Pour les friteries à emporter, en revanche, les boissons – même non alcoolisées – le taux passe de 6 à 12%. © Belgian_Freelance

Pourquoi la baisse de TVA sur les boissons non alcoolisées ne baissera pas leur prix: «On a vu une compression des marges depuis 2020»

Sylvain Anciaux

L’Arizona va baisser la TVA de 12 à 6% sur les boissons non alcoolisées en cas de consommation sur place. Là où certains y voient un incitant pour consommer plus sainement, il s’agit surtout de compenser des années difficiles pour les restaurateurs.

C’était lundi matin, peu après l’annonce du budget pluriannuel de l’Arizona, et Mathieu Léonard, président de la fédération de l’Horeca bruxellois, qualifiait le tableau de bittersweet (doux-amer). Parce que si la TVA passait de 12 à 21% sur les nuits d’hôtel, elle faisait le chemin inverse sur les boissons non alcoolisées. «On souligne la diminution de la TVA sur les boissons sans alcool, ce qui représente 30 à 40% de boissons consommées dans les restaurants, alors que l’ensemble des boissons représente un tiers du chiffre d’affaires.» Est-ce que les prix des sodas et des bières sans alcool diminueront pour autant ? «Chaque restaurateur est libre de faire comme il le veut. Mais il y a trois scénarios possibles: soit le prix sera figé et le restaurateur prendra 9% de marge en plus sur ce produit; soit les prix des boissons non alcoolisées continueront d’augmenter, mais moins vite; soit ça continue d’augmenter comme les autres produits pour augmenter les marges dessus.»

Et donc, aucune baisse de prix n’est envisagée pour le consommateur.

La mesure en elle-même n’était cependant pas spécialement destinée aux consommateurs, mais plutôt à donner une bouffée d’air à un secteur à la peine depuis cinq ans. «2020 a marqué le début des ennuis, avec le Covid et les fermetures, explique Carole Dembour, économiste chez Fevia, la fédération des entreprises alimentaires belges. La reprise a été compliquée avec le dérèglement des filières du transport, de l’emballage et des matières premières. Et puis la guerre en Ukraine a poursuivi ce grand dérèglement, et donné un grand coup de massue sur une industrie alimentaire qui consomme beaucoup de gaz et d’électricité.»

Des prix de vente qui ne reflètent pas ceux du marché

Rien de très neuf jusque là. Mais pour les boissons non alcoolisées comme pour les frites, qui sont soudainement devenues le repas préféré des membres de l’opposition depuis lundi, l’occasion de baisser les coûts s’est déjà présentée ces dernières années. En octobre, après un bon été pour les producteurs de patates, le prix de la pomme de terre était exceptionnellement bas (quinze euros la tonne pour la patate industrielle, 75 euros pour les fraîches), mais le prix du cornet de frites n’avait pas baissé pour autant.

«Vu que la demande s’effrite déjà un peu partout dans l’Horeca, la TVA qui augmente n’est vraiment pas une bonne nouvelle pour le secteur.»

«Entre 2021 et 2023, le prix de la pomme de terre a doublé, mais ce n’était pas le cas de de celui des frites pour autant, souligne Carole Dembour. Depuis, c’est vrai que le prix des pommes de terre a baissé, mais celui des huiles est par exemple plus haut qu’en 2022, lors de l’invasion de l’Ukraine. Le problème, c’est qu’il y a eu une hausse généralisée, mais pas de baisse généralisée

La TVA augmente aussi sur les boissons non alcoolisées à emporter

Revenons à la TVA modifiée en début de semaine par le gouvernement. Quand cette taxe sur la valeur ajoutée est modifiée, induit-elle automatiquement une modification des prix ? Pas vraiment, selon l’économiste. «La marge, c’est ce qu’un restaurateur va compresser en premier avec l’investissement. On a vu une forte compression des marges depuis 2020, et une petite hausse de celles-ci depuis 2023.»

En l’occurrence, et selon les statistiques données par Mathieu Léonard, l’augmentation de la TVA sur plusieurs produits, y compris sur les boissons non alcoolisées (de 6 à 12%) quand elles seront à emporter, ne pourra pas vraiment être compensée sur d’autres produits. «Et vu que la demande s’effrite déjà un peu partout dans l’Horeca, la TVA qui augmente n’est vraiment pas une bonne nouvelle pour le secteur. Et là où la TVA baisse, cela donnera un peu plus de marge aux établissements qui ne se portent pas bien, et ils sont nombreux dans un secteur où les pertes d’emploi ont grimpé de 50%.»

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