Transport aérien: la Pologne, à la tête du Conseil européen depuis le 1er janvier, en a fait une «priorité de son programme»: revoir les règles d’indemnisation des passagers en cas de retard ou d’annulation de leur vol. Une réforme qui pourrait tout changer. © imageBROKER/Jochen Tack

Vols retardés ou annulés: vers une baisse des indemnisations pour les passagers

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

La Pologne, à la tête du Conseil européen depuis le 1er janvier, en a fait une «priorité de son programme»: revoir les règles d’indemnisation des passagers en cas de retard ou d’annulation de leur vol. Une réforme qui pourrait tout changer.

L’Europe va-t-elle vraiment réduire les droits des passagers? Depuis le 1er janvier, la Pologne, qui préside le Conseil européen (qui représente les Etats membres), a fait de la révision du règlement européen «EU 261» une «priorité de son programme». Elle espère aboutir «d’ici juin».

La réforme est en suspens depuis 2013, faute de compromis entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil européen. Mais les négociations, discrètes, s’accélèrent sous la pression des compagnies aériennes, dont Air France-KLM, Lufthansa, Ryanair, easyJet ou Volotea, qui se plaignent de la hausse exponentielle des indemnités versées. Selon une étude de la Commission européenne datant de 2020, le montant total des compensations liées aux annulations ou aux retards de vol dépasse trois milliards d’euros par an.

Aujourd’hui, les compagnies aériennes doivent indemniser les passagers dès qu’un vol est en retard de trois heures, sauf cas de force majeure. La compensation s’élève à 250 euros pour un trajet de moins de 1.500 kilomètres ou moins, à 400 euros pour un vol de 1.500 kilomètres à 3.000 kilomètres à l’intérieur de l’Union, et à 600 euros pour les liaisons hors Union de plus de 3.500 kilomètres. Dans leurs travaux préliminaires, la Commission et le Parlement souhaitent relever le seuil de compensation à cinq heures, mais aussi allonger les distances de vol ouvrant à un remboursement.

Concrètement, la Commission propose un dédommagement de 250 euros pour les vols de moins de 3.500 kilomètres. Elle passe ensuite à 400 euros pour un retard de neuf heures pour un trajet supérieur à 3.500 kilomètres dans ou hors de l’UE. Elle grimpe enfin à 600 euros après un retard de douze heures pour les vols long-courriers (plus de 6.000 kilomètres).

Le Parlement européen, guère plus charitable, propose, à partir d’un retard de cinq heures, une compensation de 300 euros pour les vols de 2.500 kilomètres ou moins, de 400 euros pour les trajets entre 2.500 kilomètres et 6.000 kilomètres, et de 600 euros pour les vols de plus de 6.000 kilomètres.

«Cette modification reviendrait à priver 75% des passagers éligibles à une indemnisation.»

Une proposition jugée inacceptable par le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), qui fédère 43 associations issues de 31 pays européens (UE, EEE et pays candidats). D’après ses estimations publiées le 14 mai dans une lettre adressée aux Etats membres, «cette modification reviendrait à priver 75% des passagers éligibles à une indemnisation». De fait, la plupart des retards sont compris entre trois et cinq heures. Et alors que seul un passager sur trois ayant droit à une indemnisation la reçoit effectivement, tant la procédure est longue, fastidieuse et inefficace.

En plus d’une extension du seuil de compensation de trois à cinq heures, il est question de dresser «une liste non exhaustive des « circonstances exceptionnelles »» c’est-à-dire un événement dont l’origine est externe et qui échappe à son contrôle, exonérant les compagnies de toute indemnisation. Toujours, selon le BEUC, cette liste, peu claire jusqu’ici et sujette à interprétation, devrait s’aligner sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). A l’opposé, les compagnies aériennes estiment que la cour et les tribunaux nationaux de l’UE statuent souvent en faveur des passagers. Ainsi, aux yeux de la CJUE, les grèves du personnel aérien ne constituent pas une circonstance exceptionnelle. Le Conseil, sous la pression des compagnies, s’écarte de ce point de vue et les grèves, de plus en plus nombreuses, pourraient être intégrées aux circonstances exceptionnelles

Les discussions finales pour aboutir à un compromis se tiendront le 5 juin 2025, lors d’une réunion des ministres en charge des transports, à Bruxelles. Le Parlement européen prévoit d’adopter le texte en séance plénière à Strasbourg, sans qu’une date ait été fixée.

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