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Payer avec la rétine pourrait bientôt devenir une réalité. © Getty Images

Rétine, puce, NFT… Les 6 moyens de paiement de demain: «La carte bancaire va disparaître plus vite qu’on ne le pense» 

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Fintechs, paiements décentralisés, monnaie digitale: face aux évolutions technologiques fulgurantes, à moindres frais pour les consommateurs, le secteur bancaire traditionnel est forcé de se réinventer. Le choix est simple: suivre la cadence, ou voir son modèle mourir.

Les nouveaux moyens de paiement pullulent à travers le monde à vitesse grand V. Stablecoins et autres NFT (voir plus bas) laissent entrevoir un nouveau monde, celui où le (coûteux) rôle intermédiaire de l’institution bancaire tend à disparaître. Ces nouvelles technologies ont un point commun: elles sont pour la plupart décentralisées et se réalisent d’individu à individu.

«Les cartes bancaires vont disparaître, et plus vite qu’on ne le pense.»

Le secteur bancaire traditionnel en danger

Face aux fintechs, ces banques en ligne qui proposent à moindres frais de meilleurs taux d’épargne et des services novateurs, «le secteur bancaire traditionnel est en grand danger», confirme Bertrand Candelon, professeur de finance à l’UCLouvain. Pour lui, c’est une certitude, «les cartes bancaires vont disparaître, et plus vite qu’on ne le pense. En Asie, elles n’existent déjà plus. Absolument tout le monde paie avec son smartphone ou sa montre connectée.»

L’Europe, si elle accuse un certain retard, est toutefois un terrain d’expérimentation pour des nouvelles technologies qui semblent tout droit sorties de la série dystopique Black Mirror. «En Suède, la mode, depuis déjà quelques années, est de s’implanter une puce sous la peau pour réaliser ses paiements. Cela permet d’éviter les vols de carte. Plus besoin, non plus, de vérification d’identité», décrit Bertrand Candelon. L’implant dépasse le simple usage financier, puisqu’il permet en théorie d’y lier ses tickets d’entrée à un concert, son billet de train, sa mutuelle, ou de badger sur son lieu de travail… Reste encore à voir si la technologie, inventée en 2018, se généralisera.

Outre l’authentification biométrique déjà largement utilisée par les applications bancaires (confirmer un virement avec son empreinte digitale), payer grâce à sa rétine pourrait bien devenir le nouveau moyen de transaction de demain. Exit les codes pin, place à l’identification ultra-personnalisée. Chaque œil étant unique, la méthode permet aussi des paiements plus sécurisés.

Paiements décentralisés

Autour de ces techniques qui pourraient vite devenir monnaie courante à l’avenir, un modèle, celui des paiements décentralisés, semble tirer son épingle du jeu. «C’est-à-dire qu’on ne paierait plus spécialement sur un compte bancaire à proprement parler», précise Bertrand Candelon. L’échange direct, en face to face, avec un client ou un magasin, permettrait d’outrepasser l’étape bancaire.

«Les NFT sont complètement déconnectés de l’économie réelle. Cela peut paraître irréaliste, mais ce sont des nouveaux moyens de paiement de plus en plus utilisés par la jeune génération.»

Les NFT (non-fungible token), par exemple, «sont complètement déconnectés de l’économie réelle», s’étonne l’économiste. Cet actif numérique, enregistré sur une blockchain, représente la propriété d’un objet, qu’il soit numérique ou physique. Contrairement aux cryptomonnaies comme le Bitcoin, les NFT ne sont pas interchangeables, car chacun possède un identifiant unique. Cette unicité leur permet de représenter des objets tels que des œuvres d’art numériques, des objets de collection, des biens immobiliers virtuels et même des actifs physiques. «Tout cela semble irréaliste et difficilement cernable, mais ce sont des nouveaux moyens de paiement de plus en plus utilisés par la jeune génération.»

Lorsqu’on parle de nouveaux moyens de paiement, l’Afrique n’est pas en reste. Au Kenya, par exemple, tout le monde utilise désormais le système de paiement mobile M-PESA. Il permet aux utilisateurs d’envoyer et de recevoir de l’argent, de payer des factures et d’effectuer des achats avec leur téléphone portable, sans compte bancaire. «Ce système s’est énormément développé car en milieu rural reculé, l’accès aux institutions bancaires est limité, pour ne pas dire inexistant», observe Bertrand Candelon. Le système possède son propre réseau (aussi physique, via certains magasins) et facilite même l’accès à d’autres services financiers (prêts, découverts…).

Un compte à la BCE

Au milieu de cette cacophonie technologique, l’Union européenne veut aussi jouer sa partition. Elle a récemment confirmé vouloir lancer sa monnaie digitale, via la Banque centrale (BCE). Il s’agit là d’une forme de CBDC, pour Central Bank Digital Currency. Une monnaie fiduciaire numérique, en somme, émise par la Banque centrale elle-même, et basée sur la technologie blockchain. Elle court-circuite, elle aussi, le rôle des banques privées. En substance, il sera bientôt possible d’ouvrir son compte en banque… directement à la BCE. «C’est une autre manière de sécuriser et décentraliser les échanges», relève le professeur en finance.

Ces nouveaux moyens de paiement ont tous un avantage commun: ils réduisent les coûts. «Actuellement, sur les transferts, les coûts sont encore très importants, surtout lorsque vous payez par carte bancaire à l’étranger», souligne Bertrand Candelon. Ces frais sont ni plus ni moins que le fonds de commerce d’acteurs comme Western Union ou Visa. Pour les cross-country transfer, ces frais s’élèvent encore parfois à 9%. «Au Gabon, par exemple, les envois de fonds de l’étranger (ou remittances) correspondent à 30% du PIB. Cela veut dire, en gros, que Western Union s’accapare 3% du PIB du Gabon», calcule Bertrand Candelon.

La richesse sur un compte bancaire, c’est fini?

Or, les transferts décentralisés diminuent drastiquement les frais. «Des sommes énormes sont en jeu. Dans quelques années, on peut imaginer des paiements uniquement d’individu à individu, avec nettement moins de frais qu’à l’heure actuelle», prédit Bertrand Candelon. Sauf que… les banques vivent de ces frais. «Si votre réserve de richesse ne se trouve plus sur un compte bancaire, mais sur un téléphone ou une pin, c’est tout le modèle des banques traditionnelles qui sera bousculé. En fait, les fintechs mangent le pain des banques traditionnelles.» La réaction de ces dernières, d’ailleurs, est de créer… leur propre fintech. «Elles financent des spin-off pour essayer de garder un peu le contrôle, en suivant le mouvement.»

«Les fintechs augmentent la productivité, l’efficience, mais aussi l’inclusion financière.»

Le secteur bancaire a donc de vrais soucis à se faire. «Les fintechs augmentent la productivité, l’efficience, mais aussi l’inclusion financière». De son côté, l’Europe accuse toujours un retard car avec son mécanisme de paiements traditionnels ultra développé, elle n’avait pas le besoin ni l’urgence de décentraliser. «Désormais, des acteurs comme Visa ou Mastercard vont également devoir se réinventer. Leur business est en train d’être battu en brèche.»

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