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Dès le 1er octobre, les futurs indépendants ne devront plus démontrer la maîtrise de compétences de gestion de base pour lancer leur activité. La fédération de la construction Embuild Wallonie alerte sur un risque accru de faillites. © Getty Images

«Un danger pour le monde entrepreneurial»: un changement majeur pour les indépendants wallons dès ce 1er octobre

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

A partir du 1er octobre, les futurs indépendants wallons ne devront plus prouver de compétences de gestion de base pour lancer leur activité. Une décision qui inquiète plusieurs fédérations, qui craignent une explosion des faillites.

Efficacité et simplification. Deux termes que la coalition Azur répète à l’envi depuis son accession au pouvoir. Fidèle à son mantra, le gouvernement wallon a décidé de l’appliquer au monde entrepreneurial, afin de «favoriser un environnement plus propice à l’innovation». L’exécutif a ainsi décidé de supprimer l’obligation de compétences de gestion de base pour lancer une activité indépendante et, ce, à compter du 1er octobre.

Jusqu’à présent, les futurs entrepreneurs devaient démontrer des connaissances en comptabilité, droit ou gestion commerciale, via un diplôme, une expérience professionnelle ou la réussite d’un examen devant le jury central pour débuter. Une législation jugée «obsolète» par le gouvernement, qui a acté sa décision au début de l’été. La Wallonie emboîte ainsi le pas à la Flandre et à Bruxelles, qui ont aboli cette obligation respectivement en 2019 et 2024. L’accès à certains métiers réglementés, tels que la restauration, la boulangerie-pâtisserie ou encore la construction, reste toutefois conditionné à la maîtrise des compétences professionnelles de base.

«Devenir indépendant, ça ne s’improvise pas»

Si elle vise à «booster la création d’entreprises et d’emplois», la décision wallonne est loin de faire l’unanimité dans le monde entrepreneurial. L’Union des Classes Moyennes (UCM) l’accueille d’ailleurs de manière «mitigée». «Cette suppression a le mérite d’uniformiser l’accès au statut d’indépendant dans les trois régions du pays, reconnaît le porte-parole, Antonio Solimando. Globalement, nous saluons d’ailleurs toujours la levée des barrières administratives qui freinent les activités indépendantes.»

Reste qu’une suppression pure et simple de l’obligation représente «un danger pour le monde entrepreneurial et, plus largement, pour notre économie», alerte l’UCM. «Devenir indépendant, ça ne s’improvise pas (…), insiste Antonio Solimando. Gérer une entreprise demandera toujours des compétences spécifiques et celui qui n’est pas assez prêt s’expose plus rapidement à un risque de faillite.»

Un constat partagé par la fédération de la construction Embuild Wallonie, qui estime que la suppression des exigences minimales en gestion ne renforce pas l’entrepreneuriat, mais l’expose au contraire à une «précarité accrue». «On peut être un excellent maçon mais un mauvais gestionnaire d’entreprise, illustre le directeur général, Hugues Kempeneers. Comprendre ce qu’est la TVA ou apprendre à gérer des liquidités constitue un filet de sécurité indispensable pour s’en sortir, or, ce sont des compétences qui sont loin d’être innées.»

Un accompagnement renforcé

Des acquis d’autant plus cruciaux que la marge bénéficiaire nette des indépendants reste parfois limitée. «En construction, cette marge est estimée à 3,31%, insiste Hugues Kempeneers. Il suffit de faire une petite erreur de comptabilité pour mettre en péril la survie de l’entreprise.» Inquiète, la fédération avait appelé l’exécutif à revoir sa copie au début de l’été, voire à proposer l’introduction d’une exception sectorielle pour la construction. En vain, puisque le projet de décret a été voté la semaine dernière au parlement.

«On peut être un excellent maçon mais un mauvais gestionnaire d’entreprise.»

Pour limiter les effets de la mesure, Embuild Wallonie et l’UCM plaident dès lors pour un accompagnement renforcé des futurs entrepreneurs, notamment via des formations facilement accessibles. «Si, légalement, la vérification de ces compétences de gestion va disparaître, elles resteront essentielles sur le terrain, insiste Antonio Solimando. Il est impératif de ne pas lâcher les entrepreneurs dans la nature sans préparation adéquate.»

De son côté, le gouvernement estime que l’obligation n’avait que des «effets limités» sur la prévention des faillites. Il prend pour exemple les résultats positifs des Pays-Bas, où les connaissances de gestion de base ont été supprimées dès 2001. «Le nombre de créations d’entreprises y a fortement augmenté, en particulier chez les jeunes et les personnes issues de milieux défavorisés», assure l’exécutif.

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