plus chaud que la moyenne en Belgique, avec une moyenne de températures pour le mois dépassant la normale de saison d’environ 1,4°C.»
Une menace pour nos forêts
D’après l’expert, la forte variabilité des températures et des précipitations pendant tout l’été oblige les arbres à s’adapter en permanence, notamment par un mécanisme de défoliation (chute de feuilles) ou en laissant tomber des fruits de manière précoce. «Ce phénomène n’est pas exceptionnel, mais il n’est pas non plus la norme. C’est une réaction des arbres pour survivre à des étés chauds et secs, que nous connaissons, note Simon Lhoest. Ces épisodes sont plus fréquents depuis quelques décennies, et le resteront avec le réchauffement climatique.»
A court terme, pas de quoi s’alarmer, rassure l’enseignant-chercheur. Les mécanismes de défense des arbres leur permettent de survivre à des épisodes climatiques difficiles. Cependant, à long terme, ces stress répétés peuvent les «affaiblir, les rendre plus sensibles aux maladies et menacer certains massifs forestiers». «C’est donc un signal à prendre au sérieux, car il reflète la vulnérabilité croissante de nos forêts face au climat qui change», conclut-il.
Pour faire face aux changements climatiques et aux sécheresses plus fréquentes, la Société Royale Forestière de Belgique (SRFB) travaille sur plusieurs projets d’adaptation des forêts. Elle réfléchit notamment à une manière d’adapter leur composition en travaillant avec des essences plus résistantes aux conditions sèches, comme des arbres provenant du sud et de l’est de l’Europe. C’est ce qu’on appelle la migration assistée.
Pourquoi les feuilles jaunissent-elles et tombent ensuite des arbres?
«La circulation de la sève du sol vers les feuilles est assurée par l’évaporation de l’eau au niveau des pores des feuilles appelés stomates. Cette évaporation provoque une dépression dans les vaisseaux des nervures des feuilles. Dépression transmise aux vaisseaux des rameaux, des branches, du tronc et enfin des racines, explique Nicolas Dassonville, responsable formation, recherche et développement au sein de la Société Royale Forestière de Belgique. Les feuilles absorbent l’eau comme on le fait avec une paille dans un verre. Si l’eau vient à manquer dans le sol et que les feuilles continuent de transpirer, les feuilles aspirent «à vide» et des bulles d’air peuvent se former dans les vaisseaux. C’est ce qu’on appelle une embolie gazeuse. Celle-ci rend le vaisseau inutilisable par la suite. Si l’embolie touche une portion importante des vaisseaux d’une branche, elle peut mourir. Pour se protéger de ce phénomène, les arbres peuvent fermer leurs stomates, limitant l’évaporation mais empêchant aussi le dioxyde de carbone d’entrer dans les feuilles. Celles-ci arrêtent alors de faire la photosynthèse (la transformation du CO2 et de l’eau en sucre grâce à l’énergie de la lumière). Elle se prive d’une source d’énergie, ce qui ne peut durer qu’un temps. Si cela se prolonge, plutôt que de mourir de soif (embolie), l’arbre meurt littéralement de faim par l’épuisement de ses réserves de sucre.»