Le compte épargne bientôt taxé? En cas de condamnation par la CJUE, la Belgique devra proposer une solution budgétairement neutre. © POOL UNION EUROPEENNE / AGENCE HANS LUCAS

Pourquoi la fin de l’exonération fiscale du compte épargne approche à grands pas

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

Après de multiples avertissements, la Belgique se retrouve finalement devant la Cour de justice européenne pour sa politique d’exonération fiscale en matière de dépôts d’épargne. L’Arizona promet une solution «budgétairement neutre» en cas de condamnation. Sans toutefois l’anticiper activement.

 

En matière d’épargne, cela fait des années que la Belgique est dans le viseur de la Commission européenne, qui voit d’un mauvais œil la politique fiscale consistant à exonérer les dépôts (jusque 1.020 euros par personne cette année, le double pour les époux et cohabitants légaux). Ce qui fausse, selon elle, l’accès au marché bancaire belge à des prestataires de services établis dans d’autres Etats. Une politique également discriminatoire pour les contribuables belges, ajoute d’ailleurs la Commission, puisque ceux-ci ne bénéficient de facto de l’exonération que pour les revenus provenant de dépôts d’épargne effectués auprès d’établissements de crédit belges.

Juridiquement, les jeux sont (quasi) faits

Souvent agitée, jamais appliquée, l’offensive juridique est cette fois devenue réalité. Après plusieurs avertissements, reports et tergiversations au gré de réformes fiscales avortées, la Commission européenne a donc finalement introduit un recours contre l’Etat belge devant la CJUE, mettant à exécution une annonce remontant à l’été 2024.

Pourtant, ce recours n’a été formellement introduit qu’en avril dernier –rendu public au Journal officiel fin mai. Sans doute parce que les négociations pour former un gouvernement fédéral ont pris un certain temps, alors même que deux propositions de lois censées remédier au problème étaient mises sur la table. Mais celles-ci ont été jugées tantôt alambiquées par le Conseil d’Etat, tantôt imparfaites, voire ne répondant pas aux préoccupations de la Commission, selon la FSMA, le gendarme boursier belge, sollicité fin 2024 pour rendre un avis.

Les banques aussi font de la résistance, craignant qu’on touche ainsi à l’avantage du compte épargne, si peu rentable soit-il, mais qui demeure, pour elles, un solide véhicule de financement. C’est l’éléphant au milieu de la pièce: la crainte que l’épargnant se tourne vers d’autres produits financiers si l’exonération est, d’une façon ou d’une autre, levée.

Mais, sans ajustement de sa législation, la Belgique se dirige-t-elle nécessairement vers une condamnation devant la CJUE? C’est probable, sinon certain, car la Cour a déjà répondu à une question préjudicielle dans une ordonnance de mars 2023, confirmant sa position juridique sur l’incompatibilité de la législation belge avec la libre prestation des services dans l’espace européen. Ce qui avait conduit, dès juillet 2023, la Commission à transmettre un avis motivé à la Belgique, s’appuyant tant sur la jurisprudence de la Cour de justice européenne que sur celle de la Cour de cassation belge.

Attentiste Arizona

Malgré les fortes chances de condamnation (à politique inchangée), l’Arizona se montre particulièrement attentiste sur le sujet. Dans son accord de majorité, la coalition fédérale indique simplement que «le ministre des Finances fera, en cas de condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne, dans un délai de trois mois, une proposition au gouvernement pour une solution budgétairement neutre concernant le régime d’exonération des revenus provenant des dépôts d’épargne, dans laquelle les réductions et exonérations fiscales en vigueur seront harmonisées, offrant ainsi plus de liberté au contribuable.»

De quoi imaginer que le gouvernement planche sur ces solutions «d’harmonisation», vu le risque de condamnation par la CJUE. Réponse du cabinet du ministre des Finances Jan Jambon (N-VA): «Aucune proposition n’est encore soumise à discussion, mais nous respecterons l’accord de gouvernement et, en cas de condamnation, nous élaborerons une solution budgétairement neutre.»

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