robo-advisors
© Getty Images

Robo-advisors, le joker inattendu pour adoucir la taxe sur les plus-values: «Ces outils vont devenir dominants»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Les robo-advisors, ou robots conseillers, promettent de rendre l’investissement plus accessible: ils réduisent les frais, répliquent les fonds indiciels à la perfection, ou adoucissent l’effet de certaines taxes. Ces outils émergents ne sont pas sans risque, mais pourraient rapidement devenir dominants dans la gestion patrimoniale. Et éjecter du ring financier les courtiers traditionnels.  

Les robo-advisors vont-ils prendre les commandes de l’investissement boursier? La tendance séduit en tout cas des investisseurs toujours plus nombreux, lassés des faibles rendements proposés par l’épargne classique.

En Belgique, les plateformes numériques qui proposent ces investissements automatisés se multiplient. C’est le cas de Curvo, par exemple, qui promet de protéger l’épargne de l’inflation, mais aussi d’éviter les complexités du monde financier traditionnel. Le modèle veut séduire par sa simplicité: il assure la prise en charge des aspects fiscaux (TOB, taxe Reynders) et garantit une gestion sécurisée. Les frais d’utilisation (entre 1% et 0,6%) sont quant à eux dégressifs selon les montants investis, sans pénalité de retrait.

Robo-advisors: moins de coûts, mais moins de flexibilité

«Les robo-advisors sont des algorithmes automatiques dédiés à la gestions d’actifs, définit Bertrand Candelon, professeur de finance à l’UCLouvain. Ils obéissent à des modèles mathématiques et réduisent fortement les décisions individuelles. Quelque part, poursuit-il, c’est une façon plus neutre d’investir.» L’une des contraintes, pour l’expert, réside dans le fait que ces modèles «réduisent la flexibilité, et empêchent de flairer le bon coup».

Dans les avantages notoires, l’aspect automatique et passif du robo-advisor permet un respect scrupuleux du modèle choisi. «On définit son risque, et le robot l’applique à la lettre.» Avec, et c’est important, des coûts bien moindres en comparaison avec un courtier ou conseiller classique. «Il y a un clair avantage en termes de frais, mais aussi d’inclusion, confirme Bertrand Candelon, dans le sens où un novice en finance aura accès au même outil qu’un fin connaisseur.»

«Les robots conseillers facilitent l’accès à l’investissement en Bourse, corrobore Corentin Scavée, co-fondateur de la start-up bruxelloise Easyvest. S’il existe de nombreuses formes de robots conseillers, ceux utilisés derrière les trackers aident considérablement à faire baisser les frais», assure-t-il.

Robo-advisors: répliquer les ETF, amplifier les chocs

Les robo-advisors –c’est l’une de leurs spécialités– tentent de répliquer au mieux les ETF (Exchange Traded Funds, ces fonds indiciels cotés). «Ils permettent d’aller très vite dans la réplication systématique de l’indice», souligne Bertrand Candelon. Et s’adressent donc aux personnes qui ne veulent pas consacrer beaucoup de temps  et d’énergie à leurs investissements. Le professeur met toutefois en garde. «Il faut d’abord s’éduquer et comprendre comment fonctionnent ces modèles avant de se lancer.»

D’autant plus que les robo-advisors, dans un contexte géopolitique et économique perturbé, peuvent amplifier un choc. Ils réagissent à la nanoseconde. «On est dans l’immédiateté pure et dure. Alors qu’un humain aura toujours besoin d’un peu de temps pour réagir. Cet élément peut amplifier les chutes et la contagion en cas de crise, mais, à l’inverse, aussi augmenter la rentabilité lorsque tout est stable.»

Systématiser l’investissement

Là où l’écrasante majorité des robots conseillers automatisent tout de A à Z, Easyvest a opté pour un modèle hybride. «On essaie de prendre tous les bons côtés de la digitalisation, en automatisant tout ce qui peut l’être. Cela permet de mettre les émotions de côté, et de systématiser l’investissement. Mais on maintient également un service humain pour la planification, ainsi que pour prévenir les réactions émotionnelles lorsque les marchés sont fortement volatiles», explique Corentin Scavée.

Qu’on y adhère ou non, les robots conseillers s’inscrivent inévitablement dans l’évolution technologique globale du monde de la finance. A l’instar des fintechs, ces banques en ligne qui bousculent sérieusement les banques traditionnelles. «Tout cela fait des nouvelles technologies émergentes. Elles enlèvent un peu la « beauté » de la gestion, mais c’est une évolution logique.» Les robots «vont de plus en plus devenir la norme, prédit Bertrand Candelon, et se positionner comme un acteur central dans la gestion patrimoniale.»

Robo-advisors: le Belge prêt pour un changement?

Le public belge, réputé comme peu mobile et très conservateur pour son épargne, est-il prêt pour la bascule? «Il a besoin d’éducation financière en premier lieu, insiste l’économiste. Déléguer sa gestion à un robot peut paraître très simple, mais cela comporte quand même un risque.» D’autant plus que la concurrence est de plus en plus féroce. «Il y a donc aussi un intérêt pour les gens à comprendre comment le robot agit.»

Le co-fondateur d’Easyvest constate un réel changement des mentalités. «Les solutions d’investissement très sécurisées privilégiées par les Belges –obligations d’Etat, comptes à terme, etc.– déçoivent de par leur faible rendement. De plus en plus de personnes s’orientent vers des placements plus risqués, mais aussi plus rentables.»

Et la transparence, dans tout ça? «On s’assure que le client, au départ, dispose de connaissances de base, explique Corentin Scavée. Dans le cas contraire, une étape éducative est nécessaire, via des webinaires et une simulation complète (composition du portefeuille, risques, rendements, scénarios) que le client peut consulter.»

De quoi faire valser le conseiller individuel traditionnel? Les SICAV (Société d’Investissement à Capital Variable) sont aujourd’hui majoritairement plébiscitées. «Le courtier qui gère de ligne à ligne est une approche qui tend donc à disparaître, observe Corentin Scavée. Et la récente taxe sur les plus-values va donner un coup de massue final à ce mode de gestion.»

Adoucir la taxe sur les plus-values

Personne ne pourra éviter la nouvelle taxe sur les plus-values, «mais la gestion active d’un portefeuille de ligne à ligne implique des arbitrages plus fréquents, analyse le co-fondateur d’Easyvest, et génère de manière plus régulière la taxe prélevée. Tous les arbitrages ne sont pas heureux, certaines pertes ne pourront pas être compensées.» A l’inverse, au sein d’un fonds d’investissement, «les gains et les pertes se compensent. Seule la somme nette est soumise à la taxation.» Ce qui réduit de facto le montant total imposé.

Les robots conseillers travaillent précisément à la réduction des coûts: frais de gestion et poids de la fiscalité. «On y reste soumis, mais l’approche peut adoucir l’effet de la taxe. C’est également valable pour la taxe sur les transactions (TOB).»

Et donc, en cas d’utilisation plus répandue des robo-advisors, la recette de la taxe sur les plus-values pourrait bien être inférieure à l’objectif escompté par l’Arizona. «Ces outils vont de toute façon prendre de l’ampleur. Aux Etats-Unis et au Canada, les robots conseillers sont déjà devenus des modèles dominants au niveau de la gestion du patrimoine, et amenés à remplacer les conseillers personnels.»

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire