Aucun pays de l’OCDE n’a de tels niveaux de taxation du travail. Pour y remédier, la seule solution viable consisterait en une baisse de la dépense publique.
Fin avril, l’OCDE a publié son rapport annuel sur les impôts et, comme chaque année, la Belgique reste championne du monde de la taxation du travail. En effet, le coin salarial, qui mesure la différence entre le coût total du travail pour un employeur et le salaire net perçu par l’employé, atteint un niveau record. Par exemple, 52,6% pour un travailleur célibataire sans enfant, et 44,8% pour un couple avec deux revenus et deux enfants. Aucun pays de l’OCDE n’a de tels niveaux de taxation du travail. En comparaison, les couples français et allemands avec deux revenus ont un coin salarial de 41% et 40,9% soit 4% de moins que leurs homologues belges. Notre pays ne perd sa première place que dans le cas d’une famille avec un revenu et plusieurs enfants.
Les conséquences d’une telle taxation sont multiples. Tout d’abord, elle induit une perte de pouvoir d’achat pour les actifs dont le revenu principal est le travail. Cet effet négatif est partiellement compensé par le mécanisme d’indexation automatique et aussi par le fait que les négociations salariales se font généralement sur le salaire net. Par ailleurs, cette fiscalité favorise la substitution du capital au travail. Ensuite, elle incite à une migration de la force de travail, notamment la plus jeune et la plus qualifiée. Elle stimule également l’économie informelle qui représente environ 16,8% de l’activité en Belgique, entraînant un manque à gagner fiscal pour l’Etat ainsi qu’une perte d’activité formelle. Enfin, cette taxation renchérit le coût du travail. Plus le coin salarial est élevé, moins les entreprises sont enclines à recruter, en particulier celles exposées à une concurrence internationale. Les autres répercutent ces hausses sur leurs prix de vente générant ainsi de l’inflation.
L’augmentation du taux d’activité est donc quasiment impossible sans une réduction de la fiscalité du travail. Malheureusement, le niveau de la dette publique ne le permet pas sans des compensations, notamment sur la taxation du capital (tax shift). Toutefois, les marges sont faibles, car la Belgique fait aussi partie des trois pays de l’OCDE les plus taxés sur le capital. D’autres transferts de taxation sont envisageables, comme une augmentation de la TVA (appelée TVA sociale) ou une taxation des ultrariches (taxe Zucman). Néanmoins, leurs effets sont difficiles à quantifier pour une petite économie ouverte comme la Belgique en l’absence de coordination internationale. De plus, les baisses induites de ces politiques sur la taxation du travail resteraient limitées.
La mobilisation des ressources pour alléger la fiscalité du travail se révèle donc complexe et plus symbolique qu’efficace. La seule solution réellement viable consisterait à une baisse de la dépense publique, qui offre des marges importantes (elle représente 54,5% du PIB en 2024). Toutefois, une telle stratégie nécessite en amont une communication appropriée et, surtout, des preuves tangibles que ces réductions se traduiront par une baisse de la fiscalité du travail. Faute de quoi, la population pourrait refuser d’y souscrire et la ressentir comme une double punition (plus d’impôts et moins de dépenses).